Poisson sauvage ou poisson d'élevage?

Les stocks halieutiques sont surexploités. Le remède serait le poisson d’élevage ? Une « fausse bonne solution » comme l’expliquent des nombreux articles  sur la toile. La quadrature du cercle…pourtant les très rares suggestions sans lendemain ressemblent à des bouteilles jetées à la mer…aucune prospective…pourtant…

                   LE POISSON SAUVAGE

Des millions de tonnes pêchées annuellement. Il est hors de propos de remettre en cause cette ressource protéique pour l’homme.

La manière est cependant à revoir : la surpêche, la pêche pirate, la pêche du rendement financier maximum durable, sont le revers de la médaille. Au lieu d’une gestion raisonnée, cette ressource n’appartenant à personne et réputée inépuisable fait l’objet impunément d’un pillage en règle.

Ces deux vidéos sont édifiantes : http://vimeo.com/42624619

http://www.dailymotion.com/video/xakjv5_les-degats-de-la-peche-de-grand-fon_news

                    LE POISSON d’ ELEVAGE

Le poisson peut-être élevé soit dans des cages en mer soit dans des fermes piscicoles sur terre avec des techniques très différentes ou enfin dans les lacs et étangs. Dans notre jargon, on distingue l’aquaculture marine et l’aquaculture continentale.

L’aquaculture marine :

L’aquaculture marine, avant d’être une technique, c’est d’abord un énorme business au même titre que le pétrole, le bois, le café ou le soja. Les acteurs financiers constatent depuis des décennies que les marchés exponentiels du poisson  peuvent générer un retour sur investissement digne d’intérêt. Rien à faire du produit, rien à faire de l’environnement…ni du consommateur. Seuls les chiffres comptent. Des lingots d’or dans des coffres forts en pleine mer…rien d’autre !

A ceci près que le lingot ne pollue pas, ne se reproduit pas facilement avec le poisson sauvage...et ne s’échappe pas de sa cage !

Dans sa forme actuelle, l’aquaculture marine est une hérésie intellectuelle : une production de poisson au mépris total de l’environnement qui porte la pollution au cœur même de l’océan et qui a un impact déplorable sur les populations de poisson sauvage.

Rendez-vous au Chili et en Norvège pour constater les dégâts.

 vidéo intéressante de l’excellente émission Suisse « A bon Entendeur »:http://www.rts.ch/video/emissions/abe/847154-le-bio-ca-marche-aussi-sur-l-eau.html

Ne pas manquer Alexandra Morton à 2,50 minutes

Juste avant : Tony Farrell, professeur d’aquaculture durable à l’Université de Colombie Britannique, aspire à une « aquaculture intelligente »

Par contre, nous sommes plus réservé sur l’optimisme de René Benguerel (4,45minutes)

L’aquaculture continentale :

1) L’élevage en général et la pisciculture en particulier. Historique :

Après 1960, il fallut répondre aux besoins croissants du marché. Une page fut radicalement tournée sur les process agricoles : un virage à 90°. Pour l’élevage, la science occulte radicalement le régime alimentaire. La recherche oriente toutes les études exhaustives sur les besoins nutritionnels et la manière d’y répondre. Les scientifiques changent les aliments et créent les rations et formulations alimentaires. A partir de là, aucune place à l’improvisation : tout doit résulter d’une gestion cartésienne. Peu importe de proposer aux herbivores des protéines animales et des protéines végétales à des espèces carnivores : les études prouvent scientifiquement que les besoins de l’animal seront satisfaits. Ça suffit. On ne l’a pas consulté sur l’appétence des granulés, ni le consommateur sur les qualités organoleptiques de la chair qu’on lui impose, c’est superfétatoire.

2) La triple dérive :

- intellectuelle : elle ne concerne pas que le poisson mais un mode de pensée : il fallait balayer et nier ce qui existait pour créer des schémas « sérieux » !

- la seconde est d’avoir fait fi du régime alimentaire de l'animal,

- la troisième consiste à avoir poussé à fond tous les curseurs de la rationalisation de l’exploitation et de l’optimisation du système d’alimentation.

Les effets pervers et les dégâts collatéraux :

-      structure et nature des installations : quel que soit l’élevage, la démarche est identique : on pense en priorité  à l’accès des véhicules lourds (fournisseurs et clients). Ensuite on adapte les bâtiments et les installations non pas en fonction des besoins de l’animal, mais selon l' ordonnancement rationnel des interventions successives. En pisciculture, ce sont des bassins en béton juxtaposés,  entourés, chez les plus « chic » de goudron,

-      mécanisation générale,

-      intensification des rendements indispensables pour faire face aux investissements, augmentation des densités d’élevage qui provoquent stress et pathologies allant à la pandémie : on fragilise l’animal et on le rend malade,

-      une fois l’animal malade, il faut le soigner: recours au vétérinaire qui prescrit des produits médicamenteux et antibiotiques,

-      l’éleveur doit être avant tout un bon chimiste, au mépris total de sa santé, de la qualité de l’eau et de ses sols biologiquement morts, livrés en proie à l’érosion.

