C’est à Monsieur Claude B…que l’on doit d’avoir porté cette procédure jusqu’au Conseil d’Etat. Si la décision, frappée au sceau du bon sens, était espérée par le requérant, elle va avoir des répercussions importantes sur le terrain. Tous les inventaires et cartographies de zones prétendument humides sont à rectifier conformément à cette décision exposant que les critères de qualification d’une zone humide (sol + végétation) sont cumulatifs. Par conséquent, la circulaire et l’arrêté de 2008 sont illégaux au titre de l’exception d’illégalité puisqu’ils prévoyaient des critères de qualification alternatifs.
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Les zones humides : à la fois une réalité environnementale, puis un dogme et enfin un carcan administratif.
Depuis 1900, 70% des zones humides sont disparues. En 1940, le gouvernement de VICHY débloqua un crédit pour assécher les marais et 450 ouvriers furent recrutés, dont nombre de prisonniers évadés et de réfractaires à la relève et au S.T.O. Ce n’est qu’un exemple. Après 1960, la vulgarisation forestière prônait le drainage des zones humides et des tourbières pour planter de l’épicéa de sitka. En agriculture, pelleteuses et bulldozers rectifiaient la campagne. Cette absence de considération et la destruction des zones humides procèdent autant de l’ignorance que de l’obsession de « valoriser » chaque mètre carré du territoire national. Techniquement et économiquement, les résultats ne sont pas tous probants, c’est une litote.
Elles présentaient pourtant des intérêts majeurs. Cette réalité environnementale a été bafouée. Depuis quelques années, le curseur est poussé dans l’autre sens. De nombreux bureaux d’étude ont été missionnés pour inventorier les zones humides. Un manque de professionnalisme pour certains, des analyses de terrain souvent trop rapides, une dose de dogmatisme et l’obsession de multiplier les classements environnementaux ont fait exploser la courbe des prétendues zones humides. La circulaire de 2008 permettait aussi toutes les interprétations et toutes les dérives.
La conséquence du classement est d’assujettir les parcelles inventoriées au respect du Code de l’environnement. Les conséquences peuvent être lourdes. Rien de plus légitime cependant pour les zones d’intérêt. Le bât blesse quand l’inventaire comporte des erreurs. On les retrouve souvent dans des inventaires « informatifs », non opposables et d’aucune portée réglementaire. Ils sont cependant disponibles en ligne sur les SIG (Système d’information géographique) des maîtres d’ouvrages publics et les DDT profitent de cette aubaine pour tenter de les opposer au propriétaire.
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Que dit le juge et quelles sont les conséquences ?
A propos d’une affaire de création de plan d’eau dans une « zone humide », le Conseil d’État a statué en estimant que les critères devaient être cumulatifs. Il a estimé que si les études pédologiques menées par le bureau d’étude avaient mis en évidence la présence de sols fortement hydromorphes, il fait grief à la cour administrative d’appel d’avoir considéré comme étant sans incidence sur le terrain d’assiette du plan d’eau la présence de pins sylvestres, espèce qui ne présente pas un caractère hygrophile, et de ne pas avoir recherché si d’autres types de végétaux hygrophiles étaient présents sur ce terrain.
Le Conseil d’État considère, en se basant sur la définition donnée à l’article L. 211-1 éclairée par les travaux préparatoires à la loi sur l’eau du 3 janvier 1992, que ces critères sont cumulatifs, contrairement à ce que prévoit l’arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition des zones humides : « une zone humide ne peut être caractérisée, lorsque de la végétation y existe, que par la présence simultanée de sols habituellement inondés ou gorgés d’eau et, pendant au moins une partie de l’année, de plantes hygrophiles ». (CE. 22 février 2017. n°386325).
Il résulte quatre enseignements de cet arrêt:
● en l’absence de végétation, la recherche de ce critère n’est pas obligatoire, seul le critère « sol » est exigé ;
● en présence de végétation, les deux critères (sol hydromorphe et plantes hygrophiles) doivent être remplis pour caractériser une « zone humide » ;
● cette double exigence engendre une « disqualification » de nombreuses parcelles actuellement classées en zones humides, notamment des parcelles cultivées et des prairies même sur sol hydromorphe en raison de l’absence de végétation hygrophile.
Seule la qualification de « marais », visée à la rubrique 3.3.1.0 permet d’y échapper (v. la jurisprudence en ce sens : CAA Bordeaux, 5e ch.,15 décembre 2015, n° 14BX01762 ; Cass. crim., 22 mars 2016, no 15-84.950);
● l’arrêté du 24 juin 2008, bien que non annulé par le juge, est considéré illégal en vertu du principe d’exception d’illégalité. L’exception d’illégalité n’est pas un recours contre un texte (en l’occurrence l’arrêté de 2008), mais un argument permettant à la partie qui l’invoque de se soustraire à son application. Par conséquent, l’administration ne peut pas invoquer un règlement illégal et doit l’écarter dans toute prise de décision. Nous avons une pensée pour tous les porteurs de projets à qui l’administration à imposé des mesures compensatoires au titre de destruction de zone humide
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Conclusion
Cet arrêt est particulièrement important dans la mesure où il réduit considérablement la marge d’erreur, voire d’arbitraire, dans la qualification de zone humide : les critères doivent être cumulatifs. Point.
Le bon sens(1), surtout quand il émane du Conseil d’Etat, rassure les propriétaires fonciers, sans porter préjudice à l’environnement. Il n’y avait effectivement aucun sens à prétendre protéger une zone humide… qui n’en est pas une.
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lire l’arrêt ici: ZH_Conseil d’Etat
(1) ce n’est pas parce qu’ une mesure nous convient qu’elle devient par hypothèse, « de bon sens ». Il existe (de mémoire) plus de 700 plantes hygrophiles et des centaines de milliers d’hectares de sols hydromorphes. Cela suffisait pour qualifier la moitié de la France « zone humide ». Ce n’est pas sérieux. Il nous semblerait plus pertinent d’inventorier les réelles anciennes zones humides (1950), qui échappent aux inventaires puisqu’elles ont été « aménagées », et de cibler celles à restaurer.
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Illustrations :
● à la une : prairie mésophile qualifiée de zone humide
● prairie (pâturage ovin) qualifiée de zone humide