Effet biopervers

L'effet bio-pervers

L’agriculture conventionnelle et l’agriculture bio ne sont  pas sur un même pied d’égalité : la première est largement subventionnée par la PAC et la seconde ne l’est pas.

 En France, 20% des exploitations absorbent 80% des subventions européennes.  Comme si cette inéquité ne suffisait pas, l’agriculture bio n’est pas rémunérée pour les services rendus à la nature alors que les dommages induits (pollution) par les méthodes conventionnelles sont supportés par le contribuable .Le contexte n’est pas encore favorable à la bio. La marge de progression reste importante. Chaque mois, 300 agriculteurs  s’engagent  dans la production biologique, soit une hausse de 23 % par rapport à 2008. Alors qu'ils étaient 13.300 fin 2008, ils sont passés à 16.400 fin 2009.
Selon les premières estimations, 3,2 % des exploitations françaises seraient bio fin 2009, soit 670.000 hectares au total (516.000 certifiés et 154.000 en conversion). Ce qui correspond à 2,4 voire 2,5 % de la surface agricole utile (SAU). 

Cette évolution est intéressante sur le plan environnemental ; elle est aussi nécessaire sur le plan commercial pour répondre aux besoins du marché car  la demande a progressé beaucoup plus vite que l’offre.

Dans cette conjoncture, la grande distribution, extrêmement  affutée, s’est rapidement trouvé une vocation (financière) bio. Elle  s’approvisionne stratégiquement un peu sur le marché français et financièrement, a recours à l’importation massive qui assure, en terme de volumes,  la satisfaction de  la demande. Il faut reconnaître que la France offre des quantités faibles voire infimes  dans certains domaines : légumes méditerranéens, épiceries, soja et aquaculture. Pour  les autres secteurs, la production française apparaît notoirement insuffisante.

L’avenir de la production bio française
La prise de conscience du consommateur qui réclame un produit de qualité a ouvert des perspectives prometteuses. La grande distribution s’est emparée du marché puisque demande il y a !

Il convient donc  d’acheter au meilleur prix pour encaisser une bonne marge. La production française, non soutenue, n’est pas toujours compétitive par rapport  aux importations. Le plan Barnier, qui vise à atteindre 6% des surfaces biologiques en 2012 et 20% en 2020   incitant environ 3500 producteurs/ an à la conversion, risque paradoxalement d’en faire déchanter certains alors que le marché est en plein essor.

Ceci sera d’autant plus préjudiciable que la démarche de conversion peut venir soit d’une impasse technico-économique dans laquelle se trouvait le producteur soit  d’une réelle motivation environnementale. Dans les deux cas, il doit modifier radicalement ses process et ses modes de pensées. Entre temps, la filière bio  n’a pas eu le temps de se structurer mais le business va bon train.

L’implication des collectivités territoriales 

La politique agricole doit favoriser l’agriculture bio si on veut atteindre les objectifs  et  les initiatives locales peuvent avoir un effet très incitateur. L’impact pour les producteurs locaux sera immédiatement bénéfique.  En favorisant la proximité, les circuits courts, en changeant nos habitudes et en respectant la saisonnalité des produits, on trouve des produits bio locaux moins chers que les produits importés.

Le Conseil Général va-t-il pouvoir garantir 20% de bio dans ses cantines scolaires ?  

Le double effet bio-pervers

L’inadéquation entre la demande forte du marché et le potentiel de production bio nationale encore trop faible engendre un double effet pervers :

1)  éthique et environnemental: au motif de vouloir consommer bio, ce qui est plutôt une démarche encourageante , le  consommateur achète un produit qui a déjà parcouru des milliers de kilomètres,

2)  financier: il n’y a rien d’étonnant à ce que la grande distribution et les discounteurs appliquent strictement à la bio les mêmes règles mercantiles que celles des autres produits ; les économistes vont nous expliquer que l’on ne peut échapper au sacro-saint marché mondial.                                                                      

Au même titre qu’il y a  l’agriculture conventionnelle et l’agriculture bio , il aurait pu y avoir le commerce conventionnel et l’émergence du commerce bio.

C’est loupé ! Les producteurs ont initié la démarche. Elle est maintenant plébiscitée par les consommateurs, mais la grande distribution, toujours très réactive,  s’est immédiatement appropriée le marché bio.

Ne serait-il pas  temps de  réfléchir sur nos habitudes d’achats : intégrer au choix du produit, le concept de ses origines  géographique et sociale ?

 

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