Très bien contée par Pierre Rabhi, cette légende amérindienne illustre la philosophie que chacun pourrait devrait s’approprier: ‟faire sa part”. A l’aune de la transition énergétique, les écologistes n’ont rien compris quand ils dénient au 21ème siècle l’intérêt que peuvent avoir les moulins (qui ont nourri l’humanité pendant des siècles et contribué à l’essor industriel au 19ème ). C’est un truisme éculé de ressasser qu’un moulin ne ‟produit presque rien” ! Mais il en existait peut-être 100 000 en France et il en resterait 50 à 60 000.
Opposés à tout et à son contraire, opposés au nucléaire et à l’hydroélectricité, ils n’en sont plus à une contradiction près…mais toujours incapables de prospectives. L’opposition aux barrages(1) en est la meilleure illustration, alors qu’ils déplorent la sécheresse pendant 6 mois et les inondations les 6 mois suivants, sans rien proposer d’autre que de fermer les robinets.
Des Colibris développent des trésors d’ingénierie, consentent des sacrifices pour changer -à leur mesure- le cours des choses et abandonnent les pratiques invalidantes. C’est bien cette immanence et non l’appât du gain qui anime ces passionnés de pico-hydraulique. L’esprit Colibris y est…l’intérêt général aussi !
Est-ce bien légitime de tourner cette petite production en dérision ? Pire : à la stigmatiser.
Les écologistes, le bras armé d’une politique de l’eau qui dépense des milliards d’euros d’argent public sans effet environnemental, à moins de sens que d’utiliser le tiers de ces budgets à restaurer les seuils des moulins qui pourraient recouvrer de multiples usages: hydroélectricité, pisciculture etc…
Or, sous couvert par exemple de prétendues exigences écologiques, toutes les mesures administratives sont prises pour lyncher la filière piscicole, alors que les politiques érigent à juste titre l’autosuffisance alimentaire en ‟enjeu majeur”. Et la France importe 80% de sa consommation de produits aquacoles. C’est incohérent.
Alors oui, un moulin ne ‟produit presque rien”…pas plus qu’une AMAP ne prétend pas nourrir 7 milliards d’êtres humains.
Faut-il les éradiquer ou les encourager ?
(1) Au lieu d’un ouvrage pharaonique de plus de cent millions de mètres cubes style Charlas ou Chambonchard, de petits barrages pourraient soutenir les étiages avec le même résultat à un coût inférieur et à moindre impacts environnementaux et sociaux.
Publié par Hydrauxois
En finir avec une idée reçue: « équiper un moulin? Cela ne produit presque rien! »
Plusieurs fois, des interlocuteurs nous ont dit : «Equiper des moulins ? Mais cela ne représente presque rien en énergie !». Dernièrement, c’était un technicien de rivière sur l’Armançon qui tenait ce discours. Examinons si cet argument est fondé.
Tout d’abord, il faut comparer ce qui est comparable : une roue de moulin sur une petite rivière ne représente pas grand-chose par rapport à une grande éolienne de 5 MW sur une colline bien ventée (un facteur 1000 en dessous pour la puissance nominale, un facteur 250 pour le production énergétique réelle), et cette éolienne elle-même ne représente pas grand-chose par rapport à une centrale nucléaire à cinq réacteurs (un facteur 1000 en dessous, à nouveau). Il n’est pas très fécond de comparer ainsi des pommes et des bananes !
On doit donc comparer la turbine ou roue de moulin avec ce qui est comparable : si l’on parle d’une petite rivière, comme c’est le cas pour tous les tronçons amont de cours d’eau et leurs chevelus de petits affluents en Côte d’Or, on peut par exemple comparer l’équipement du moulin par une turbine ou roue avec l’équipement de son toit par des panneaux solaires photovoltaïques.
Le rayonnement solaire moyen est de 1000 kWh / m2 / an dans nos régions, et le rendement moyen d’un mètre carré de panneaux solaires est de 15%. Donc tous comptes faits, mettre 20 m² de panneaux solaires va produire en moyenne 8 kWh par jour. (Chiffre évidemment variable selon la région, l’insolation, etc. mais le productible sera de cet ordre).
Une très petite rivière (comme le Rabutin ou l’Ozerain en tête de bassin par exemple) a un potentiel minimal réaliste de 3 kW en débit d’équipement disponible toute la journée et presque toute l’année. Avec le rendement habituel de l’hydro-électrique, une turbine peut produire 56 kWh par jour, une roue 35 kWh.
On voit que l’équipement hydraulique d’un moulin très modeste produira 4 à 7 fois plus que son équipement solaire photovoltaïque. Rappelons que le solaire PV est aujourd’hui racheté par EDF-OA environ 30 centimes d’euro par KWh alors que l’hydraulique est racheté environ 12 c€ par kWh. Cela signifie que le solaire PV produit 4 à 7 fois moins que l’hydraulique en dimensionnement et coût comparables, mais que l’hydraulique coûte 3 fois moins cher à la collectivité que le photovoltaïque. En fait, le tarif de rachat du kWh hydraulique est devenu quasiment équivalent au prix payé par le consommateur.
Par ailleurs, on a parlé ici des petites rivières et des têtes de bassin. Mais dès que l’on descend un peu sur le bassin versant, le débit est plus soutenu : pour un moulin situé typiquement sur l’Armançon à Semur-en-Auxois, sur le Cousin à Avallon, sur le Serein à Toutry ou sur la Brenne à Montbard, la puissance hydraulique disponible sera dix fois plus élevée que dans notre exemple à 3 kW. Rappelons qu’outre le prix et la puissance, l’hydraulique possède également le meilleur bilan carbone et le meilleur bilan matière première de toutes les énergies renouvelables : son empreinte écologique est remarquablement faible.
Loin de nous l’idée qu’il faut décourager telle ou telle énergie renouvelable. En revanche, il n’est pas sérieux pour un décideur ou un technicien de prétendre que les moulins sont négligeables en énergie et ne doivent pas être équipés. Si tel était le cas, le même raisonnement conduirait à abandonner en priorité tout équipement solaire PV, micro-éolien et géothermique pour particuliers en France, dont le rendement énergétique est moins intéressant que celui de la petite hydraulique !
La vérité est que le potentiel de la petite hydraulique est négligé dans notre pays. Il l’est soit par ignorance du domaine énergétique et de ses ordres de grandeur, soit par volonté idéologique de détruire les seuils de moulin. Dans l’un et l’autre cas, cette négligence n’est plus acceptable : aucune rivière de France, si modeste soit-elle, n’est dénuée d’un potentiel énergétique digne d’être exploité à l’heure de la transition énergétique.
Illustrations : le Rabutin à Bussy-le-Grand, hydrologie assez typique d’une très petite rivière des plateaux calcaires à marnes de l’Auxois. Même sur ces modestes cours d’eau, un équipement hydraulique bien conçu peut produire l’équivalent annuel de la consommation électrique d’une famille, chauffage compris. Pour un résultat comparable, il faudrait installer 150 m² de panneaux solaires, ce qui coûterait bien plus cher au propriétaire comme à la collectivité. Et dans ces vallées parfois encaissées, le micro-éolien aurait un rendement médiocre en raison des turbulences et rugosité de la couche-limite.
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