La croissance à deux chiffres depuis de nombreuses années résulte d’une augmentation constante de la demande des marchés. Ce ne sont ni la pêche ni l’aquaculture qui sont « en cause » mais le résultat de ce besoin : c’est la loi de l’offre face à d’une demande exponentielle. Les auteurs reprennent en boucle cette question sans fond: « l’aquaculture, une fausse bonne idée ? ». Si la ressource halieutique s’épuise, la réponse est bien dans l’aquaculture. Les ONG ont-elles d’autres suggestions ? Ensuite, le débat « élevage intensif ou pas » est le même que pour les autres productions agricoles : de petites fermes ou de gros intérêts financiers?
Le poisson, noyé dans la mondialisation
Le marché du poisson se développe dans le monde, au détriment de ces animaux et de la biodiversité. En cause : la concentration de l’industrie de la pêche et l’explosion de l’aquaculture.
A l’échelle planétaire, une « taylorisation » s’organise : le poisson fera bien souvent le tour du monde avant de finir dans votre assiette : « l’oeuf s’achète en Norvège, le saumon grandit en Ecosse, il sera fumé en Pologne ou tranché en Chine », dénonce Don Staniford, directeur de l’Alliance globale contre l’aquaculture industrielle(1).
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pointe cette industrialisation mondiale, dont l’objectif est clair : fournir du poisson bon marché aux consommateurs, en cachant volontiers son coût social et environnemental. « La transformation est plus intensive, concentrée géographiquement, intégrée verticalement et liée aux circuits d’approvisionnement mondiaux. (…) Les activités de transformation sont de plus en plus souvent externalisées, aux niveaux régional et mondial ». Jusqu’à aboutir à des situations dantesques : l’Europe et l’Amérique de Nord expédient des poissons entiers congelés en Asie (en Chine particulièrement), où ils sont filetés et conditionnés, avant d’être réimportés dans les pays où ils ont été pêchés !
Le poisson, un secteur-clé de l’économie mondiale
« Le poisson continue d’être l’un des produits alimentaires de base les plus échangés dans le monde », martèle la FAO dans son rapport sur la pêche de 2016(2).
Sur la planète bleue, 56,6 millions de personnes vivent de la pêche et de l’aquaculture, dont 84 % d’Asiatiques. Parmi eux, le nombre de pêcheurs diminue, alors que celui des personnes employées dans l’aquaculture progresse, passant de 17 % en 1990 à 33 % en 2014.
La Chine est le principal producteur de poisson et le premier exportateur de poisson et de produits de la pêche. C’est aussi un importateur majeur en raison de l’externalisation de la transformation par certains pays et de la croissance de la demande intérieure d’espèces non produites localement. La Norvège est le deuxième exportateur mondial, devant le Vietnam et la Thaïlande. En 2015, l’Union européenne était de loin le plus grand marché d’importation de poisson, devant les États-Unis et le Japon.
Le secteur de la pêche fait aussi face à une concentration inédite. De grandes multinationales contrôlent désormais le marché de la pêche et de la transformation. Par exemple en France, Petit Navire, leader du thon en boîte dans l’Hexagone, a été racheté en 2010 par le numéro trois mondial du poisson en conserve, le thaïlandais Thai Union Frozen Products.
L’aquaculture, une fausse bonne idée ?
ConsoGlobe.com a déjà alerté sur les dangers de la surpêche, une pratique légale mais désastreuse pour l’environnement. Selon la FAO, plus de 30 % des stocks de poissons sont surexploités. Si les poissons sauvages se raréfient, l’élevage semble être une solution toute trouvée pour répondre à la demande sans nuire à l’environnement.
Un mauvais calcul, selon Greenpeace, pour qui « l’aquaculture (de carnivores, saumon, crevettes…) pollue l’environnement, détruit les mangroves et ne résout en rien le problème de la surpêche, car il faut pêcher du poisson sauvage pour nourrir le poisson d’élevage ».
L’aquaculture, comme l’agriculture ou la pêche, peut être une pratique durable qui ne nuit pas à l’environnement. C’est son intensification qui pose problème. En effet l’élevage de poissons carnivores comme le saumon ou le thon requiert paradoxalement d’énormes stocks de… poissons sauvages.
La concentration d’un nombre important de poissons d’élevage sur une petite surface pollue énormément en raison des déjections organiques. De plus, les élevages industriels nécessitent l’utilisation massive d’antibiotiques pour éviter la transmission de maladies. Les poissons concernés par ce traitement sont porteurs de germes très contaminants pour les poissons sauvages.
L’élevage, en constante progression
Outre la surpêche et la pêche illégale (qui représente plus de 15 % de la production totale de la pêche de capture dans le monde), une autre menace se profile donc : celle du développement de l’aquaculture. La FAO a pointé dans son rapport une forte croissance de l’aquaculture, « qui fournit désormais [depuis 2014] la moitié du poisson destiné à la consommation humaine ». La Chine, qui est à l’origine de 60 % de la production aquacole mondiale, a joué un rôle majeur dans cette croissance.
Marie-Jeanne Delepaul, le 28 jan 2017 ConsoGlobe
Source : http://www.consoglobe.com/le-poisson-noye-dans-la-mondialisation-cg
références :