FNE: la dérive intégriste

Dans le domaine de la continuité écologique, France Nature Environnement se distingue par ses positions extrémistes -au moins celles de ses responsables nationaux- les adhérents sont souvent des naturalistes passionnés des rivières et développant une vision plus équilibrée. Depuis 5 ans, l’essentiel de communication FNE sur le sujet consiste à faire une sélection (à charge) de certaines conclusions de l’Onema et de l’Agence de l’eau, poivrée d’un discours très hostile au patrimoine et à l’énergie hydrauliques, éludant les causalités. Le dernier communiqué ne fait pas exception à la règle.

Critique:

Communiqué de presse FNE-  lundi 25 février 2013

«  Le bon état des eaux et des cours d’eau ne doit pas être sacrifié sur l’autel des intérêts économiques particuliers.  Après une longue procédure de concertation et au moment où l’Etat est en cours d’arbitrage sur les listes des cours d’eau qui ne doivent pas souffrir d’une rupture de la continuité écologique et biologique, en particulier, par la construction de nouveaux ouvrages hydroélectriques, les représentants de la petite hydroélectricité se mobilisent pour porter un coup fatal à notre patrimoine hydrographique et biologique ».

• La procédure de concertation n’est pas spécialement longue : la consultation réglementaire ne dure que 4 mois (par exemple en ce moment en Rhône-Méditerranée) et elle est marquée par un défaut manifeste d’information du public et des élus. On ne pose pas la question claire : souhaitez-vous oui ou non sacrifier les seuils et barrages de vos rivières, engloutir des sommes considérables sans aucune garantie de résultat ?

• Les ruptures de continuité écologique opérées par les seuils et barrages ne représentent que des causes mineures de la dégradation de la qualité de l’eau. Faire croire le contraire, c’est désinformer, ignorer les pollutions réelles et les mesures urgentes à prendre.

« A la demande de l’Europe et sous son contrôle, le Parlement français ambitionne pour notre patrimoine commun que 66% des masses d’eau atteignent l’objectif de bon état écologique ».

• L’Union européenne ne considère pas l’hydromorphologie (intégrant la question de la continuité) comme une condition du bon état des eaux : elle demande à juste titre que l’on traite d’abord les causes chimiques et physicochimiques de dégradation. De nouveau, cessons les informations lacunaires et tendancieuses.

• La France a à peine mesuré (et encore moins traité) l’état chimique de deux-tiers de ses masses d’eau. Quant à l’état écologique, son indice de confiance est très faible faute de mesures réelles dans les rivières. Exposons aux Français la vérité des données, pas l’opacité de processus bureaucratiques sans aucun contrôle indépendant.

« Les représentants de l’hydroélectricité essaient de convaincre, par tous moyens, que les classements entrepris sont contraires au développement d’une forme d’énergie renouvelable, y compris par des études partiales, partielles et surtout négatrices des enjeux liés à la reconquête et à la non détérioration des cours d’eau ».

• La disparition d’un seuil ou d’un barrage fait automatiquement disparaître le potentiel énergétique associé à sa retenue et à sa dérivation. Il n’y a rien de partial ou partiel à le dire, c’est la physique de base. Les études privées sont vite faites et moins dispendieuses que les études publiques qui cherchent trois frayères potentielles,

• Dans la mesure où les Agences de l’eau soutiennent massivement cet effacement (80% de subvention avec l’argent public), il est évident que la politique de l’Etat français consiste à liquider le potentiel de petite hydraulique… en pleine recherche de transition énergétique.

« Les collectivités locales, en cours de consultation, ne se laisseront pas abuser par les promesses de rentrées fiscales ni par un potentiel de développement de l’hydroélectricité aléatoire qui va se traduire par la dégradation des cours d’eau encore préservés ».

• Les collectivités locales sont concernées au premier chef par les Schémas régionaux climat air énergie (SRCAE) et par les Plans climat énergie territoire (PCET). Ceux-ci soulignent généralement la nécessité d’une production d’énergie locale et diversifiée. L’énergie de l’eau est la plus ancienne des énergies durables après celle du bois. Il est fort logique qu’elle fasse partie du mix. C’est le cas partout dans le monde ou presque,

• Rappelons que nous devons produire 23% d’énergie non carbonée en 2020, et 80% en 2050. Sans l’énergie hydraulique, c’est tout bonnement impossible (à technologies connues et délais réalistes),

• Rappelons encore qu’à l’échelle du siècle, le changement climatique est considéré comme la première menace sur la biodiversité (française comme mondiale), sans aucune commune mesure avec des seuils en rivières souvent pluriséculaires qui n’ont jamais remis en question cette biodiversité. Un tel aveuglement sur les priorités est affligeant.

« La FNPF et FNE, non signataires de la convention d’engagements pour le développement d’une hydroélectricité durable de 2010 en raison de son caractère déséquilibré, entendent exprimer leurs préoccupations face à de funestes projets ».

• La non-participation de FNPF et FNE à cette convention organisée sous l’égide du ministère de l’Ecologie témoigne surtout de la position « déséquilibrée » de ces deux organisations. C’est évidemment contraire à la « gestion équilibrée » de l’eau voulue par le législateur dans le Code de l’environnement — législateur qui n’a jamais signé un blanc-seing à des opérations délirantes de prétendue « renaturation » de toutes les rivières françaises.

  »La FNPF et FNE rappellent leur opposition :
- Au développement aventureux de la petite hydroélectricité au bénéfice environnemental discutable et aux effets environnementaux dévastateurs ; »

• Si l’effet est à ce point « dévastateur », il devrait être quantifié avec précision. Ce n’est pas le cas : la science ne se limite pas à quelques études de cas impressionnistes sur papier glacé. Dans les rares bassins où la mesure est faite (avec des méthodes hélas peu robustes), on constate que 70 à 80% de la variance de l'IPR (indice de qualité piscicole) des rivières ne provient ni des seuils ni du taux d' étagement. Et quand il en provient, c’est essentiellement en raison d’un facteur dominant — l’absence d’espèces rhéophiles dans la zone d’influence des seuils (sans qu’il soit vérifié si les rhéophiles en question trouvent refuge dans les zones à fort courant du linéaire).

• Quant à l’impact sur les migrateurs, il peut être aisément corrigé lorsqu’il est avéré (passes à poissons, ouverture des vannes).

« - Au financement du développement de l’hydroélectricité par le consommateur, au travers de l’obligation d’achat de l’électricité (Contribution au Service Public de l’Électricité) « 

• nostalgie du kolkhoze qui ne rémunère ni les produits ni les services ? Les denrées alimentaires et les matières premières ont un cours. Où pourrait-on trouver de l’énergie gratuite ? Rappelons quand même que l’énergie hydraulique est trois fois moins subventionnée que l’énergie solaire, son coût de production étant parmi les plus bas au sein des renouvelables. Et contrairement à d’autres sources d’énergie, la petite hydraulique des moulins et usines bénéficie d’un fort attachement social dans les territoires ruraux comme en témoignent les nombreuses Collectivités qui ont acquis moulins et étangs.

« - A ce que les intérêts économiques de quelques-uns l’emportent sur l’intérêt de tous ».

• Tout à fait. Développer une énergie locale et non carbonée relève de l’intérêt général, ce que les engagements européens et internationaux de la France démontrent largement. Les importations de pétrole combleraient-elles l’intérêt de tous ?

• L’OCE déplore par ailleurs que la vision déséquilibrée et extrémiste de la rivière s’impose à tous, au détriment d’un vrai débat démocratique.

  » La FNE et la FNPF rappellent leur attachement :

 - Aux objectifs fixés par la Directive Cadre sur l’Eau en termes de qualité écologique de l’eau « 

• tout le monde est attaché à la qualité de l’eau. L’absence de subventions chez certains permet d’exprimer un avis critique. Ils démontrent les origines réelles du catastrophique retard de la France dans les objectifs DCE. L’obsession publique sur les seuils et barrages, tapageusement soutenue par FNE, a entretenu ce retard au lieu de tenter de le combler. C’est un choix cosmétique issu du Grenelle, sans rapport avec les causes réelles de dégradation de l’eau depuis un demi-siècle.

« - Aux différents plans nationaux dont le gouvernement est responsable : plan de gestion de l’anguille européenne (en voie de disparition), plan de restauration de la continuité écologique, stratégie nationale de la biodiversité et des poissons migrateurs, Trame Verte et Bleue « 

• Tout le monde souscrit au soutien des espèces menacées… par la surpêche, le braconnage et les pollutions  (les espèces migratrices en particulier). L’anguille est un bon exemple : FNE devrait expliquer  pourquoi ce poisson, très abondant au point d’être chassé comme nuisible une bonne partie du XXe siècle, a connu un déclin brutal dans les années 1970-80 alors que la petite hydraulique était en fonction depuis des siècles. L’examen un peu sérieux des réalités ne fait pas bon ménage avec les slogans…

«  - A l’optimisation du parc hydroélectrique existant, incluant sa mise aux normes environnementales ».

• L’OCE est attaché à l’optimisation du parc hydroélectrique existant, à l’optimisation des fonctionnalités des moulins incluant leur mise aux normes environnementales en matière de transit sédimentaire et de libre circulation des espèces piscicoles existantes.

« - A la concertation pluraliste ayant présidé à l’établissement des listes de cours d’eau à classer, en cours d’arbitrage et qui tiennent compte de manière équilibrée, au respect de tous les impératifs, qu’ils soient économiques ou environnementaux ».

• nous sommes au moins d’accord sur un point.

« - A l’application pragmatique des mesures de rétablissement des continuités piscicoles et sédimentaires issues du classement en liste 2 sans rien céder quant à son ambition ».

• En effet, soyons pragmatiques, pas dogmatiques.

« La FNPF et FNE attendent du gouvernement, responsable devant la Commission européenne, qu’il en tire toutes les conclusions, à l’heure où la politique de l’eau menée en France fait l’objet de nombreuses controverses et critiques ».