Ce type d’agriculture affiche un bilan CO² calamiteux et une ACV du produit déplorable.  Elle privilégie le maïs (énorme consommateur d’eau) et les oléagineux : le soja (d’Amérique Latine qui a contribué au défrichement des forêts primaires) à condition qu’il ait subi un traitement thermique. Comme le ratio lysine/acides aminés soufrés (AAS) est déséquilibré, on vend un CMV (Complément Minéral Vitaminé). Tout est scientifiquement étudié. Tant que l’ACV totale n’aura pas mis en évidence que cette agriculture consomme plus qu’elle ne récolte, on continuera.  On continuera pour la croissance, parcequ'on a aucune envie de changer, mais surtout par incapacité d’imaginer d’autres modèles, pire, de caricaturer ceux qui  proposent des alternatives.

   3) L’élevage bio :

C’est un grand honneur d’évoquer aussi fréquemment cette production sympathique, dans l’air du temps, au cahier des charges très complaisant, qui ne représente pas 1% de la production mondiale et une production très faible en France. Cela reste un élevage industriel confiné, émanent de pisciculteurs conventionnels qui souhaitent se démarquer soit par opportunisme commercial, soit, c’est très louable, pour se convaincre de faire mieux en restant prisonniers du même système d’alimentation : ils continuent sans faire autrement… avec les granulés de l’agroalimentaire vis-à-vis desquels nous conservons une grande défiance (traçabilité).

 4) deux autres voies ignorées :

> la pisciculture d’étang à réhabiliter et à développer.

http://cedepa.wordpress.com/2012/05/27/les-etangs-un-potentiel-lentique-sous-exploite/

> la pisciculture écologique :

C’est pour nous une immanence : il est impératif de conserver le lien  sol-eau-plante-animal.   Précision importante : « animal » ne concerne pas restrictivement l’animal objectif mais tout ce que comporte le règne animal, compris les invertébrés, acteurs déterminants.

Pour conserver ce lien, les bassins sont creusés dans le terrain naturel. Le maximum d’arbres feuillus est conservé. Ils ont un statut et des fonctionnalités différents selon leur taille. Ils doivent tous porter du lierre et assurent l’ombrage l’été : le poisson, comme tous les animaux, recherche les zones ombragées…une pensée pour tous ceux concentrés dans des bassins béton, en plein cagnard estival.

La pisciculture écologique n’est pas une technique : c’est la même éthique applicable à toutes les productions agricoles, viticoles et forestières.

L’environnement se considère de manière globale. C’est la richesse de la micro faune du sol, l’action bénéfique des champignons, les interactions permanentes entre l’air et l’eau qui constituent un outil de travail extraordinairement productif.

En travaillant pour le sol, la plante et l’animal, nous savons que cette symbiose va nourrir indirectement notre poisson.

Ce ne sont pas des oeufs de grenouille qu'il faut voir dans ces 20 cm d'eau claire au fond d'un bassin enherbé...mais de futurs nombreux tétards qui constitueront un mets de choix pour les truites.

En reprenant les fondamentaux qui ont fonctionné des siècles sur le régime alimentaire, le CEDEPA étudie les méthodes permettant d’intensifier écologiquement la production.

Cela nous parait tellement fondamental qu’il s’agit de notre leitmotiv. A partir de ce régime alimentaire optimal, le pisciculteur enrichit le biotope pour que le maximum de proies s’y trouvent.Insectes détritivores puis cloportes sur cette bouse: tout le monde travaille.

Celles qui font défaut sur le site sont à élever sur place, sinon à importer. Les vers à soie peuvent par exemple provenir d’une magnanerie implantée à proximité.le ver à soie, bourré de protéines, multiplie son poids par 1000 en 30 jours.

Une pisciculture écologique, c'est un écosystème dans lequel toutes les espèces ont une fonctionnalité. Jusqu' aux ânes qui sont des auxiliaires précieux: ils taillent la végétation, leurs excréments favorisent la micro faune du sol extrêmement importante en pisciculture, ils attirent une grande quantité d’insectes, n’érodent pas les berges pour s’abreuver, contrairement aux bovins qui ne lesrespectent pas.

Malgré la diversification alimentaire, on ne manquera pas de nous opposer le caractère aléatoire des apports nutritionnels. C’est exact, mais nous ne sommes pas prisonnier d’un chronomètre, d’un poids contractuel à atteindre impérativement à telle date pour honorer la livraison d’une grande surface ; pour nous, ce schéma est grotesque. Le poisson gobe ses proies avec plaisir plutôt que de refuser un granulé infecte tombant au fond du bassin et polluant le cours d’eau.

Conclusion :

L’éternelle comparaison entre poisson sauvage et poisson d’élevage ne résoud rien : nous avons besoin de la pêche et de l’aquaculture, c’est incontestable. Les modalités doivent cependant être encadrées et contrôlées car tout est permis en ce moment au grand mépris de l’environnement. Tant que l’ACV exhaustive(1) du produit ne sera pas affichée, le consommateur n’aura jamais, hormis le prix,  les éléments permettant d’orienter son choix.

La pisciculture écologique permet de proposer :

  • un poisson naturel au consommateur,
  • un poisson élevé sans produits chimiques, sans antibiotiques,
  • dans le respect du bien-être animal.

 

(1)  pas l’ACV des dernières semaines ni des derniers kilomètres mais bien depuis l’œuf, en intégrant évidemment l’ACV de l’aliment.

 

 

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