Ethoxyquine dans le saumon

l'éthoxyquine découverte dans nos assiettes !

la molécule d'éthoxyquine a été isolée, par hasard, par des chimistes suisses qui cherchaient des pesticides dans la chair du saumon.

 L’éthoxyquine  n’est autre qu’un conservateur utilisé  dans l’alimentation animale. Il s'agit d'un antioxydant qui capte l’oxygène et empêche le rancissement des graisses ce qui confère une durée de vie beaucoup plus importante aux granulés. Ces granulés, une fois compressés ne contiennent guère plus de 10% d'eau, ce qui diminue considérablement les risques de moisissure.

Questions:

- ne serait-il pas plus loyal d'informer le consommateur de la présence de telle ou telle substance de synthèse dans l'aliment du poisson au lieu d'attendre une découverte aléatoire ?

- ne serait-il pas urgent d'interdire cette substance dans l'attente d'études sérieuses qui auraient dû être menées il y a 60ans?

Envoyé spécial Nov.2013

éthoxyquine

Nous reproduisons in extenso l'article de ABE (A Bon Entendeur)

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Une discrète révolution historique est à l’œuvre dans le monde du silence. Cette année, selon les estimations, l’aquaculture devrait supplanter la pêche traditionnelle dans nos assiettes et cette tendance risque encore de se renforcer ces prochaines années. Le poisson deviendra de plus en plus un animal d’élevage, comme le cochon, le bœuf et le poulet.

Le saumon d'élevage

 Et l’aquaculture n’est pas très différente des élevages traditionnels terrestres. Elle utilise souvent des produits de synthèse: comme des colorants, des additifs ou des médicaments vétérinaires, elle peut être polluante et elle risque elle-même une contamination par des polluants présents dans la nourriture des animaux.  Tout cela A Bon Entendeur l’a déjà montré par le passé.

Mais il y a des jours dans la vie d’un enquêteur où les choses ne se passent pas tout à fait comme prévu. C’est la délicieuse incertitude de la consommation moderne, on retrouve toujours de nouvelles substances dans nos assiettes.

Patrick Edder, chimiste cantonal à Genève ne cache pas sa surprise : « On ne s’attendait pas à retrouver de telle substance, puisque notre recherche initiale concernait des pesticides pour des traitements contre le poux de mer. Et c’est par hasard que l’on est tombé sur cette substance. Donc on a du rechercher la pertinence de retrouver cette substance dans le saumon. Et après quelques recherches on a vu que c’était un additif antioxydant pour l’alimentation des poissons. »

Cette substance s’appelle l’ethoxyquine. Le service  chimiste Cantonal Genevois l’a retrouvée dans les 18 échantillons de saumon d’élevage frais et fumés achetés en Suisse Romande, que nous lui avions confié. Vous avez bien entendu, il y en avait dans tous les saumons.

Comme d’habitude, les échantillons ont d’abord été broyés et homogénéisés pour garantir la fiabilité des résultats, on y ajouté ensuite un solvant pour isoler les molécules recherchées, puis une poudre pour sécher et purifier l’échantillon. Le tout est mélangé et centrifugé puis injecté dans une petite fiole.

Ensuite, départ pour le chromatographe, couplé à un spectromètre de masse, un appareillage capable de repérer virtuellement une aiguille dans une botte de foin, dans notre cas, un produit chimique dans un filet de poisson.

Et là, surprise …

La molécule d’éthoxyquine isolée

 Didier Ortelli : « Il y a une molécule que l’on a retrouvé spécifiquement qui était l’ethoxyquine. A partir des tous ces pics, nous avons pu isoler la molécule d’ethoxyquine. C’est la première fois qu’on le retrouve car ce n’était pas quelque chose que l’on cherchait spécifiquement avant. On faisait plus de recherche sur les médicaments vétérinaires qui sont utilisés en aquaculture. Et cette problématique des pesticides est relativement nouvelle pour nous dans les denrées animales.»

Résumons-nous, l’ethoxyquine est à la fois un pesticide et un antioxydant. Elle a été synthétisée dans les années 50 par la firme américaine Monsanto. Employée pour le traitement des fruits, notamment contre le brunissement des poires, on la trouve parfois aussi comme conservateur dans certaines épices. Elle est surtout très utilisée comme anti-oxydant dans la nourriture pour animaux.