• La conclusion est connue: la France est en retard et plusieurs fois condamnée pour la non-application de la directive Nitrates de 1991 ; la France est très en retard sur le rapportage de la pollution chimique DCE 2000 et presqu’aucune évaluation de l’état écologique des rivières ne procède de l’ensemble intégral des mesures réelles (et non avis subjectif ONEMA) exigée par la même DCE 2000 ; l’objectif de bon état des deux-tiers des masses d’eau ne sera pas atteint en 2015 ; la désorganisation du Système d’information sur l’eau et l’absence de moyens proportionnés en sont responsables

FNE: « ne jetons pas l’ONEMA avec l’eau du scandale ! »

France Nature Environnement vole au secours de l'ONEMA.

nous reproduisons in extenso l'article du blog = http://www.eauxglacees.com/France-Nature-Environnement-Ne

Les réactions et prises de position se multiplient après l’affaire dévoilée par la Cour des Comptes. Dans un communiqué de presse daté du lundi 4 mars 2013, co-signé par notre ami Bernard Rousseau, figure historique de l’eau à FNE, et de la FRAPNA, l’Oncle Bernard, fidèle aux louvoiements alambiqués qui sont devenus sa marque de fabrique (lointaine ombre portée d’un mollettisme redevenu d’actualité), s’empare de notre affaire, avec tout le talent que nous lui reconnaissons, aux fins… de veiller à ce que les intérêts bien compris de FNE (voire accessoirement ceux de la FNPF), ne fassent pas naufrage dans cette période difficile. Et profite de l’occasion sans vergogne pour tâcler nos amis des moulins (ils se reconnaîtront), et de la micro-hydraulique associée, déjà sévèrement étrillés par un précédent communiqué du 25 février 2013. Autant d’occurrences qui ne vont pas tarder à nous inciter à regarder de plus près où en est le rocambolesque chantier de la « continuité écologique », cache sexe d’une DCE en état de coma dépassé, fort opportunément porté aux nues par nos amis à l’approche de 2015. Comme à regarder de plus près fameuse « redevance hydro » chère à FNE et à la FNPF…

« L’affaire ONEMA a été initiée cet automne par des fuites dans la presse sur un rapport de la Cour des Comptes non diffusé dans le public. La diffusion de ce type de rapport a été retardée pour intégrer les réponses des responsables des établissements incriminés aux questions posées par la Cour. Certains responsables syndicaux ont eux aussi dénoncé de « graves irrégularités ».

Bien évidemment, les dérives avérées doivent être stoppées, leurs responsables sanctionnés et les éventuels délinquants poursuivis devant les tribunaux avec sévérité.

Nous n’avons pas plus de complaisance envers eux qu’envers les pollueurs de tous poils et ceux qui détruisent notre patrimoine naturel. Par contre nous apprécions l’indépendance et la compétence du personnel de l’ONEMA, de ses délégations et de ses services départementaux, bien souvent seuls face aux délinquants. Leur fonction est irremplaçable comme le souligne la Cour des comptes.

« Les responsables de la dégradation de la qualité des eaux et des milieux aquatiques qui sont connus de tous, restent largement hors d’atteinte des dispositifs mis en place par les pouvoirs publics : à savoir la réglementation, les directives européennes, la police des eaux, les Agences de l’eau et leurs Comités de Bassin construits sur le système des redevances » rappelle Bernard Rousseau responsable des politiques de l’eau à FNE.

Dans ce contexte, plutôt que de profiter des dérives observées pour remettre en cause l’outil ONEMA, il importe de défendre les missions de cet office et de profiter de sa rénovation pour en améliorer sa gouvernance. En effet, ces missions -et en particulier la police de l’eau- ont permis de peser un peu face aux pollueurs / préleveurs même si les moyens ont été et restent insuffisants.

On ne nous fera pas croire que l’ONEMA et les Agences de l’eau sont responsables d’un état des lieux désastreux pour la ressource en eau.

Que peuvent faire ces dispositifs, devant l’agriculture intensive déversant ses pesticides et ses intrants, et qui, au côté de l’urbanisme aveugle, détruit des zones humides et des forêts riveraines , tout en artificialisant les berges ? Qu’attendre d’une industrie vieillissante déversant ses toxiques, d’une hydroélectricité qui veut occuper les dernières portions de rivière encore préservées, d’une culture du maïs qui appelle toujours plus d’irrigation, et maintenant la fabrication de la neige artificielle qui modifie l’hydrologie des têtes de bassin de montagne, sans oublier les extractions de granulats, les retenues en rivières qui perturbent le transport sédimentaire et découpent les cours d’eau en tronçons ?

Au-delà des graves irrégularités qui devront être précisées et des sanctions qui devront s’ensuivre, nous observons que la campagne de communication anti-ONEMA se focalise maintenant sur l’hydromorphologie des rivières dont la perturbation ne serait pas une des causes de leur mauvais état, même s’il en existe bien d’autres.

Ceux qui mènent cette campagne ont une cible difficilement avouable publiquement : les classements des cours d’eau au titre de l’article CE L 214-17 actuellement en cours d’adoption dans les Bassins.

- 1- Page 329 de son rapport annuel 2013, la Cour indique « La police de l’eau : des contrôles à renforcer » Pour télécharger directement la partie du rapport afférente à l’ONEMA http://www.ccomptes.fr/Publications...

Contact presse :

FNE : Bernard ROUSSEAU 06 79 84 68 58 ; bernard.rousseau@fne.asso.fr

FRAPNA : Jacques PULOU 06 72 03 95 35 ; jacques pulou<JACQUES.PULOU@WANADOO.FR>

Communiqué de presse - Lundi 25 février 2013.

« Le bon état des eaux et des cours d’eau ne doit pas être sacrifié sur l’autel des intérêts économiques particuliers »

« Après une longue procédure de concertation et au moment où l’Etat est en cours d’arbitrage sur les listes des cours d’eau qui ne doivent pas souffrir d’une rupture de la continuité écologique et biologique, en particulier, par la construction de nouveaux ouvrages hydroélectriques, les représentants de la petite hydroélectricité se mobilisent pour porter un coup fatal à notre patrimoine hydrographique et biologique.

A la demande de l’Europe et sous son contrôle, le Parlement français ambitionne pour notre patrimoine commun que 66% des masses d’eau atteignent l’objectif de bon état écologique.

Les représentants de l’hydroélectricité essaient de convaincre, par tous moyens, que les classements entrepris sont contraires au développement d’une forme d’énergie renouvelable, y compris par des études partiales, partielles et surtout négatrices des enjeux liés à la reconquête et à la non détérioration des cours d’eau.

Les collectivités locales, en cours de consultation, ne se laisseront pas abuser par les promesses de rentrées fiscales ni par un potentiel de développement de l’hydroélectricité aléatoire qui va se traduire par la dégradation des cours d’eau encore préservés.

La FNPF et FNE, non signataires de la convention d’engagements pour le développement d’une hydroélectricité durable de 2010 en raison de son caractère déséquilibré, entendent exprimer leurs préoccupations face à de funestes projets.

La FNPF et FNE rappellent leur opposition :

- Au développement aventureux de la petite hydroélectricité au bénéfice environnemental discutable et aux effets environnementaux dévastateurs ;


- Au financement du développement de l’hydroélectricité par le consommateur, au travers de l’obligation d’achat de l’électricité (Contribution au Service Public de l’Electricité) ;


- A ce que les intérêts économiques de quelques uns l’emportent sur l’intérêt de tous.

La FNE et la FNPF rappellent leur attachement :

- Aux objectifs fixés par la Directive Cadre sur l’Eau en termes de qualité écologique de l’eau ;


- Aux différents plans nationaux dont le gouvernement est responsable : plan de gestion de l’anguille européenne (en voie de disparition), plan de restauration de la continuité écologique, stratégie nationale de la biodiversité et des poissons migrateurs, Trame Verte et Bleue ;


- A l’optimisation du parc hydroélectrique existant, incluant sa mise aux normes environnementales. ;


- A la concertation pluraliste ayant présidé à l’établissement des listes de cours d’eau à classer, en cours d’arbitrage et qui tiennent compte de manière équilibrée, au respect de tous les impératifs, qu’ils soient économiques ou environnementaux. 


- A l’application pragmatique des mesures de rétablissement des continuités piscicoles et sédimentaires issues du classement en liste 2 sans rien céder quant à son ambition.

La FNPF et FNE attendent du gouvernement, responsable devant la Commission européenne, qu’il en tire toutes les conclusions, à l’heure où la politique de l’eau menée en France fait l’objet de nombreuses controverses et critiques. »

Contact presse :

Brigitte Ruaux, chargée de mission Eau : 02 38 62 55 90

à lire : http://oce2015.wordpress.com/2013/03/01/fne-derive-integriste/

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La politique de l'eau en France : entre scandales et dérives

Le journal Le Monde, dans son édition des 3 et 4 février 2013 consacre sa « une » à cette question : « La politique de l'eau en France entre scandales et dérives ». Voici quelques extraits des analyses de ses journalistes. La lecture complète des articles dans l'édition papier ou numérique (abonnés) est fortement conseillée.

http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/02/02/la-politique-de-l-eau-dans-la-tempete_1826214_3244.html

L'Onema dans le collimateur

Le ménage a été fait discrètement. Mais cela ne devrait pas suffire à étouffer le scandale qui frappe l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), un établissement public sous la tutelle du ministère de l'écologie, bras armé de la politique  publique de l'eau en France. L'agence en gère les données statistiques, cruciales pour juger de la qualité de notre ressource hydrique. L'Onema est sous le feu de vives critiques dans le rapport annuel de la Cour des comptes, qui sera rendu public le 12 février. Les conclusions des sages de la Rue Cambon s'appuient largement sur un "Relevé d'observations provisoires" daté de juillet 2012 dont Le Monde a pu prendre connaissance. Lancé le 8 septembre 2011, le contrôle de la Cour met en évidence de lourds dysfonctionnements internes : "absence de fiabilité des comptes", "un budget mal maîtrisé sans procédure formalisée d'engagement de la dépense", "une gestion des systèmes d'information défaillante", "des sous-traitances non déclarées", etc.

Jeu de chaises musicales pour sanctionner des dérives récurrentes (selon la ministre)

Quinze jours plus tard, par arrêté du ministère de l'écologie, Patrick Lavarde, directeur général de l'Onema depuis sa création, en 2007, est remplacé par Elisabeth Dupont-Kerlan, ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts. M. Lavarde est nommé chargé de mission au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), organisme sous l'autorité du ministère de l'écologie. Il n'a pas répondu à nos sollicitations. Le 21 novembre 2012, en conseil des ministres, il est aussi mis fin aux fonctions d'Odile Gauthier, directrice de l'eau et de la biodiversité (DEB), présidente du conseil d'administration de l'Onema, où elle n'a toujours pas été remplacée. Nommée à la direction générale du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, Mme Gauthier ne souhaite pas s'exprimer sur ses fonctions antérieures. Et d'autres mutations sont en cours. 

Comment expliquer tous ces dysfonctionnements ? Au-delà des responsabilités individuelles de tel ou tel acteur, que la justice pointera peut-être, l'affaire de l'Onema traduit, pour reprendre les termes d'un haut fonctionnaire, "un bordel incroyable" au sein de l'Etat. "Ce qui frappe, réagit Delphine Batho, c'est le caractère récurrent des dérives constatées, cette situation incroyable qui a perduré."

