La DCE dévoyée?

Barrage de Maisons Rouges.« A l’annonce du démantèlement de l’ouvrage, le projet ne fait pas l’unanimité, notamment auprès des élus locaux et des riverains qui voient à travers ce démantèlement, d’une part, la suppression de la taxe professionnelle ainsi que la perte d’emplois et, d’autre part, la suppression du plan d’eau et de l’intérêt touristique et paysager qui lui est lié. Après quatre années de négociations et d’enquête, l’arasement du barrage de Maisons-Rouges est programmé ».
L’objectif : «rétablissement de la continuité écologique pour le retour des poissons grands migrateurs »…

Le bilan et les perspectives :
« L’effacement du barrage de Maisons-Rouges en 1999 a été le premier arasement d’ouvrage conséquent en France. L’argumentaire technique sur l’impact de l’ouvrage sur les poissons grands migrateurs et la continuité écologique constitue la clé de réussite de ce projet. Pour l’ensemble des compartiments évalués, les résultats sont très positifs et confirment le succès de l’opération.
Les habitats du lit mineur de la Creuse et de la Vienne, situés dans l’ancienne retenue, se sont diversifiés. En 1998, le fond du lit de la retenue était essentiellement recouvert de sables, alors qu’apparaissent maintenant des radiers avec des matériaux plus grossiers. Ainsi dix radiers sont réapparus. De même, des îlots, essentiellement graveleux ont émergé. Les caractéristiques substrat-vitesse sont devenues plus hétérogènes offrant aux invertébrés et aux poissons de nombreux supports biogènes.
En 2000, la propagation des sédiments retenus dans le barrage a engendré un colmatage en aval entrainant une perte importante d’habitats pour les invertébrés. Mais en 2002 et 2005, suite aux phénomènes de déstockage des zones où les sédiments s’étaient déposés en 1999, les habitats favorables aux invertébrés sont réapparus et l’on retrouve ainsi les taxons présents avant le passage des sédiments.
En 1996, les sédiments accumulés dans la retenue étaient estimés à 900.000 m3. Deux ans après l’arasement, le déstockage concernait 400.000 m3 de sédiments qui transitent maintenant en direction de la Loire à la vitesse moyenne de 2,8 km/an. Les investigations réalisées en 2005 ont permis de montrer qu’une grande partie des matériaux en transit est actuellement bloquée au niveau du pont de Pouzay, situé plus à l’aval. Le front actuel de sédimentation en aval de l’ancien barrage est très modeste (quelques dizaines de centimètres d’épaisseur moyenne). Depuis le suivi de 2005, plusieurs fosses « naturelles » se comblent et atténuent ainsi la vitesse et les volumes de sédiments en migration.
D’un point de vue floristique, il a été constaté un fort développement des strates arbustives et arborescentes sur les berges de la Vienne et de la Creuse ainsi que sur les bancs alluviaux dans le périmètre de l’ancienne retenue. En 2009, l’analyse de l’évolution paysagère permet de dire qu’une personne découvrant le paysage dans le périmètre de l’ancienne retenue pourrait difficilement imaginer la configuration antérieure de ce site.
Sur le plan biologique, le suivi des poissons migrateurs mis en place par le Conseil supérieur de la pêche (CSP) et l’association Loire grands migrateurs (Logrami) a mis en évidence, dès 1999, des résultats probants en termes de recolonisation du bassin. Ils ont été confirmés les années suivantes. Ainsi, conformément aux prévisions, l’alose a recolonisé dès 1999 les 35 km de cours d’eau rendus accessibles et a retrouvé des sites favorables à la reproduction. Des résultats très positifs ont aussi été obtenus pour la lamproie marine. En ce qui concerne le saumon atlantique, des résultats en progression ont été enregistrés : neuf adultes y ont été comptabilisés au cours du second semestre 1999. De telles observations n’avaient plus été effectuées depuis la construction du barrage de Maisons-Rouges. En 2004, 57 géniteurs de grands salmonidés y ont été comptabilisés, ce qui constitue un record pour la période récente ».
La prétendue valorisation de l’opération : la superficialité médiatique rassure !
« L’effacement du barrage de Maisons-Rouges, constituant l’un des premiers exemples d’effacement conséquent de barrage en France, a été fortement médiatisé. Des articles locaux et nationaux ainsi qu’une vidéo ont présenté ce projet d’envergure ».(source ONEMA 2010)

Ce que nous pouvons retenir:
1) Le « succès » de l’opération : la belle affaire !! effectuons un sondage en 2013 pour savoir ce qu’il reste de ce battage tapageur; on pourra alors mieux juger la pertinence de l’impact médiatique dans les prétendues valorisations par ce qu’il en reste dans la mémoire. Par contre, souvenons-nous :
- suppression de la taxe professionnelle,
- perte d’emplois,
- suppression de l’intérêt touristique et paysager du plan d’eau…
Contre …57 géniteurs saumon comptabilisés,
2) des rives qui verdissent ?... une grande découverte !! la nature a horreur du vide : le vent se charge de disséminer les graines légères. Ce processus naturel n’a rien de spécifique à la disparition du barrage,
3) un contre sens pédagogique : on imaginerait pointer les mauvaises pratiques responsables de l’érosion et on largue dans la rivière 900.000m3 de sédiments dont on ignore le comportement (A)
4) un aveu technico-juridique : un énorme dommage environnemental en 1999 à l’encontre de la Vienne, en larguant 900 000m3 de sédiments. On apprend qu’ils sont « digérés » par la nature qui a été capable de reprendre ses droits en 2002,
5) un peu d’amertume : le débardeur forestier qui s’approche ou traverse un ruisseau et à qui l’ONEMA inflige une amende de ~18 000€.
6) duplicité totale rendant la démarche dérisoire : d’autres barrages existent en amont. Que vont devenir nos 57 salmo salar ?
7) analyse chimique de l’eau à Pouzay : néant en 1999, néant en 2012. Pas de recherche de métaux lourds ni de mesure radioactive alors que la radioactivité est très forte en amont (B)

Conclusion :
Hormis l'aspect physique du cours d'eau, personne ne saura jamais si l’arasement a eu un seul autre impact favorable, notamment sur la qualité de l’eau ? L'objectif et le bilan n’évoquent que le volet piscicole. Cela peut être un indicateur, mais en aucun cas un élément d’amélioration de la qualité de l’eau. Le saumon, propulsé au somment de la pyramide des priorités, peut être anéanti par une pollution brutale et décimé par la surpêche. Ses jours seraient comptés. On se demande comment cette thématique des services écosystémiques est devenue tellement populaire au point de supplanter chez les décideurs les activités économiques et touristiques alors qu’avec 2 600 000€, on peut copieusement empoissonner un tronçon de 35 km de rivière pendant 3,5 siècles ?
(A) totalement improvisée car on se savait pas comment allait se comporter cet énorme volume ni quand on pouvait escompter une restauration de la rivière.
(B) « Les analyses effectuées sur les eaux brutes montrent que l'eau, au contact des résidus, se charge de radionucléides.L'impact des rejets sur les ruisseaux et sur le cours de la Gartempe est très net. Les sédiments prélevés dans les ruisseaux ont des niveaux de contamination analogues à certains résidus miniers et devraient être traités comme des déchets radioactifs. Le régime plus torrentiel de la Gartempe a favorisé la dispersion des radionucléides : les niveaux sont plus faibles mais la contamination est mesurable sur tous les points contrôlés ».(CRIIRAD)

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