L’indéniable intérêt écologique des zones humides
Les milieux humides fournissent des biens précieux et rendent de nombreux services : épuration de l’eau, atténuation des crues, soutien d’étiage…
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L’aménagement du territoire : le déni des zones humides
Phénomène amorcé depuis le début du 20ème siècle, amplifié depuis les années 60 et stimulé après 1970, il ne devait plus, dans l’esprit des précepteurs, y avoir 1 cm² du territoire rural improductif en termes d’aménagement rural.
Les prescripteurs des services administratifs, très éloignés de toute immanence environnementale, mais mais pas à court d’idées et pétris de certitudes, se sont improvisés gestionnaires des espaces naturels. Aucun ne semble enclin à faire son mea-culpa: c’était une mode incontournable, ils copiaient tout simplement les pratiques culturales des USA, rationaliser, mécaniser et rentabiliser.
Selon leurs lumières, il convenait d’assainir par de profonds fossés, les zones marécageuses en tête de bassin versant, de les convertir en forêts productives ou de les drainer à des fins agricoles.
Des sommes considérables ont été dépensées pour rendre ‘productives » des zones très humides. Le FFN (Fonds forestier national) s’il a eu un intérêt indéniable dans la reconquête forestière d’après-guerre, a une lourde responsabilité dans la destruction massive des zones humides écologiquement stratégiques.
Les études du 21ème siècle évoquent la disparition de la moitié des zones humides…sans identifier les responsables ! C’est assez cocasse.
Ces parcelles humides initialement ‟improductives” sous l’oeil administratif de 1970, nonobstant les travaux consentis, sont encore et toujours notoirement ‟improductives” au plan technique en 2016: l’épicéa de sitka et le pin sylvestre n’ont pas été à la hauteur technico-commerciale des espoirs théoriques initiaux.
La biodiversité, elle, concept ignoré en 1970, a été bafouée.
Comment les restaurer sur les mêmes emprises? L’enjeu environnemental est là…plutôt que de chercher leurs pales copies.
Un gammare ne suffit plus à qualifier un cours d’eau…mais un jonc dans une prairie la qualifie désormais de ‟zone humide” !
Une définition récente qui ratisse très large : en effet, selon l’article L.211-1 du CE (Code de l’environnement), les zones humides sont « des terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année».
L’arrêté ministériel du 24 juin 2008 modifié précise les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L.214-7-1 et R.211-108 du code de l’environnement.
Il définit spécifiquement les critères et modalités de caractérisation des zones humides pour la mise en œuvre de la rubrique 3.3.1.0 sur l’assèchement, la mise en eau, l’imperméabilisation et le remblais en zone humide du R.214-1 du code de l’environnement.
L’arrêté détermine des critères permettant de considérer qu’une zone est humide :
– critère relatif à l’hydromorphologie des sols,
– critère relatif aux plantes hygrophiles,
En absence de végétation hygrophile, la morphologie des sols suffit à définir une zone humide.
Ces critères sont alternatifs et interchangeables : il suffit que l’un des deux soit rempli pour qu’on puisse qualifier officiellement un terrain de zone humide. Si un critère ne peut à lui seul permettre de caractériser la zone humide, l’autre critère est utilisable. C’est la porte ouverte à l’arbitraire.
De l’abus à l’excès
De l’abus destructif subventionné par l’Etat (FFN, remembrement) qui prônait l’éradication systématique des zones humides pour les rendre hypothétiquement productives, le fléau de la balance prétend inverser la tendance. Après avoir détruit les plus emblématiques, il convient maintenant d’en inventorier un maximum. Par compensation? certainement pas! Mais sous la pression écologiste, le curseur est poussé sans discernement dans l’autre sens.
Mais au lieu d’une analyse pertinente environnementaliste des écosystèmes, la lecture est normative et réglementaire. A quelques exceptions près, la nature n’y gagnera rien.
A défaut de restaurer les plus intéressantes, il faut en dénicher d’autres…fussent-elles de second ordre, sans l’écosystème complet ni ses intérêts.
Et l’exercice est assez simple : des centaines de bureaux d’étude, nés opportunément depuis la LEMA 2006, cherchent avec application ce que leurs mandants leur demandent de chercher: de nouvelles ZH à préserver…et l’inventaire est fructueux, avec en corollaire administratif leur assujettissement aux prescriptions du CE (Code de l’environnement).
De mémoire, Il doit, exister environ 775 espèces hygrophiles administrativement légales. Il y a donc peu de chance qu’une prairie équipée de trois joncs et de deux saules ne soit pas érigée au grade de ZH.
(à suivre)
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Illustration :
1) des joncs alignés dans une rigole rectiligne fabriquée de la main de l’homme suffisent-ils à qualifier une ZH ? au sens de la loi = oui.
2) des joncs dans une prairie en pente souffrant d’un drainage naturel pauvre est-elle une ZH ? au sens de la loi = oui.
3) des prairies naturelles hydromorphes en fond de vallée sont-elles ipso facto des ZH ? au sens de la loi = oui.
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En ayant planté de l’épicéa ou du pin sylvestre dans les zones humides pour les « rentabiliser », 40 ans après, les bois présentent des diamètres ridicules…mais le terrain est toujours humide! voir ci-dessous