Le système d'information sur l'eau embourbé

Pour répondre à plusieurs directives européennes, la France doit rendre des comptes à la fois sur ses eaux potables, de baignade, conchylicoles, ainsi que sur ses eaux résiduaires urbaines, ses nitrates, boues d'épuration, inondations... Il lui faut élaborer - via l'Onema - un système d'information sur l'eau (SIE) performant, capable de fournir des données fiables et accessibles à la fois pour son " rapportage " auprès de Bruxelles, mais aussi pour orienter ses propres politiques publiques de l'eau. (…) L'Onema a consacré à cette tâche 80 millions d'euros en 2010, selon le rapport provisoire de la Cour des comptes. Pourtant, le SIE semble embourbé, son architecture tarde à prendre forme. Une bonne partie des données n'est toujours pas accessible, comme en témoigne Eau France, le portail Internet piloté par l'Onema, prolixe en textes officiels, recommandations et synthèses diverses, mais avare d'informations à jour et lisibles par le public non initié. Dans un paysage qui reste opaque, certains experts en arrivent à douter de leur fiabilité.

La Commission européenne fondée à douter des mesures

"En tout état de cause, la Commission européenne, qui estime les efforts de la France en matière de qualité de l'eau assez insuffisants pour la condamner d'ici quelques semaines, ne devrait pas perdre une miette de ce scandale. Bruxelles pourrait en effet s'interroger sur la pertinence des informations transmises par la France."

La Police de l'eau soumise à des contraintes

" Des pressions ? " Cette chef de service éclate de rire. " Des pressions phénoménales oui ! Parfois, rapporte-t-elle, on nous demande de nous contenter d'une mise en garde plutôt que de verbaliser une entreprise polluante parce qu'il y a 400 emplois à la clé. Une autre fois, on nous interdit de contrôler les zones de lavage des engins agricoles des viticulteurs sous un prétexte fallacieux... " (…) Dans le sud de la France, un autre chef de service estime que la loi sur l'eau n'est simplement pas appliquée dans son département, soumis à une pression touristique extrême. " L'administration ne veut pas de vagues, elle a fait le choix d'imposer le moins de contraintes possibles. Parfois, elle peut se contenter d'une simple note manuscrite de la part d'une entreprise au lieu d'exiger une demande d'autorisation réglementaire de cinquante pages. Elle "oublie", aussi, de nous transmettre certains dossiers. Nous avons ainsi découvert dans la presse un projet de centre commercial qui va conduire à bétonner les rives d'un petit cours d'eau... "

 

La DCE 2000 et ses effets

Il fallait de grandes œillères fermées pour ne pas voir que les objectifs seraient inaccessibles en 2015. Et les ONG écologistes ont foncé dans la voie. De la même manière que de nombreux coupables ont souvent été désignés avant le procès judiciaire, la vox populi s’élève contre les prétendus responsables de la mauvaise qualité de l’eau: les seuils, les barrages, les moulins et les étangs. Nov. 2006, tout va bien ; 30 Déc. 2006 nouvelle Loi sur l’eau ; 1er Janv. 2007, rien ne va plus.

Or, nous contestons (certainement pas le fait de chercher à avoir une eau de la meilleure qualité qui soit), mais la présentation à charge de certains impacts. Il y aurait 30 000 obstacles sans usage. Que veut-on sous-entendre? Cela signifie-t-il qu’ils n’ont plus d’intérêt? S’interroge-t-on sur leurs potentialités et valorisations futures?
Le non usage en 2012 pour des ouvrages qui existent depuis des siècles n’altère pas leur carte de visite; ces sites multifonctionnels ne manquent pas d’atouts; ils ne demandent qu’à travailler, mais qui pourrait initier la dynamique de les remettre en activité?
Comment en est-on arrivé là ? le discours asynchrone des experts est réinvesti.
Dans le faisceau des idées, il semble que des politiques intelligents aient intégré le fait que les puissants lobbies étaient plus forts que les bonnes idées. Les directives tombèrent dans le terreau réceptif des personnels d’exécution, tout aussi intelligents, qui s’empressèrent de verdir le texte en le drapant « d’écologique ». C’est imparable. L’angle d’attaque émane ensuite de spécialistes qui ont réussi à transformer le phénomène de la dynamique fluviale en seul problème à résoudre…alors que les lobbies des pollueurs n’ont pas encore été égratignés d’un pouce.
Une rhétorique huilée, martelée au rouleau compresseur, vulgarisée par la DDT, l’ONEMA et les AGENCES de l’EAU. Pour les particuliers, on écrase. Pour les élus, on instaure une contribution volontaire obligatoire : il faut en effet les convaincre pour qu’ils consentent à payer. Quand on a réuni un budget, on lance des grandes consultations publiques pour le justifier et entériner des positions légitimes puisqu’elles sont « écologiques ». Refuser une obole pour la nature, qui oserait s’y opposer ?

La DCE aurait pu être laissée aux mains des ONG environnementales mais leur pouvoir tellement limité n’aurait pas été probant vis-à-vis de Bruxelles sur la réelle volonté d’agir de l’Etat qui devait donc garder la main. Il a promulgué une Loi sur l’Eau le 30 Dec.2006 contraignant le développement économique écologique. Les ingénieurs auraient pu l’imaginer, ce développement écologique, au lieu de limiter leurs compétences à sonner le tocsin.
Dans le domaine de l’eau, le développement écologique consiste par exemple à faire progresser de 20% la production hydroélectrique, dans le respect de la qualité de l’eau. Cela peut aussi concerner l’inventaire de tous les sites pouvant constituer des retenues soutien d’étiage, développer la phytoépuration alors interdite pour les particuliers, solutionner les problèmes de pollution aigüe des stations dites d’épuration. Le développement économique écologique, ce ne sont ni Notre Dame des Landes ni l’arasement des seuils ex ante mais des prospectives sur l’eau excédentaire à stocker ou à déplacer et à restituer en période d’étiage, inventorier tous les points noirs d’érosion anthropique et y apporter des remèdes, instaurer le zéro achat pesticides qui évite de les appliquer…
On a bien imaginé sous Louis XI le canal du Pont du Fossé. Sommes-nous moins ingénieux aujourd’hui équipés de nos moyens techniques ? Non ! Mais terrorisés à l’idée qu’une pierre déplacée pourrait tuer un gammare, l’imagination est annihilée. A défaut d’objectifs, la matière grise est sous-valorisée à rédiger des plaquettes, brochures, organiser des réunions, colloques, conférences pour animer le débat publique, élaborer moult dossiers de demandes de financements à Bruxelles. C’est conforme aux huit recommandations de l’Académie de l’Eau et ça ne coûte que 2 à 10%. Parfait.
Il faut reconnaitre que pour l’égo et la crédibilité, un bureau d’études doit prouver sa capacité à initier de gros chantiers alors que le remède consiste au contraire à corréler chaque ouvrage à la taille du ruisseau, de la rivière, à l’insérer dans l’environnement économique et social. Avec la perte du bon sens, de l’observation et de l’analyse qu’avaient nos anciens, on dédaigne les petites réalisations du développement écologique et rural qui sont, la plupart du temps, tournées en dérision. On nous oppose doctement « ce n’est pas la bonne réponse au problème ». Pourtant, en termes d’environnement et d’impact social, tous les efforts s’additionnent pour escompter un résultat global significatif.
Amnésie et complexes ?
Le Tigre, l’Euphrate et le Nil…bien avant Alexandre le Grand, l’homme a eu besoin de maîtriser l’eau. Rendons hommage aux travaux hydrauliques des Romains, au génie des Moines depuis le Moyen Age, aux grands travaux d’assainissement (Sologne, Landes) et d’irrigation…l’essor de la France grâce à l’hydroélectricité qui occupait encore une place importante avant le nucléaire. Nos illustres prédécesseurs auraient-ils placé la barre beaucoup trop haut pour que nous renoncions à imaginer les solutions indispensables au 21ème siècle ?
La DCE :
Un gros travail, qui aurait pu être ressenti comme une corvée, a été accompli avec célérité : tous les étangs, mares, ruisseaux ont été inventoriés. Le zèle remontait aux rigoles et fossés, jusqu’au sommet du bassin versant. Effets collatéraux des mises aux normes : on envoie les bulldozers sans discernement dans les zones humides pour assurer la continuité écologique, et le Conseil Général subventionne.
Concernant l’arasement des seuils, on sale la note des frais et honoraires qui peuvent représenter 50% du montant des travaux !!!
Effarante la doctrine « post 2005 »: le raz de marée unanime d’un discours qui outrepasse quelquefois le texte. Dans quel dessein ? Sur quel(s) fondement(s) technique(s) ?
Oui, toute intervention est invalidante pour l’environnement : ça commence par l’invention de la hache, de la pioche puis de la charrue. Doit-on pour autant, en se retranchant derrière deux mots galvaudés à toutes les sauces « grenelle et durable », mettre la nature sous cloche en France et considérer tous travaux d’aménagements suspects ?
L’ amnésie collective s’émerveille spontanément devant le fantastique canal du midi. Culminant à 190m d’altitude, il n’aurait jamais vu une seule goutte d’eau sans un astucieux réseau d’alimentation imaginé par Pierre-Paul Riquet. (L’impétrant mérite à titre posthume des centaines de PV de l’ONEMA : aucune étude d’impact, destruction de vie aquatique…). Son œuvre est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. On rebouche tout ? Le canal de Briare et les Sept Ecluses : restauration physique écologique à l’identique ? Le Pont du Gard qui n’a plus d’usage: on rase ?
Les incohérences :
- Les grands ouvrages hydrauliques, invalidants pour l’environnement depuis le 15ème siècle suscitent émerveillement et ont un grand intérêt au 21ème siècle au point d’être considérés patrimoine local voire patrimoine mondial, (abbaye, moulin, aqueduc) mais on clame haut et fort qu’il ne faut plus rien construire,
- les étangs anciens à 99% artificiels, cuvettes d’argile à leur création, font l’objet de tous les classements ZNIEFF, ZICO, NATURA 2000, RESERVES NATURELLES, en raison d’un biotope et d’écosystèmes très riches, mais on clame haut et fort qu’il n’est plus question d’en créer,
- cette stupéfiante incohérence intellectuelle de constater que le déficit en eau et la pollution sont des facteurs extrêmement pénalisants et de continuer à porter la bannière de la restauration physique en étant convaincu qu’il s’agit du seul remède. Globalement, on constate l’incohérence entre la politique économique et la politique de l’eau. Il sera nécessaire d’évaluer les résultats obtenus au regard d’indicateurs qualitatifs et financiers.
Ces incohérences nous paraissent centrales. Les suivantes s’inscrivent dans ces trois thématiques. Elles devraient rester en mémoire et inciter à plus d’humilité dans les certitudes despotiques sur le bien ou le mal prodigué à l’environnement.
- OGM ou qualité de l’eau ? Tentons de vérifier la rumeur qui prédit une augmentation de mille% l’utilisation de roundup en cas de généralisation des OGM dans les cultures,
- retenues et étangs subventionnés jusqu’en 2006, interdits depuis 2007,
- le Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement souhaite le 6 Octobre 2011 le développement de l’hydroélectricité lors du 27ème congrès de l’Association Nationale des Elus de Montagne,
- interdiction de créer seuils et étangs et des Préfets qui prennent de nombreux arrêtés de restriction d’usage de l’eau en période de sécheresse (cela n’a pas empêché 600km d’assecs en 2012 en Charente-Maritime),
- des élus que l’on veut convaincre de payer des travaux d’arasement et qui manifestent à Montluçon (Oct. 2012), arborant leurs écharpes tricolores, en mocassins dans le lit vide du Cher ; beaucoup plus en aval, la colère monte (Nov.2012) dans les 20 communes entre Montrichard et Tours : les barrages ont cédé et sont à reconstruire (budget 1million€/an),
- des AAPPMA vocifèrent contre seuils, moulins et étangs puis déplorent le manque d’eau, (130 000€ en trois ans pour des civelles et 160 000€ pour restaurer des frayères à brochets, sans eau en 2012 en Poitou-Charentes),
- les pêcheurs fustigent les étangs mais y a-t-il une seule Fédération de pêcheurs qui ne louerait pas ou ne serait pas propriétaire d’étang(s) ?,
- prétendre développer la pisciculture en octroyant des subventions du FEP (Fonds Européen pour la Pêche) et araser les seuils au lieu d’en créer,
- un engouement social très fort qui pousse toutes les Collectivités à créér et à acquérir lacs et étangs, une passion ancrée pour les moulins probablement en reconnaissance intuitive à leur contribution alimentaire et industrielle du passé et ce déni « écologique » récent,
- la cerise sur le gâteau : on invoque des travaux et des frais onéreux pour des populations piscicoles (saumon et anguille)… en voie d’extinction à cause de la surpêche et de la pollution.
L’hypocrisie :
- Une idéologie libérale qui laisse mettre en place des règles contraignantes au lieu de favoriser la marchandisation des actifs naturels ; à l’opposé, ne pas s’attaquer aux lobbies sans internaliser et recouvrer les coûts induits par les usages polluants,
- la DCE laisse le choix des moyens, principe de subsidiarité, aux Etats membres qui ont une obligation de résultat ; en clair, ils choisissent de ne pas affecter les marchés. Cela équivaut à un droit subventionné pour l’industrie et la chimie qui peuvent continuer de polluer,

