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Contre-sens : la pisciculture d’étang en danger de mort.

    Un projet d’arrêté de prescriptions du ministère de l’écologie risque de condamner les étangs. Ironie du sort, le FEAMP (outil financier de l’UE) prévoit des subventions pour la pisciculture d’eau douce (2021/2027).
    Tel est le paradoxe :
    – vis-à-vis de l’UE, le programme opérationnel français porte un discours prétendant encourager l’aquaculture pour réduire les 76% d’importations, tentant de recouvrer la sécurité alimentaire,
    – en France, le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation (dont dépend la pisciculture) expose les besoins et enjeux importants(1), mais au Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) des décisions administratives détruisent une filière à l’agonie par des décrets et arrêtés univoques décourageant l’acte de production de poisson d’eau douce.

    Le glas ultime : portées par une  idéologie née après 2010, les agences de l’eau financent aux taux record de 100% les destructions de plans d’eau.
    Ce tableau très noir décimant les pisciculteurs redevient vert par la protection des prédateurs piscivores.
    Cette ponction estimée à 110 000 t/an devra faire l’objet d’un arbitrage : l’homme ou le cormoran ?

    En suite au décret du 30 juin 2020 modifiant la nomenclature « eau » ce projet d’APG (Arrêté de prescriptions générales) concernant la vidange des plans d’eau passe aussi mal que le décret ayant d’ailleurs fait l’objet de plusieurs recours en Conseil d’Etat. La DEB n’en a cure, ne tient aucun compte du résultat de la consultation du public (exercice qui n’a jamais d’effets), ni de l’avis des organisations professionnelles. C’est une constante antidémocratique distillée d’en haut que les français ne supportent plus, bafouant les préceptes anciens : « une chose n’est juste parce qu’elle est loi, mais elle doit être loi parce qu’elle est juste » (Montesquieu). Nous sommes loin du compte.

    Après une baisse vertigineuse du nombre de piscicultures à la fin du 20ème siècle, la production française a baissé de 50% ces quinze dernières années.
    Avec un taux de création d’établissement se comptant sur les doigts d’une main depuis trente ans, quelle filière pourrait survivre à un tel traitement ?

     

    Ils nous ont menti, ou les services de l’Etat ont trahi leurs intentions ?

    • “L’aquaculture est un secteur où les projets d’investissements ne sont pas assez nombreux. Le développement de ce secteur économique doit être une priorité pour la France qui doit enrichir sa stratégie d’alimentation en produits de la pêche d’eau douce” (Michel BARNIER –2007).

     

    • « Développement de l’aquaculture en France, les axes stratégiques : selon le MEEDDAT en 2008,  l’aquaculture est un secteur stratégique pour répondre aux besoins alimentaires de l’Union Européenne (UE). Le développement de l’aquaculture doit être encouragé en France, selon le gouvernement. Il a confié une mission à Hélène Tanguy. Elle a remis son rapport sur le développement de l’aquaculture en France à Michel Barnier Ministre de l’Agriculture et de la Pêche le 20 novembre 2008 » (MEEDDAT).

     

    • L’aquaculture doit être l’un des piliers de la politique commune (Bruno Le Maire). Le ministre souhaite que « l’aquaculture devienne un des piliers de la Politique commune de la pêche (PCP) », lors de l’ouverture d’un atelier de l’OCDE consacré au développement de l’élevage de poissons.

    Dans un communiqué, le ministre de la Pêche estime que l’aquaculture « constitue une priorité pour la sécurité (de l’approvisionnement) alimentaire des populations » (Paris 15 Avril 2010 -AFP).

     

    Discussion

    Il semble qu’il y ait consensus sur les difficultés à nourrir les êtres humains en 2050. Il semble que les terres émergées du globe n’y suffiront pas. L’aquaculture a donc un rôle essentiel à jouer pour relever ce défi.

     

    Nonobstant le nombre considérable de sites potentiellement exploitables, la France se donne-t-elle les moyens de répondre à cet enjeu de production ou prend-elle au contraire des mesures au mépris de l’intérêt général, de la balance commerciale et du mal-être social ?
    Dans ce contexte, le prochain programme de financement 2021/2027 de l’UE a un goût amer, presque un pied de nez aux pisciculteurs français : « la cagnotte est abondée mais on vous casse l’outil de travail ». Elle profitera au moins aux pisciculteurs d’Europe de l’est… dont nous importerons la production.

     

     

    Un projet d’arrêté relisant les textes en vigueur avec une nasse à mailles très très fines.

    Dans l’esprit, tous les facteurs qui permettaient encore de travailler un peu sont annulés ou bafoués. Parallèlement, de nouvelles prescriptions apparaissent.

