Les partisans désinvoltes des rivières sauvages font peser un triple préjudice :
– sur le cycle de l’eau continentale : aucun écrêtage des crues ni aucun soutien d’étiage ne peuvent intervenir,
– sur la survie de la filière conchylicole : les apports massifs de sédiments pollués et d’eau turbide (la terre a besoin d’eau mais la mer n’a pas besoin de terre),
– sur les écosystèmes marins (la mer a encore moins besoin de plastiques).
Ce dogme sur ce qui prétend être « bon pour la rivière » se situe aux antipodes des remèdes souhaitables : des cours d’eau aménagés pour tenter de garantir la ressource en eau et accessoirement intercepter les déchets flottants nous apparaîtrait une vision plus responsable.
Nous reproduisons in extenso un billet d’Hydrauxois : http://www.hydrauxois.org/
Nous avons reçu Sur le devant de la Seine, le bulletin d’information du Sicec (Syndicat intercommunal des cours d’eau du Châtillonnais) et de Sequana, contrat de rivière Seine Amont sur les bassins de Seine, Ource, Laigne, Aube, Sarce et Arce.
En pages 2 et 3, un article sur le classement des rivières et la continuité écologique. Le bulletin étant (notamment) financé par les fonds versés par l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, et l’Agence de l’Eau Seine-Normandie étant (notoirement) championne dans la politique aveugle de destruction des seuils et barrages, le contenu de l’article est (évidemment) un éloge de l’effacement présenté comme « solution optimum« .
Information ou propagande ?
A l’appui de cet «argumentaire», le dessin ci-dessus. Il résume à lui seul la vision totalement biaisée de nos interlocuteurs. On voit la rivière «en présence d’un ouvrage», et c’est évidemment la désolation : des poissons morts, des bouteilles vides, des boites de conserve, un tas de sédiments que l’on imagine à peu près aussi pollués qu’un site Seveso. Tout cela ayant évidemment pour cause le seuil en rivière. Seconde image : la même rivière sans son barrage. Et là, miracle : les poissons nagent dans une eau limpide d’où toute pollution aurait disparu.
Cette image est un pur exercice de désinformation. Et un exercice que nous jugeons extrêmement regrettable pour un syndicat de rivière ayant pour mission une information objective des citoyens et des élus.
La réalité des seuils en rivière pour les meuniers et usiniers, ce sont des monceaux de détritus qui sont retirés par eux chaque année de l’eau, car récupérés dans leurs grilles de bief.
Cette pollution, c’est nous, c’est vous, c’est la France entière qui prend ses rivières pour des poubelles. Des dizaines, des centaines voire des milliers de kilos de détritus. Demandez par exemple aux petits producteurs de l’Ouche à l’aval de Dijon, qui récupèrent toutes les immondices de la Préfecture et de son si peu écologique lac Kir. Il est vrai que les anciens biefs de la capitale de Bourgogne furent pour la plupart asséchés par des «modernisateurs» avisés, donc leurs héritiers et «décideurs» de nos rivières n’ont sans doute plus tellement la culture hydraulique des Navier, Bazin et Darcy.
Même dans les rivières les plus modestes, même à proximité de leurs sources, on trouve de tels déchets. Voilà ci-dessus la vérité des rivières, la vérité que ne veulent apparemment voir ni les syndicats, ni les agences de bassin ni les autorités en charge de l’eau.
La réalité est donc à l’opposé du discours du Sicec : des seuils et biefs bien gérés contribuent à la qualité de l’eau.
Répéter 100 fois un mensonge n’en fait jamais une vérité…
Sur le fond, il est inacceptable de continuer à laisser croire que les seuils et barrages forment la première cause de dégradation des rivières. Répéter 100 fois un mensonge n’en fera jamais une vérité.
Il n’existe aucune base scientifique robuste à la désignation des seuils et barrages comme cause principale ou même importante d’altération de la qualité de l’eau. Si les 50.000 à 70.000 moulins de France détérioraient gravement la faune piscicole, il n’y aurait plus un seul poisson dans nos cours d’eau depuis longtemps. Si les 50.000 à 70.000 moulins de France empêchaient le jeu de l’érosion, du transport et de l’alluvion, leurs retenues seraient comblées depuis belle lurette. Car des moulins, il y en avait plus encore voici 150 ans, et ni les truites ni les écrevisses ne manquaient à l’appel. Quand des impacts existent – et ils peuvent très bien exister –, ce sont des aménagements simples et de bon sens qui doivent les corriger, pas des destructions prétendument écologiques à la pelleteuse financées par le contribuable sans lui demander son avis.
Le pire est que le Sicec est bien placé pour le savoir : il a réalisé en 2011-2012 un état zéro du bassin de Seine Amont qui concluait que les premiers facteurs d’impact restent les pollutions. Mais alors, pourquoi ce premier numéro de Sur le devant de la Seine n’est-il pas justement consacré à ce problème prioritaire? Pourquoi encore et encore rabâcher le catéchisme de la destruction du patrimoine hydraulique?
L’échec de la politique de l’eau se cherche des boucs émissaires et des écrans de fumée
Mais peu à peu, on commence à comprendre la vérité des rivières et des aquifères : la France a 20 ans de retard sur le traitement des pollutions d’origine agricole, industrielle, ménagère, pharmaceutique. Les seuils et barrages paient l’échec des politiques de l’eau, échec acté par la Cour des Comptes, et encore l’année dernière par le rapport Lesage et par le rapport Levraut, échec qui vaut déjà à la France une nouvelle condamnation pour non-respect de la directive Nitrates de 1991, échec qui lui vaudra soyons-en sûr sa condamnation future pour non-respect de la Directive cadre sur l’eau 2000, de la Directive Pollutions de 2008 et de la Directive Pesticides de 2009.
Ceux-là mêmes qui sont les premiers responsables de ce désastre – les Agences de l’eau créées en 1964, les responsables successifs du Ministère de l’Ecologie et de sa Direction de l’eau, les lobbies ayant l’écoute de Matignon ou de l’Elysée et ayant construit un Grenelle bancal qui ne traite aucun problème de fond mais saupoudre de l’illusion d’action efficace – et qui devraient en rendre des comptes aux citoyens et aux élus essaient depuis quelques années de travestir leur inaction passée par un surcroît stérile d’agitation sur la question des seuils et barrages.
Au fond, ce dessin caricatural promu par le Sicec nous dit une vérité sans bien s’en rendre compte. On ne lutte pas contre la pollution, on se contente de la faire disparaître du regard. De la faire filer au plus vite vers les estuaires et vers les océans, loin de notre vue. Cela permet à chacun de dormir tranquille.
lire: http://cedepa.wordpress.com/2012/07/14/la-mer-de-plastique/
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