- la débauche d’énergie et les frais considérables engagés pour des échéances qui seront reportées ad vitam aeternam avec des indicateurs édulcorés…ce n’est pas sérieux,

-Ce ne sont ni les seuils ni les barrages qui créent les atterrissements. Certains modus operandi (mauvaises pratiques en amont) provoquent l’érosion de dizaines voire centaines de m3/ha entrainant la dystrophisation. C’est une dérive technique qui n’a rien à voir avec les besoins de la dynamique fluviale. Chaque coupe rase forestière, chaque sol agricole dénudé en hiver, chaque chantier de TP, chaque carrière, devrait être équipé d’un fossé ou d’un bassin de décantation, dépourvu de dispositif de vidange et correctement dimensionné.

-  Si la collectivité assume les déchets en ville, elle devrait supporter les frais de curage des sédiments illégitimes comme elle le fait pour les collectivités au titre des CRE (Contrat de Restauration et d’Entretien). Enfin,il conviendrait dans les méthodes expertales de calculer et d’attribuer une valeur à cette fonction d’utilité publique et de service écologique des étangs, biefs, seuils et barrages. L’eau est translucide. La turbidité n’est pas la norme. Si les seuils ne captent pas les sédiments, on s’en remet à l’océan comme pour la pollution et les déchets flottants (mer de plastique). Le « tout à la rivière », c’est la palme de l’hypocrisie environnementale. Observer la couleur de l’eau, remonter jusqu’à l’origine de cette charge en MES et admettons enfin que seuils et barrages sont plus victimes que responsables.
La facture :.
Le concept « électeur-dépollueur » se renforce. Comme ce vilain n’aura pas atteint les objectifs assignés, il paiera à chaque échelon du mille-feuille : une grosse fois pour l’eau qu’il consomme, une fois pour les CRE puis la part des travaux onéreux restant à la charge de la ComCom, une troisième fois pour les travaux de mise aux normes subventionnés par le CG et une petite dernière pour les amendes-astreintes de l’UE…
L’eau, objet de pressions diverses et contradictoires, de conflits d’usages constitue un enjeu important qui devient vital. Nous estimons que la bataille actuelle tente d’atteindre une mauvaise cible. Toute activité humaine a un impact environnemental mais l’énergie déployée depuis 10 ans pour pointer l’aspect physique est largement disproportionnée par rapport aux enjeux. Les résultats ne seront pas significatifs. La véritable restauration écologique doit traiter le volet chimique. La lecture de la pertinence des textes devrait se faire à l’aune du temps au lieu de répondre dans l’immédiateté à ce qui n’est même pas un besoin et que personne n’a réclamé.
Nos pratiques hydrovores risquent de rendre certaines postures rapidement obsolètes et dérisoires.
Ph.Benoist

A lire :
- La DCE sur le bon état écologique des cours d’eau en 2015 : une galéjade ?
- Enquête chez 1000 poissons : « des proies au goût infecte »

Rétablir la continuité des cours d'eau en acquérant les droits d'eau fondés en titre

Cette publication (ici) de A. Berne nous inspire, en termes extrêmement modérés, la plus grande défiance à bien des égards : ce point de vue ne s’appuie sur aucun besoin exprimé et tenterait de susciter un marché de dupes: des fonds publics pour acquérir par tous les moyens un bien qui n'était pas à vendre et à l'issue duquel le vendeur enregistrerait un énorme préjudice.
Ces éléments caractérisent l'abus de position dominante et l'abus de faiblesse si on étudie les tenants et aboutissants d'un peu plus près.

«Pour araser les seuils facilement, il suffit d’acquérir le droit d’eau » Ce message subliminal, non seulement est un formidable pied de nez au Code de l’Environnement puisqu’il suffirait de payer pour faire fi des règles administratives, mais il soulève un point philosophique et devra répondre d’une approche économique calamiteuse.

Les postulats initiaux : un échafaudage branlant   
1) l’acquisition d’un droit d’eau n’est pas suffisante en soi pour rétablir la continuité d’un cours d’eau.
2) non, le rétablissement de la continuité d’un cours d’eau ne constitue pas un « impératif écologique vital ». L’auteur ne peut apporter aucune preuve puisque cette assertion est erronée. Même remarque sur les enjeux majeurs…des centaines d’enjeux majeurs depuis 1960 ; aussitôt énoncés, aussitôt oubliés. Allons plus loin : quand on voit ce que nous infligeons aux baleines, aux éléphants, à l’ours polaire et chez nous aux abeilles…en quoi le poisson  mériterait-il plus d’égards et un autre sort surtout pour en faire une proie ? Comment serait-il « indispensable » alors qu’il s’élève facilement au contraire des espèces en voie d’extinction?
3) « La suppression des obstacles est le seul moyen d’y parvenir ». Cette affirmation défie le sens de l’observation, de la mémoire …et dénie l’intérêt des passes à poissons. A quoi bon cette obligation légale d’en construire ?

De ces postulats, l’auteur concocte une méthode d’estimation des droits fondés en titre, ignorant les nombreux seuils qui n’ont pas ce statut. Cela sous-entend que la valeur d’un site non équipé ne recèle aucune valeur d’avenir? Qu’un chêne de 40 ans en forêt de Tronçais n’aurait aucune valeur? (*).

Une dénégation de l’impact social
Occulté complètement cet engouement général pour les seuils, plans d’eau, étangs et ce fort lien social. Témoin ces réactions d’oppositions quasi unanimes sur le terrain.

L’aveu philosophique discrédite la démarche
La relecture lancinante de la révolution du 4 Août 1789 et ce regret affiché d’imaginer que puisse encore perdurer ce privilège semble insupportable à l’auteur… alors que la liste des privilèges acquis depuis nous semblent quelquefois outranciers et beaucoup plus confortables. D’autant que cette perception aujourd’hui fut à l’époque une impérieuse nécessité : les moulins constituaient le tissu industriel. En outre, sans farine, les révolutionnaires auraient crevé de faim. « Laisser l’anarchie détruire les moulins c’eût été remplacer la Révolution par la famine » DALLOZ 1852.   Et les moulins contribuèrent à la prospérité du pays jusqu’au 20ème siècle. Heureusement qu’un hommage leur est rendu lors des journées du patrimoine et de la journée des moulins…c’est bien là le minimum qu’on leur doive. On ne peut obliger quiconque à cultiver cette mémoire et avoir la passion des moulins. Il n’empêche que cet acharnement philosophique discrédite d’emblée l’alibi mathématique.

Une approche économique inexistante

-coût de l’opération d’effacement :
Dans l’analyse de l’acheteur, on admet que le concept de R.O.I.(Return on investment)  ne soit pas un facteur de prise de décision. Il conviendrait  a minima d’appliquer la méthode ACA (Analyse-Coûts-Avantages) ? Quel(s) avantage(s) réel(s) pour justifier le prix de revient total de l’opération : indemnité + études diverses + travaux d’effacement= …? €

 -des éléments oubliés dans le calcul de l’indemnité :
Fonctionnalités économiques et touristiques du seuil : L’auteur néglige les autres fonctionnalités à estimer. Les espèces amphihalines propulsées au somment de la pyramide des priorités, peuvent être anéanties par une pollution brutale et décimées par la surpêche. Leurs jours seraient comptés. On se demande comment cette thématique des services écosystémiques  serait devenue prioritaire au point de supplanter les activités économiques et sociales ?

Calcul du préjudice immobilier :

Ce qui confère la valeur du site est le qualificatif « moulin ». Supprimer ce label et procédons à l’estimation foncière. Le bâti « rétrogadé » va supporter une  moins-value immobilière considérable qui, dans la moins mauvaise hypothèse  atteint 50%. Tentez de vendre une voiture sans carte grise : sa valeur correspond au poids de la ferraille. Dans ce cas, on peut calculer la moins-value grâce au marché. La moins-value immobilière,  pour un moulin qui n’en est plus un, en l’absence de réel marché, pourra atteindre 80%.

Une démarche déloyale

Preuve d’une démarche outrancière et déloyale: il suffirait tout simplement que la Collectivité acquière l’ensemble du bien foncier quand il se présente à la vente ou de le préempter au prix du marché. Dans ce cas, effectivement le nouveau propriétaire est libre de gérer son bien comme il l’entend. Il peut, uniquement dans ce cas et à bon droit, détruire le seuil de son moulin, après avoir déposé un dossier de demande d’autorisation à la préfecture conformément au Code de l’environnement.