C’est donc une substance bien connue, mais dont la toxicité n’a curieusement pas été complètement évaluée, comme nous le confie Patrick Edder. « On n’a pas de certitude sur la toxicologie de ce produit et d’ailleurs le dernier rapport de l’autorité européenne de sécurité alimentaire montre bien que l’on ne peut pas conclure si le produit est dangereux ou s’il ne l’est pas car il nous manque les trois quarts des études toxicologiques. Alors après c’est une question de principe de précaution : Est-ce que l’on prend des mesures immédiates pour interdire cette substance; ou est-ce que l’on attend tranquillement qu’on ait une évaluation pour prendre une série de mesures. Apparemment, l’EFSA a plutôt choisi cette dernière solution. »

En jetant un coup d’œil sur les législations suisses et européennes, on trouve tout de même une valeur-limite pour les résidus dans les viandes, mais seulement pour les animaux terrestres. En gros, en Suisse et en Europe, on a une norme pour les kangourous et les serpents, mais pas pour les saumons.

Nous avons demandé par écrit à l’Office fédéral de la Santé publique ce qu’il pensait de nos résultats, et, voici sa réponse :

«   Les valeurs trouvées ne représentent pas de risque pour la santé. Même les personnes avec une consommation excessive de saumon ne risquent pas de dépasser la limite acceptable journalière. » 

Patrick Edder : « A mon sens et sans vouloir répondre à la place de l’OFSP, avec les données qu’ils avaient à leur disposition, il n’y avait pas de danger prouvé et avéré. Donc sur cette base là, ils vous ont répondu qu’il n’y avait pas de danger. A mon avis c'est un peu court. Car la vérité c’est que l’EFSA dit ne rien pouvoir dire… Et les normes existantes se basent sur des normes  de toxicologie anciennes.»

En plus, il y a un détail plus inquiétant dans notre analyse, ce petit pic à droite de l’écran. Le laboratoire a pu déterminer que ce pic était également la signature d’un stockage d’ethoxyquine dans le corps du poisson, mais sous une forme transformée, on dit métabolisée. Dans ce cas, deux molécules se sont liées entre elles pour n’en former plus qu’une, un métabolite que l’on appelle un dimère.

Dider Ortelli, chimiste cantonal délégué à Genève : «Dans la plupart des cas on avait que des petites quantités d’ethoxyquine, par contre le dimère était lui en beaucoup plus grande proportion. »

Luc Mariot, journaliste à ABE: « Donc  ça reste dans le poisson ? »

Didier Ortelli : « ça reste dans le poisson ! »

Et évidemment, ce métabolite, ce dimère, n’est pas cité dans la législation actuelle, ce que regrette Patrick Edder : «Il y a  beaucoup de voix qui s’élèvent à l’heure actuelle pour dire que l’on doit tenir compte des métabolites. Et là, en l’occurrence, le métabolite c’est juste le double de la molécule, l’une sur l’autre.  On doit en tenir compte. Et très certainement, la prochaine norme si norme il y a, prendra en compte la somme de la molécule mère et du métabolite. »

Ainsi, l’ethoxyquine est un conservateur chimique que l’on ajoute à la farine destinée à l’alimentation des poissons d’élevage. Le problème, c’est qu’il en reste des résidus dans la chair du saumon d’élevage, et dans des quantités non négligeables.

499 microgrammes par kilo d’ethoxyquine, pour le saumon le plus chargé. Que risque-t-on ? En l’état actuel des recherches, force est de constater que l’on ne sait pas grand chose de la toxicité à long terme de l’ethoxyquine. Donc on ne peut pas affirmer que les saumons d’élevage présentent un risque immédiat pour notre santé. Reste qu’on utilise cette substance de synthèse pour une raison tout à fait incroyable, alors qu’on pourrait faire autrement.

 http://www.tsr.ch/emissions/abe/alimentation/2635306-saumon-d-elevage-des-poissons-finalement-assez-conservateurs-e-books-un-marche-qui-se-hate-lentement.html#main

 

 

 

 

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