     

    les spécifiés pour étangs fondés en titre répondant des articles L.431-6 et L 431-7 du code de l’environnement seraient abrogées. Il faut à tous crins gommer les réminiscences des derniers privilèges féodaux. Ce n’est plus un acte environnemental mais un sujet politicien de justice sociale.  Il convient selon la doctrine de placer les étangs piscicoles dans un contexte de déclaration /autorisation préalable pour effectuer les vidanges, afin d’avoir un nouvel outil pour leur infliger des prescriptions particulières de toutes natures.

    balayer la jurisprudence constante sur la propriété des eaux pluviales de ruissellement et ignorer les articles 641 et 642 du Code civil. Cette entorse grave est inadmissible. Il faudrait, selon la DEB, que le code de l’environnement s’applique avant même qu’un écoulement d’eau ne devienne ruisseau, alors que le champ actuel ne concerne que les « cours d’eau » non domaniaux.

    L’article 8 gère les remplissages par « interdictions » : du 15 décembre au 15 mars puis du 15 juin au 30 septembre. Cette rigidité grotesque ne permet pas le remplissage en avril-mai ni en octobre-novembre s’il ne pleut pas ni de « compenser »(2) en périodes interdites pour profiter des fortes pluies. L’administration est obsédée par la pose d’échelles limnimétriques même au droit d’échancrures au dimensions validées, taillées dans des blocs granitiques, pour restituer le débit réservé dans un seuil. Si elle n’avait pas l’intention de mettre des bâtons dans les roues, elle aurait autorisé le remplissage toute l’année en définissant strictement une cote, contrôlée sur les graduations de la mire au droit de la prise d’eau, sans avoir obligation de recourir à un géomètre.
    Il n’y a rien de plus simple et de plus adapté aux régimes hydrologiques fluctuant dans l’année, comme cela devient la tendance. Cette mesure de bon sens, équitable pour la gestion équilibrée de la ressource(3) a le défaut d’être trop simple.

    • l’obligation de caler toutes les cotes en fonction du NGF (Nivellement général de la France) va engendrer une charge d’honoraires de géomètre, sans intérêt en termes de contrôle (les cotes pourraient se référer à un repère inamovible constituant le point zéro d’un site). Cette mesure en vigueur depuis le 18ème, encore pratiquée début 20ème siècle a le mérite d’être simple et fiable. Probablement pas assez onéreuse et trop simple.

    • nous ne développerons pas la doctrine invasive sur le débit réservé/débit entrant(4), les suspicions sur la qualité de l’eau de surverse (comme si un étang polluait autant qu’une une station d’épuration alors qu’il font souvent fonction de bassin de décantation), les prescriptions pour des étangs en travers d’un cours d’eau qui n’en est pas un, le concept de « compensation » qui, parti des aménagistes, risque de s’appliquer jusque dans notre propre potager si on marche sur un ver de terre etc…

    Conclusion
    Ce projet d’arrêté apparaît aussi hostile que brutal au point de pouvoir générer un contentieux par plan d’eau.
    Ne serait-ce pas simplement un nouvel outil de destruction massive des étangs privés, sans dossier d’autorisation grâce au décret litigieux n°2020-828 du 30 juin 2020, pour le retour à marche forcée à une nature originelle ?

    En guise des anciens encouragements de bon aloi, faisant plaisir à ceux qui les écoutent, ce projet très préjudiciable s’oriente plus vers la signature d’un arrêté de mort d’une filière et de ses acteurs que d’une valorisation des territoires ruraux et de l’acte de production.
    Tout cela pour des raisons obscures, pour un hypothétique gain environnemental non démontré. En tout cas, au mépris des enjeux économiques et sociaux.

     

    (1)  Selon Frédéric Gueudar-Delahaye directeur de la Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA« la demande des consommateurs en produits de qualité locaux (notamment les truites) est en effet de plus en plus forte, mais les pisciculteurs français ont du mal à y répondre. Le principal frein réside dans le cadre réglementaire très contraignant en matière d’augmentation du potentiel de production ».

    (2)  Le concept financier de « compensation » est destiné à plomber un porteur de projet. Toute « compensation » qui pourrait l’avantager, même s’il y a aggradation, n’est pas de mise.

    (3)  Interdire les prélèvements d’eau excédentaire (forte pluviométrie, orages) équivaut à laisser perdre l’eau vers l’océan. Et quand l’étang n’a pas fait le plein, on lui reproche d’évaporer. Seule l’eau stockée peut s’évaporer. Les milliards de mètres cubes perdus le sont bel et bien pour une évaporation qui pourrait être utile au micro climat local.

    (4)  Nous avons décelé ce travers pervers, consistant à la fois à stigmatiser les étangs privés, contrarier leur parfait remplissage, tout en exigeant d’eux une vidange implicite par le soutien d’étiage gratuit d’intérêt général. Les courriers abusifs des DDT en ce sens en témoignent. Nous estimons que cette mesure antinomique ne devrait s’appliquer qu’aux étangs publics et à eux seuls.

     

     

    Projet d’arrêté:  01_projet d’arrêté

    http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-d-arrete-fixant-les-prescriptions-a2135.html?debut_forums=20#pagination_forums