Sauf utilisation spécifique, le bâti deviendra une lourde charge pour la Collectivité. Les contribuables apprécieront.

En résumé :

Cette tentative de spoliation s'appuie sur une méthode expertale grossière, très incomplète au seul dessein de proposer une offre de prix basse et à géométrie variable.

La formule commentée:

V= montant de l’indemnité. Nous ne sommes pas d’accord sur le contenu édulcoré de V. Nous l’appellerons V1 et prendrons en compte d’autres éléments dans l’estimation de la valeur: V2 et V3

V1  correspond au chiffre d’affaires toutes charges déduites, c’est-à-dire au revenu net,

V2= valeur de convenance. valeur qualifiée de convenance eu égard précisément à son statut administratif plus favorable qu’un édifice non fondé en titre,

V3= dépréciation ou moins-value immobilière du site.

V (valeur du droit fondé en titre)= V1+V2+V3

Suivent dans l’article des digressions sur la valeur B alors qu’elle est transparente et relativement simple à cerner; il suffit, pour l’exemple d’effectuer plusieurs simulations avec B= 25 000 € puis B=50 000 € etc.. mais peu importe la valeur de B : il est bien préférable pour le propriétaire de la sous-estimer  et d’être plutôt attentif sur ce qui suit :
Le plus important concerne l’interaction entre le TIR (taux interne de rentabilité) et (n) =période considérée.

Le TIR est établi par tâtonnement en recherchant la valeur du taux qui permet d’égaliser le résultat d’une formule d’escompte des recettes prévisibles et d’une formule d’indexation des capitaux produits. C’est donc le taux pour lequel le bénéfice actualisé, s’appuyant sur des valeurs absolues, est nul. Pour un porteur de projet qui prendra en compte plusieurs facteurs, un taux interne de rentabilité supérieur au taux d’actualisation choisi lui permettra d’investir dans l’opération. Le critère du TIR est un critère relatif qui traduit la rentabilité d’un euro investit. A la Communauté de Communes, non rompue à ces concepts, de calculer son TIR. Pour séduire l’acquéreur, on lui fait miroiter un t% de 4% voire plus. Parfait ; mais c’est une supercherie pour le propriétaire qui voit son indemnité diminuer au fur et à mesure que le t% augmente. Donc prudence. Un t% de la Banque de France de 0,71% (arrondi à 0,7% pour simplifier nos calculs) lui est bien plus favorable.

(n) : le bât commence à blesser très fort. Comment ose-t-on le proposer une indemnité calculée sur 20ans alors que le droit à estimer perdure depuis 223ans, qu’il ne s’éteint pas, même par le non-usage ? Il faut impérativement décorréler cette durée confiscatoire de la durée d’amortissement d’une turbine. Une proposition d’indemnité calculée sur 20ans équivaut à une tentative de spoliation. Rien d’autre.
L’équité serait de calculer sur 223ans… la décence serait de retenir consensuellement 100ans. Mais faire porter les calculs d’intérêts composés sur une très longue période est dénué de sens. De l’aveu de l’auteur, les résultats sont astronomiques. Nous avons au moins un point d’accord. Le résultat astronomique, même incomplet, n’est cependant pas illogique. Seule la méthodologie est illégitime.

Conclusion :
S’il n’y a pas abus de faiblesse, il nous semble assez peu probable qu’un propriétaire de moulin, jouissant de son entière faculté d’analyse, soit assez déraisonnable pour vendre et voir disparaître sous ses yeux ce qui constitue plus qu’un accessoire, l’essence même de son moulin : son seuil. Rétrogradé au rang de simple maison dans un fond de vallée, ne voyant le soleil qu’entre 10h30 et 16h15.
Cette approche intellectuelle pour détourner le droit, qui prétend s’appuyer sur une méthode expertale édulcorée, mise au service d’une philosophie surannée, n’apporte rien en terme sociétal et plombe les finances collectives.
Un dossier qui se référerait à une telle publication aurait bien peu de chances d’obtenir gain de cause lors d’un contentieux judiciaire. In fine, le contribuable pourrait ne pas apprécier de devoir payer ce combat idéologique d’arrière-garde sous couvert d’écologie, quand on lui demande de se serrer la ceinture.

Ph.Benoist

(*)
– l’indemnité, en cas de suppression ou de diminution de la force motrice, correspond au droit effectivement utilise ou à la puissance susceptible d’être utilisée étant donne l’état des installations,
– le fait de ne pas utiliser son droit et de laisser ses installations à l’abandon comporte, sinon la perte de ce droit, du moins la perte de son indemnisation ».

(**) Dans (n) années, le site va recouvrer toute sa valeur car le seuil sera reconstruit, par nécessité…avec peut-être des subventions. Il pourrait être intéressant d’investir dans un moulin sans seuil acquis à vil prix. Les haies arrachées entre 1960 et 1980 avec subventions sont replantées depuis ~1995 avec subventions… sans atteindre les mêmes résultats, loin s’en faut. Personne n’a calculé la moins-value écologique considérable ni la valeur des services environnementaux non-rendus.

Calculs :
t% variables sur 20, 50 et 100ans.   t% 2012 de la Banque de France=0.71%.   Pour simplifier nous avons pris 0.70%.
B provient du potentiel hydro en kW, c’est-à-dire du débit de la rivière (le module Q) x hauteur de chute (H) x 9,81  soit    B kW=Q x H x 9,81
Si le revenu B, par exemple, est de 25.000€/an, nous obtenons selon le taux:

——————sur 20ans———sur 50ans————-sur 100ans—

t%— 0,7%—–468 318,50—–1 058 976,10———1 806 134,50€

t%— 2,0%—–416 961,50——–801 301,90———1 099 008,00€     

t%— 4,0%—–353 348,50——-558 536,80———–637 130,00€

———————————————————————————

Le maniement de cette formule sérieuse conduit à un différentiel possible des deux résultats extrêmes sur V1 de 1 452 786€ (un million quatre cent cinquante-deux mille sept cent quatre-vingt-six euros)… de quoi s’entourer d’expert et d’avocat.

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la DCE: silence assourdissant de la filière piscicole

Une filière silencieuse

En cherchant sur internet avec les mots clés suivants:  "pisciculture, aquaculture, FFA"  associés à DCE, on obtient:

  • Avec « FFA »,  Fédération Française d’Athlétisme,
  • Avec « DCE »,  le résultat est pléthorique.  Marc Laimé arrive souvent au devant de la scène. Marc Laimé est journaliste.  Il n’utilise pas l’eau.  Il a  copieusement traité la thématique de l'eau.
  • Avec pisciculture + DCE = néant.

Que pensent donc les pisciculteurs, premiers utilisateurs de l’eau ?
Toutes les prescriptions découlant de l'interprétation de la DCE leurs conviennent-elles? 

N'ont-ils rien à dire sur les projets d' arasements des seuils? La préservation des droits fondés en titre?

Les conditions d'accès à la profession par la valorisation de certains seuils sans usage? C'est vrai que les candidats à l'installation sont extrêmement rares, mais quand tous les droits d'eau auront été supprimés, il nous semble encore plus difficile qu'aujourd'hui d'obtenir la moindre autorisation de dérivation de l'eau d'un cours d'eau. Or sans eau, pas de pisciculture.

Aucune remarque sur les articles L.214-17 ni sur le débit réservé du 214-18? Tous les ouvrages sont aux normes?

On entend gronder FHE et la FFAM mais silence radio de la filière piscicole, discrète, censée se développer et jouer "un rôle majeur" dans l'autonomie alimentaire. Le jour d'autosuffisance qui baisse d'année en année et qui était le 22 mai en 2012 pourrait continuer à baisser. Avons nous vraiment envie de combler le déficit de cette balance commerciale qui va atteindre 3 milliards d'euros pour les produits aquatiques?

 

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La DCE dévoyée?

Barrage de Maisons Rouges.« A l’annonce du démantèlement de l’ouvrage, le projet ne fait pas l’unanimité, notamment auprès des élus locaux et des riverains qui voient à travers ce démantèlement, d’une part, la suppression de la taxe professionnelle ainsi que la perte d’emplois et, d’autre part, la suppression du plan d’eau et de l’intérêt touristique et paysager qui lui est lié. Après quatre années de négociations et d’enquête, l’arasement du barrage de Maisons-Rouges est programmé ».
L’objectif : «rétablissement de la continuité écologique pour le retour des poissons grands migrateurs »…

Le bilan et les perspectives :
« L’effacement du barrage de Maisons-Rouges en 1999 a été le premier arasement d’ouvrage conséquent en France. L’argumentaire technique sur l’impact de l’ouvrage sur les poissons grands migrateurs et la continuité écologique constitue la clé de réussite de ce projet. Pour l’ensemble des compartiments évalués, les résultats sont très positifs et confirment le succès de l’opération.
Les habitats du lit mineur de la Creuse et de la Vienne, situés dans l’ancienne retenue, se sont diversifiés. En 1998, le fond du lit de la retenue était essentiellement recouvert de sables, alors qu’apparaissent maintenant des radiers avec des matériaux plus grossiers. Ainsi dix radiers sont réapparus. De même, des îlots, essentiellement graveleux ont émergé. Les caractéristiques substrat-vitesse sont devenues plus hétérogènes offrant aux invertébrés et aux poissons de nombreux supports biogènes.
En 2000, la propagation des sédiments retenus dans le barrage a engendré un colmatage en aval entrainant une perte importante d’habitats pour les invertébrés. Mais en 2002 et 2005, suite aux phénomènes de déstockage des zones où les sédiments s’étaient déposés en 1999, les habitats favorables aux invertébrés sont réapparus et l’on retrouve ainsi les taxons présents avant le passage des sédiments.
En 1996, les sédiments accumulés dans la retenue étaient estimés à 900.000 m3. Deux ans après l’arasement, le déstockage concernait 400.000 m3 de sédiments qui transitent maintenant en direction de la Loire à la vitesse moyenne de 2,8 km/an. Les investigations réalisées en 2005 ont permis de montrer qu’une grande partie des matériaux en transit est actuellement bloquée au niveau du pont de Pouzay, situé plus à l’aval. Le front actuel de sédimentation en aval de l’ancien barrage est très modeste (quelques dizaines de centimètres d’épaisseur moyenne). Depuis le suivi de 2005, plusieurs fosses « naturelles » se comblent et atténuent ainsi la vitesse et les volumes de sédiments en migration.
D’un point de vue floristique, il a été constaté un fort développement des strates arbustives et arborescentes sur les berges de la Vienne et de la Creuse ainsi que sur les bancs alluviaux dans le périmètre de l’ancienne retenue. En 2009, l’analyse de l’évolution paysagère permet de dire qu’une personne découvrant le paysage dans le périmètre de l’ancienne retenue pourrait difficilement imaginer la configuration antérieure de ce site.
Sur le plan biologique, le suivi des poissons migrateurs mis en place par le Conseil supérieur de la pêche (CSP) et l’association Loire grands migrateurs (Logrami) a mis en évidence, dès 1999, des résultats probants en termes de recolonisation du bassin. Ils ont été confirmés les années suivantes. Ainsi, conformément aux prévisions, l’alose a recolonisé dès 1999 les 35 km de cours d’eau rendus accessibles et a retrouvé des sites favorables à la reproduction. Des résultats très positifs ont aussi été obtenus pour la lamproie marine. En ce qui concerne le saumon atlantique, des résultats en progression ont été enregistrés : neuf adultes y ont été comptabilisés au cours du second semestre 1999. De telles observations n’avaient plus été effectuées depuis la construction du barrage de Maisons-Rouges. En 2004, 57 géniteurs de grands salmonidés y ont été comptabilisés, ce qui constitue un record pour la période récente ».
La prétendue valorisation de l’opération : la superficialité médiatique rassure !
« L’effacement du barrage de Maisons-Rouges, constituant l’un des premiers exemples d’effacement conséquent de barrage en France, a été fortement médiatisé. Des articles locaux et nationaux ainsi qu’une vidéo ont présenté ce projet d’envergure ».(source ONEMA 2010)

Ce que nous pouvons retenir:
1) Le « succès » de l’opération : la belle affaire !! effectuons un sondage en 2013 pour savoir ce qu’il reste de ce battage tapageur; on pourra alors mieux juger la pertinence de l’impact médiatique dans les prétendues valorisations par ce qu’il en reste dans la mémoire. Par contre, souvenons-nous :
- suppression de la taxe professionnelle,
- perte d’emplois,
- suppression de l’intérêt touristique et paysager du plan d’eau…
Contre …57 géniteurs saumon comptabilisés,
2) des rives qui verdissent ?... une grande découverte !! la nature a horreur du vide : le vent se charge de disséminer les graines légères. Ce processus naturel n’a rien de spécifique à la disparition du barrage,
3) un contre sens pédagogique : on imaginerait pointer les mauvaises pratiques responsables de l’érosion et on largue dans la rivière 900.000m3 de sédiments dont on ignore le comportement (A)
4) un aveu technico-juridique : un énorme dommage environnemental en 1999 à l’encontre de la Vienne, en larguant 900 000m3 de sédiments. On apprend qu’ils sont « digérés » par la nature qui a été capable de reprendre ses droits en 2002,
5) un peu d’amertume : le débardeur forestier qui s’approche ou traverse un ruisseau et à qui l’ONEMA inflige une amende de ~18 000€.
6) duplicité totale rendant la démarche dérisoire : d’autres barrages existent en amont. Que vont devenir nos 57 salmo salar ?
7) analyse chimique de l’eau à Pouzay : néant en 1999, néant en 2012. Pas de recherche de métaux lourds ni de mesure radioactive alors que la radioactivité est très forte en amont (B)

Conclusion :
Hormis l'aspect physique du cours d'eau, personne ne saura jamais si l’arasement a eu un seul autre impact favorable, notamment sur la qualité de l’eau ? L'objectif et le bilan n’évoquent que le volet piscicole. Cela peut être un indicateur, mais en aucun cas un élément d’amélioration de la qualité de l’eau. Le saumon, propulsé au somment de la pyramide des priorités, peut être anéanti par une pollution brutale et décimé par la surpêche. Ses jours seraient comptés. On se demande comment cette thématique des services écosystémiques est devenue tellement populaire au point de supplanter chez les décideurs les activités économiques et touristiques alors qu’avec 2 600 000€, on peut copieusement empoissonner un tronçon de 35 km de rivière pendant 3,5 siècles ?
(A) totalement improvisée car on se savait pas comment allait se comporter cet énorme volume ni quand on pouvait escompter une restauration de la rivière.
(B) « Les analyses effectuées sur les eaux brutes montrent que l'eau, au contact des résidus, se charge de radionucléides.L'impact des rejets sur les ruisseaux et sur le cours de la Gartempe est très net. Les sédiments prélevés dans les ruisseaux ont des niveaux de contamination analogues à certains résidus miniers et devraient être traités comme des déchets radioactifs. Le régime plus torrentiel de la Gartempe a favorisé la dispersion des radionucléides : les niveaux sont plus faibles mais la contamination est mesurable sur tous les points contrôlés ».(CRIIRAD)

La DCE, pas de quoi pavoiser

Le constat des graves dysfonctionnements nous pousse à l’impérieuse nécessité de restaurer.
Si on arrive à provoquer des inondations de villages qui ne l’avaient jamais été, ce n’est pas uniquement à cause des pluies. Les désordres, d’origine anthropique, ont été planifiés et subventionnés :
- La forêt qui devait à tout crin drainer les zones humides pour les « valoriser ». On méconnaissait à l’époque leurs fonctionnalités et leur grand intérêt,
- Les pratiques agricoles qui déstructurent le sol et qui le rendent totalement imperméable à cause de la semelle de labour,
- L’arrachage des haies, le drainage, le calibrage des ruisseaux : les fameux travaux connexes au remembrement destinés à alimenter les primes des ingénieurs de la DDA quand elle faisait fonction de bureau d’étude,
- Puis la PAC a incité financièrement le gain de surfaces primables au détriment des parcelles jusqu’alors jamais exploitées,
- Aux stations dites d’épuration qui polluent,
- Aux immenses ZAC remblayées, bétonnées, et souvent encore aux ¾ vides,
- Aux autres travaux qui imperméabilisent des surfaces considérables…
On continue la liste? Car nous n’avons pas encore évoqué les produits chimiques.
Quarante ans de destruction massive…toute une époque.

La DCE a au moins eu le mérite de faire parler de l’eau.

La DCE a permis de faire prendre enfin conscience qu’il fallait intervenir. C’est bien et il était temps d'engager un programme de restauration. Mais compte tenu de la désinvolture avec laquelle nous avons martyrisé la nature depuis 1960, faut quand même pas en faire un fromage, nous n'avions guère d'autre choix. Les réalisations pertinentes qui concourent à l’amélioration de la qualité de l’eau n’auraient pas eu lieu d’être si nous avions fait preuve de raison et de sagesse au lieu de croire que les actifs naturels étaient gratuits et inépuisables. Agir pour réparer coûte beaucoup plus cher que la destruction irraisonnée des sols et ne permettra jamais de réparer les écosystèmes dans leur état initial.
Agir au 21ème siècle, c’est bien. Mais ce n’est pas un acte philanthropique envers la nature : c’est un besoin vital pour l’homme s’il veut continuer à la ponctionner. Pas de quoi pavoiser.

 

Arasement et effacement des seuils et des étangs: le Code de l'Environnement devrait être respecté

Par analogie avec tout dossier de projet d’édification d’un ouvrage sur un cours d’eau, l’arasement pourrait être accepté après, si nécessaire, une déclaration de projet (Art L126), et en tout cas, après l’instruction d’un dossier de demande d’autorisation d’arasement ou d’effacement, monté aussi sérieusement et avec les mêmes critères qu’une demande d’autorisation de création. En effet, ces IOTA (Installations Ouvrages Travaux Activités) « portent gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique ». Faire descendre une pelle de 30t dans un cours d’eau n’a jamais été une intervention anodine. L’impact est même bien plus important pour l’effacement que pour la construction, puisque la nature des sédiments ajoute une dimension chimique à l’impact physique. Et que cette incidence devrait être analysée, surveillée et mesurée en aval à une distance proportionnelle au volume des sédiments.

Quelle est le cheminement actuel ?
Un Code de l’Environnement jamais respecté : actuellement on se contente de qualifier le cadre réglementaire « néant » ou « entretien de cours d’eau » ou encore « vidange d’étang » ce qui permet manifestement de s’affranchir a minima du Code de l’Environnement par une simple déclaration de travaux.
Les différents services de l’Etat sont d’accord sur le principe de l’effacement des seuils. Ça aide. Il suffit que le seuil ou le barrage ou le moulin soit propriété d’une Collectivité, sinon de tenter de l’acquérir, d’instrumentaliser une déclaration édulcorée dont on sait a priori qu’elle ne fera l’objet d’aucun blocage et l’affaire est entérinée. Voilà pour le volet administratif.
Concernant les fonctionnalités des barrages, seuils et étangs, elles font l’objet d’une évocation succincte. Or, dans un tel projet, fusse le propriétaire d’accord, l’évaluation monétaire de tous les services rendus devraient faire l’objet d’une estimation financière puis d’une comparaison à l’estimation des services écologiques (art L 122). Il s’agirait d’une démarche pertinente pour aider à la prise de décision politique.

Une démarche équitable : est-ce utopique ?
« des mesures de réparation compensatoire doivent compenser les pertes intermédiaires de ressources naturelles ou de services survenant entre le dommage et la date à laquelle la réparation primaire ou complémentaire a produit son effet…» (Art L 162)
La seule décision du propriétaire du seuil à araser ne devrait pas être suffisante. Il y a forcément un impact sur la vie piscicole et les centaines de m3 de sédiments largués en aval justifieraient une étude robuste: les travaux devraient faire l’objet d’une demande d’autorisation au titre de la police de l’eau comme l’impose le Code de l’Environnement (Art L 214-1 à L 214-3). Le dossier doit comprendre une sérieuse étude d’incidence, (étude d’impact (art R122-1) puis soumis à enquête publique (Art L123) c’est à dire consultation de toutes les parties pour éviter de passer sous silence ou de sous-estimer certains facteurs socio-économiques.

Définir la typologie des services économiques
Ces services résultent d’une gestion anthropocentrique dont nous héritons qui a été édifiée au fil du temps. Ils impactent l’environnement à des degrés divers, c’est incontestable.
Cette typologie objective selon la méthodologie de l’ACA (Analyse-Coût-Avantages), devrait cerner la réalité économique, l’emploi, les interactions entre les différents usages, la fiscalité, le tourisme, les loisirs, la valeur vénale des ouvrages, la pêche etc…
Ces estimations monétaires doivent être confiées à des experts indépendants puis intégrées au dossier déposé à la DDTM qui en transmettra copie au commissaire enquêteur.

Dresser l’inventaire ex ante des services environnementaux
Il convient de conceptualiser les services environnementaux dans un principe de conditionnalité c’est-à-dire que le service doit être avéré dans un cadre « bénéficiaire-payeur » pour pouvoir être effectivement évalué et non pas escompter d’éventuels bénéfices invoqués pour la circonstance comme c’est le cas dans le compte-rendu de retour d’expérience. On peut même accepter d’emblée une raisonnable surestimation chiffrées de ces services environnementaux car il convient de reconnaître que les actifs et services naturels sont toujours largement sous-estimés, pire ignorés. Par contre, il apparait inconvenant d’invoquer des arguments superfétatoires:
- la recolonisation de la végétation ligneuse et herbacée (2),
- affecter le moindre crédit aux prétendues valorisations médiatiques éphémères qui pourraient, elles aussi dans la même mesure, être attribuées au maintien de l’ouvrage.
- spéculer sur la recolonisation d’espèces amphihalines décimées par la surpêche, ou qui seront prélevées par des pêcheurs feignant d’ignorer d’avoir pêché un saumon.
Toujours par équité, pour les seuils réputés sans usage en 2013, les futures valorisations potentielles du seuil ou du barrage ne seraient pas estimées. Elles ne sont pourtant pas hypothétiques : un seuil sans fonction en 2013 peut être valorisé par l’hydroélectricité ou la pisciculture en 2020.
De cette estimation consensuellement optimisée des services environnementaux, on déduira :
- une valeur accordée aux externalités : le fait de prendre une décision d’effacement peut provoquer un préjudice aux riverains de l’ancienne retenue (loisirs, irrigation, pêche, perte de qualité du paysage, limite naturelle garantissant une certaine quiétude…) et aux riverains en aval (modifications du lit, érosion des berges…) que le décisionnaire n’entend pas indemniser,
- l’estimation monétaire de l’impact défavorable au milieu pendant cinq ans (3),
- les frais d’acquisition ou d’indemnisation de l’ouvrage,
- les travaux de démolition,
- les frais d’étude à la charge de l’arasement puisque les frais de dossiers sont légitimement supportés par tout porteur de projet.
Soyons magnanime : on ne va pas évoquer la peine de 2 ans de prison, mais juste rappeler que le fait de réaliser des travaux en violation à une opération soumise à autorisation est puni d’une amende de 150 000€ (Art L.216-10 du CE). L’affaire n’est donc juridiquement et fort logiquement pas anodine. C’est le prix de la reconnaissance du préjudice environnemental estimé par le législateur.

Conclusion
Seule cette procédure nous semble équitable, sérieuse, acceptable et devrait permettre au Préfet de signer ou non l’arrêté autorisant l’arasement ou l’effacement de l’ouvrage.

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(1) 2 000 000 m3 de sédiments provenant des barrages de la Roche Qui Boit et de Vezins attendus avec désinvolture dans la Baie du Mont St Michel en compensation de ceux que l’on souhaite évacuer à grands frais.
(2) les semis naturels: phénomène courant qui se produit aussi rapidement sur un terrain de tennis ou un terrain d’aviation de l’OTAN désaffectés, une friche industrielle…a fortiori au bord de l’eau,
(3) limitée à 150 000€ par le Code de l’Environnement mais un préjudice jamais calculé qui peut être bien supérieur dans le cas par exemple du barrage de Maisons Rouges sur la Vienne avec ses 900.000m3 de sédiments.

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La DCE: épistémologie intuitive

Il fallait de grandes œillères fermées en 2000 pour ne pas voir que les objectifs seraient inaccessibles en 2015. Et les ONG écologistes ont foncé dans la voie. De la même manière que de nombreux coupables ont souvent été désignés avant le procès judiciaire, la vox populi s’élève contre les prétendus responsables de la mauvaise qualité de l’eau: les seuils, les barrages, les moulins et les étangs.              Nov. 2006, tout va encore bien ; 30 Déc. 2006: nouvelle Loi sur l’eau ; 1er Janv. 2007, rien ne va plus. Or, nous contestons (certainement pas le fait de chercher à avoir une eau de la meilleure qualité qui soit),  mais la présentation à charge de certains impacts. Il y aurait 30 000 obstacles sans usage. Que veut-on sous-entendre? Cela signifie-t-il qu'ils n'ont plus d'intérêt? S'interroge-t-on sur leurs potentialités et valorisations futures?

Ce seuil est sans usage. N'a t-il plus d'intérêt?

Ce seuil est sans usage. N'a t-il plus d'intérêt?

Le non usage en 2012 pour des ouvrages qui existent depuis des siècles n'altère pas leur carte de visite; ces sites multifonctionnels ne manquent pas d'atouts; ils ne demandent qu'à travailler, mais qui pourrait initier la dynamique de les remettre en activité?

Comment en est-on arrivé là ? le discours asynchrone des experts est réinvesti 

Dans le faisceau des idées, il semble que les autorités en charge de l'eau aient intégré le fait que les puissants lobbys étaient bien plus puissants que les bonnes idées. Les directives tombèrent dans le terreau réceptif et les ONG s’empressèrent de verdir le texte en le drapant « d’écologique ».  La suite ? il fallait identifier des responsables. Alors que les lobbys de la chimie n’ont pas encore été égratignés d’un pouce, la dynamique fluviale et l’hydromorphologie ont été pointées du doigt. Les seuils des moulins devenaient des cibles idéales.

Une rhétorique huilée, martelée au rouleau compresseur, reprise  par la DDT,  l’ONEMA et les AGENCES de l’EAU. Pour les particuliers, on écrase. Pour les élus, on instaure une contribution volontaire obligatoire : il faut en effet les convaincre et obtenir leur consentement à payer. Les Agences de l'eau lancent des grandes consultations publiques (sans résultats) pour justifier les SAGE et entériner des positions légitimes puisqu’elles sont « écologiques ». Refuser une obole pour la nature, qui oserait s’y opposer ?

Un autre seuil sans usage. Ce chômage est peut-être temporaire?

Un autre seuil sans usage. Ce chômage est peut-être temporaire?

La DCE aurait pu être laissée aux mains des ONG environnementales mais leur pouvoir tellement limité n’aurait pas été probant vis-à-vis de Bruxelles sur la réelle volonté d’agir de l’Etat qui devait donc garder la main. Il a promulgué une Loi sur l’Eau le 30 Dec.2006 contraignant le développement économique écologique. Les écologistes auraient pu l’imaginer, ce développement écologique, au lieu de politiser leur discours, au lieu de limiter leurs compétences à sonner le tocsin et à lancer les journalistes sur les mauvaises pistes pour formater les esprits.

Dans le domaine de l’eau, le développement écologique consisterait à mener des prospectives : par exemple à faire progresser de 20% la production hydroélectrique, dans le respect de la qualité de l’eau. Cela peut aussi concerner l’inventaire de tous les sites pouvant constituer de futures retenues soutien d’étiage, développer la phytoépuration alors interdite pour les particuliers, réduire les problèmes de pollution aigue des stations dites d’épuration. Le développement économique écologique, ce ne sont ni Notre Dame des Landes  ni l’arasement des seuils ex ante, mais des prospectives sur l'eau excédentaire à stocker ou à déplacer pour à restituer en période d’étiage au lieu de la laisser filer vers l'océan,  inventorier tous les points noirs d'érosion anthropique et y apporter des remèdes, instaurer le zéro achat pesticides qui évite de les appliquer...

On a bien imaginé sous Louis XI le canal du Pont du Fossé. Sommes-nous moins ingénieux aujourd’hui équipés de nos moyens techniques ? Non ! Mais terrorisés à l’idée qu’une pierre déplacée pourrait tuer un gammare, l’imagination est annihilée. A défaut d’objectifs, la matière grise est sous-valorisée à rédiger des plaquettes, brochures, organiser des réunions, colloques, conférences pour animer le débat publique, élaborer moult dossiers de demandes de financements à Bruxelles...pire, rédiger décrets et circulaires qui vont aux antipodes de nos besoins en eau.

Il faut reconnaitre que pour l’égo et la crédibilité, un bureau d’étude doit prouver sa capacité à initier de gros chantiers alors que le remède consiste au contraire à corréler chaque ouvrage à la taille du ruisseau, de la rivière, à l’insérer dans l’environnement économique et social. Avec la perte du bon sens, de l’observation et de l’analyse qu’avaient nos anciens, on dédaigne les petites réalisations du développement écologique et rural qui sont, la plupart du temps, tournées en dérision. On nous oppose doctement « ce n’est pas la bonne réponse au problème ». Pourtant, en termes d’environnement et d’impact social, tous les efforts s’additionnent pour escompter un résultat global significatif.

Amnésie et complexes ?

Le Tigre, l’Euphrate et le Nil…bien avant Alexandre le Grand, l’homme a eu besoin de maîtriser l’eau. Rendons hommage aux travaux hydrauliques des Romains, au génie des Moines depuis le Moyen Age, aux grands travaux  d’assainissement (Sologne, Landes) et d’irrigation…l’essor de la France grâce à l’hydroélectricité qui occupait encore une place importante avant le nucléaire. Nos illustres prédécesseurs auraient-ils placé la barre beaucoup trop haut pour que nous renoncions à imaginer les solutions indispensables au 21ème siècle ?

La DCE :

Un gros travail, qui aurait pu être ressenti comme une corvée, a été accompli avec célérité : tous les étangs, mares, ruisseaux ont été inventoriés. Le zèle remontait aux rigoles et fossés, jusqu’au sommet du bassin versant.  Effets collatéraux de l'obligation de  "mises aux norme"s : les prescripteurs envoient sans discernement les bulldozers  dans les zones humides pour assurer la continuité écologique, et dans certains cas, le Conseil Général subventionne.

détournement d'un ruisseau au travers la queue d'un étang pour créer un cours sur l'autre berge

détournement d'un ruisseau au travers la queue d'un étang pour  le déplacer sur l'autre berge: il ne doit plus traverser l'étang.

l'engin à chenilles passe défricher une zone humide et enterre profondément les rémanents

l'engin à chenilles passe défricher une zone humide et enterre profondément les rémanents

Concernant l'arasement des seuils, on sale la note des frais et honoraires qui peuvent représenter 50% du montant des travaux !

Effarante la doctrine « post 2005 »: le raz de marée unanime d’un discours qui outrepasse quelquefois le texte. Dans quel dessein ? Sur quel(s) fondement(s) technique(s) ?

Oui, toute intervention est invalidante pour l’environnement : ça commence par l’invention de la hache, de la pioche puis de la charrue.  Doit-on pour autant, en se retranchant derrière deux mots galvaudés à toutes les sauces « grenelle et durable », mettre la nature sous cloche en France et considérer tous travaux d’aménagements "suspect"s ?

L' amnésie collective s’émerveille spontanément devant le fantastique canal du midi. Culminant à 190m d’altitude, il n’aurait jamais vu une seule goutte d’eau sans un astucieux réseau d’alimentation imaginé par Pierre-Paul Riquet. (L’impétrant mérite à titre posthume des centaines de PV de l’ONEMA : aucune étude d’impact, destruction de vie aquatique…). Son œuvre est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. On rebouche tout ?  Le canal de Briare et les Sept Ecluses : restauration physique écologique à l’identique ? Le Pont du Gard qui n'a plus d'usage: on rase ?

Les incohérences :

-      Les grands ouvrages hydrauliques, invalidants pour l’environnement depuis le 15ème siècle suscitent émerveillement et ont un grand intérêt au 21ème siècle au point d’être considérés patrimoine local voire patrimoine mondial, (abbaye, moulin, aqueduc) mais on clame haut et fort qu'il ne faut plus rien construire,

-      les étangs anciens à 99% artificiels, cuvettes d’argile à leur création, font l’objet de tous les classements ZNIEFF, ZICO, NATURA 2000, RESERVES NATURELLES, en raison d’un biotope et d’écosystèmes très riches, mais on clame haut et fort qu'il n'est plus question d'en créer,

-      cette stupéfiante incohérence intellectuelle de constater que le déficit en eau et la pollution sont des facteurs extrêmement pénalisants et de continuer à porter la bannière de la restauration physique en étant convaincu qu’il s’agit du seul remède.  Globalement, on constate l'incohérence entre la politique économique et la politique de l'eau. Il sera nécessaire d'évaluer les résultats obtenus au regard d'indicateurs qualitatifs et financiers.

 Ces  incohérences nous paraissent centrales. Les suivantes s'inscrivent dans ces trois thématiques.  Elles devraient rester en mémoire et inciter à plus d’humilité dans les certitudes despotiques sur le bien ou le mal prodigué à l’environnement.

-      OGM ou qualité de l’eau ? Tentons de vérifier la rumeur qui prédit une augmentation de mille% l’utilisation de roundup en cas de généralisation des OGM dans les cultures,

-      retenues et étangs subventionnés jusqu’en 2006, interdits depuis 2007,

-     le Ministre de l'Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement souhaite le 6 Octobre 2011 le développement de l'hydroélectricité lors du 27ème congrès de l'Association Nationale des Elus de Montagne,

-      interdiction de créer seuils et étangs et des Préfets qui prennent de nombreux arrêtés de restriction d’usage de l’eau en période de sécheresse (cela n’a pas empêché 600km d’assecs en 2012 en Charente-Maritime),

-      des élus que l’on veut convaincre de payer des travaux d’arasement et qui manifestent à Montluçon (Oct. 2012), arborant leurs écharpes tricolores, en mocassins dans le lit vide du Cher ; beaucoup plus en aval, la colère monte (Nov.2012) dans les 20 communes entre Montrichard et Tours : les barrages ont cédé et sont à reconstruire (budget 1million€/an),

-      des AAPPMA vocifèrent contre seuils, moulins et étangs puis déplorent le manque d’eau, (130 000€ en trois ans pour des civelles et 160 000€ pour restaurer des frayères à brochets, sans eau en 2012 en Poitou-Charentes),

-      les pêcheurs fustigent les étangs mais y a-t-il une seule Fédération de pêcheurs qui ne louerait pas ou ne serait pas propriétaire d'étang(s) ?,

-      prétendre développer la pisciculture en octroyant des subventions du FEP (Fonds Européen pour la Pêche) et araser les seuils au lieu d’en créer,

-      un engouement social très fort qui pousse toutes les Collectivités à créér et à acquérir lacs et étangs, une passion ancrée pour les moulins probablement en reconnaissance intuitive à leur contribution alimentaire et industrielle du passé et ce déni « écologique » récent,

-      la cerise sur le gâteau : on invoque des travaux et des frais onéreux pour des populations piscicoles (saumon et anguille)… en voie d’extinction à cause de la surpêche et de la pollution.

L’hypocrisie : 

 -  Une idéologie qui laisse mettre en place des règles contraignantes pour les étangs et moulins sans s’attaquer aux lobbys, sans internaliser et recouvrer les coûts induits par les usages très polluants,

 -  la DCE laisse le choix des moyens, principe de subsidiarité, aux Etats membres qui ont une obligation de résultat ; en clair, ils choisissent de ne pas affecter les marchés. Cela équivaut à un droit subventionné pour l’industrie et la chimie qui peuvent continuer de polluer,

- la débauche d'énergie et les frais considérables engagés pour des échéances qui seront reportées ad vitam aeternam avec des indicateurs édulcorés...ce n'est pas sérieux,

- ce ne sont ni les seuils ni les barrages qui créent les atterrissements, mais on n'hésite pas à dénoncer ces ouvrages et à faire supporter les frais de curage à son propriétaire et à lui seul alors qu'il n'est en aucun cas l'acteur des mauvaises pratiques en amont. C'est une dérive intellectuelle. C'est aussi une dérive technique qui n'a rien à voir avec la dynamique fluviale classique. Certains modus operandi  provoquent l'érosion de dizaines voire centaines de m3/ha entrainant la dystrophisation. Chaque coupe rase forestière, chaque sol agricole dénudé en hiver, chaque chantier de TP, chaque carrière, devrait avoir son bac de décantation, sans dispositif de vidange et correctement dimensionné.  Si la collectivité assume les déchets en ville, elle devrait supporter les frais de curage des sédiments illégitimes comme elle le fait pour les collectivités au titre des CRE (Contrat de Restauration et d'Entretien). Enfin,il conviendrait dans les méthodes expertales de calculer et d'attribuer une valeur à cette fonction d'utilité publique et de service écologique des étangs, biefs, seuils et barrages.  L'eau est translucide. La turbidité n'est pas la norme. Si les seuils ne captent pas les sédiments, on s'en remet à l'océan comme pour la pollution et les déchets flottants (mer de plastique). Le "tout à la rivière", c'est la palme de l'hypocrisie environnementale. Observer la couleur de l'eau, remonter jusqu'à l'origine de cette charge en MES (matières en suspension) et admettons enfin que seuils et barrages sont plus victimes que responsables.

La facture :.
Le concept « électeur-dépollueur » se renforce. Comme ce vilain n’aura pas atteint les objectifs assignés, il paiera à chaque échelon du mille-feuille : une très grosse fois pour l’eau qu’il consomme, une fois pour les CRE  puis la part des travaux onéreux restant à la charge de la ComCom, une troisième fois pour les travaux de mise aux normes subventionnés par le CG et une petite dernière pour les amendes-astreintes de l’UE…

L’eau, objet de pressions diverses et contradictoires, de conflits d’usages constitue un enjeu important qui devient vital.  Nous estimons que la bataille actuelle tente (1) d’atteindre une mauvaise cible. Toute activité humaine a un impact environnemental mais l’énergie déployée depuis 10ans pour pointer l’aspect physique est largement disproportionnée par rapport aux enjeux. Les résultats ne seront pas significatifs. La véritable restauration écologique doit traiter le volet chimique. La lecture de la pertinence des textes devrait se faire à l’aune du temps au lieu de répondre dans l’immédiateté à ce qui n’est même pas un besoin et que personne n’a réclamé. 

Nos pratiques hydrovores risquent de rendre certaines postures rapidement obsolètes et dérisoires.

 

(1) « tente » parce que ce serait sous-estimer l’immense force d’inertie, les oppositions et les contentieux. La FFAM (Fédération Française des Associations de Sauvegarde des Moulins) vient d’obtenir devant le Conseil d’Etat l’annulation partielle de la circulaire du 25 janv.2010 sur le rétablissement de la continuité écologique.    www.moulinsdefrance.org

 

 

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PCP: la pisciculture d'eau douce, la grande oubliée

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Dans les différentes réflexions  en vue de la réforme de la Politique Commune des Pêches, les avis et recommandations pour l’avenir de la pisciculture sont quasi absents et ne concernent que l’aquaculture marine1. Si l’élevage des poissons d’eau de mer est l’objet d’attentions, il n’en va pas de même pour les autres filières de la pisciculture d’eau douce.

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette lacune :

- tout d’abord, le potentiel piscicole français n’est considéré qu’au regard de ses 1 500 kilomètres de côtes métropolitaines,

- les étangs  sont totalement méconnus,

- le martelage administratif qui prétend interdire tout aménagement en dérivation d’un cours d’eau consititue un frein à la valorisation des nombreux sites potentiels qui restent inexploités,

- enfin, on notera peut-être une certaine prudence des organismes de recherche qui ont conscience, à juste titre, qu’il n’est pas soutenable de vulgariser et d’encourager le développement des schémas actuels d’élevages. En effet, le problème de l’impact des élevages piscicoles sur la qualité de l’eau des rivières n’est pas résolu, ni les conséquences de l’alimentation des poissons d’élevage sur la diminution des stocks mondiaux  qui ne sont pas clairement évaluées. Car, pour élever selon les process actuels, en dépit de l’ajout récent de protéines végétales, il faut d’abord beaucoup pêcher en mer : truites  et autres carnassiers d’eau douce sont nourris avec des granulés fabriqués à partir de farine de poisson. C’est bien insoutenable.

 Alors…

Une alternative ?

L’élevage du poisson dans des cages en mer : un concept en fort développement depuis quinze ans, présenté curieusement comme la seule alternative à la surpêche,  nous semble une hérésie environnementale ! une menace directe pour les écosystèmes et pour les espèces sauvages.  En effet, ce type d’élevage porte directement la pollution dans les zones côtières déjà très affectées par la très forte pollution continentale.

Face aux critiques qui s’élèvent, les investisseurs vont créer des cages plus solides, plus grandes et les larguer plus loin en haute mer. Le cœur de l’océan étant moins étudié que le littoral, ils pourront affirmer qu’il n’y a plus de pollution puisque les courants marins diffusent gratuitement les antibiotiques, les aliments non ingérés et les excréments. Une belle aubaine pour augmenter les intrants et autoproclamer cette production durable. Un business en progression à deux chiffres !

Or, la pisciculture d'eau douce peut plus facilement maîtriser ses impacts en diminuant ses prélèvements d’eau grâce notamment au recyclage, contrôler les rejets de ses effluents et supprimer de l’alimentation les protéines issues de poisson. Des voies méconnues, beaucoup moins spéculatives et a priori moins rentables.

En outre, la France dispose de 450 000 hectares d’étangs, notoirement sous-exploités2.

l'avis du Cedepa

Développer l’élevage en pisciculture et en étang offrirait des gages de qualité des produits et de respect de l’environnement.

Selon les ministres successifs, il s'agit de "souveraineté alimentaire" mais aussi d'enjeux en termes de dynamisation du territoire et d’emploi rural.

Il nous semble dommage d'ignorer et de ne pas promouvoir ce potentiel de production d'autant que notre balance commerciale est largement déficitaire et que de nombreux sites ne sont pas valorisés.

 

1- L’avis rendu par le Conseil Economique, Social et Environnemental, en début d’année 2012, sur la réforme de la PCP  illustre bien le peu de préoccupation pour la pisciculture puisqu’elle est carrément passée sous silence.

2- Lire :http://cedepa.wordpress.com/2012/05/27/les-etangs-un-potentiel/

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