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Arasement et effacement des seuils et des étangs: le Code de l’Environnement devrait être respecté

    Par analogie avec tout dossier de projet d’édification d’un ouvrage sur un cours d’eau, l’arasement pourrait être accepté après, si nécessaire, une déclaration de projet (Art L126), et en tout cas, après l’instruction d’un dossier de demande d’autorisation d’arasement ou d’effacement, monté aussi sérieusement et avec les mêmes critères qu’une demande d’autorisation de création. En effet, ces IOTA (Installations Ouvrages Travaux Activités) « portent gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique ». Faire descendre une pelle de 30t dans un cours d’eau n’a jamais été une intervention anodine. L’impact est même bien plus important pour l’effacement que pour la construction, puisque la nature des sédiments ajoute une dimension chimique à l’impact physique. Et que cette incidence devrait être analysée, surveillée et mesurée en aval à une distance proportionnelle au volume des sédiments.

    Quelle est le cheminement actuel ?
    Un Code de l’Environnement jamais respecté : actuellement on se contente de qualifier le cadre réglementaire « néant » ou « entretien de cours d’eau » ou encore « vidange d’étang » ce qui permet manifestement de s’affranchir a minima du Code de l’Environnement par une simple déclaration de travaux.
    Les différents services de l’Etat sont d’accord sur le principe de l’effacement des seuils. Ça aide. Il suffit que le seuil ou le barrage ou le moulin soit propriété d’une Collectivité, sinon de tenter de l’acquérir, d’instrumentaliser une déclaration édulcorée dont on sait a priori qu’elle ne fera l’objet d’aucun blocage et l’affaire est entérinée. Voilà pour le volet administratif.
    Concernant les fonctionnalités des barrages, seuils et étangs, elles font l’objet d’une évocation succincte. Or, dans un tel projet, fusse le propriétaire d’accord, l’évaluation monétaire de tous les services rendus devraient faire l’objet d’une estimation financière puis d’une comparaison à l’estimation des services écologiques (art L 122). Il s’agirait d’une démarche pertinente pour aider à la prise de décision politique.

    Une démarche équitable : est-ce utopique ?
    « des mesures de réparation compensatoire doivent compenser les pertes intermédiaires de ressources naturelles ou de services survenant entre le dommage et la date à laquelle la réparation primaire ou complémentaire a produit son effet…» (Art L 162)
    La seule décision du propriétaire du seuil à araser ne devrait pas être suffisante. Il y a forcément un impact sur la vie piscicole et les centaines de m3 de sédiments largués en aval justifieraient une étude robuste: les travaux devraient faire l’objet d’une demande d’autorisation au titre de la police de l’eau comme l’impose le Code de l’Environnement (Art L 214-1 à L 214-3). Le dossier doit comprendre une sérieuse étude d’incidence, (étude d’impact (art R122-1) puis soumis à enquête publique (Art L123) c’est à dire consultation de toutes les parties pour éviter de passer sous silence ou de sous-estimer certains facteurs socio-économiques.

    Définir la typologie des services économiques
    Ces services résultent d’une gestion anthropocentrique dont nous héritons qui a été édifiée au fil du temps. Ils impactent l’environnement à des degrés divers, c’est incontestable.
    Cette typologie objective selon la méthodologie de l’ACA (Analyse-Coût-Avantages), devrait cerner la réalité économique, l’emploi, les interactions entre les différents usages, la fiscalité, le tourisme, les loisirs, la valeur vénale des ouvrages, la pêche etc…
    Ces estimations monétaires doivent être confiées à des experts indépendants puis intégrées au dossier déposé à la DDTM qui en transmettra copie au commissaire enquêteur.

    Dresser l’inventaire ex ante des services environnementaux
    Il convient de conceptualiser les services environnementaux dans un principe de conditionnalité c’est-à-dire que le service doit être avéré dans un cadre « bénéficiaire-payeur » pour pouvoir être effectivement évalué et non pas escompter d’éventuels bénéfices invoqués pour la circonstance comme c’est le cas dans le compte-rendu de retour d’expérience. On peut même accepter d’emblée une raisonnable surestimation chiffrées de ces services environnementaux car il convient de reconnaître que les actifs et services naturels sont toujours largement sous-estimés, pire ignorés. Par contre, il apparait inconvenant d’invoquer des arguments superfétatoires:
    – la recolonisation de la végétation ligneuse et herbacée (2),
    – affecter le moindre crédit aux prétendues valorisations médiatiques éphémères qui pourraient, elles aussi dans la même mesure, être attribuées au maintien de l’ouvrage.
    – spéculer sur la recolonisation d’espèces amphihalines décimées par la surpêche, ou qui seront prélevées par des pêcheurs feignant d’ignorer d’avoir pêché un saumon.
    Toujours par équité, pour les seuils réputés sans usage en 2013, les futures valorisations potentielles du seuil ou du barrage ne seraient pas estimées. Elles ne sont pourtant pas hypothétiques : un seuil sans fonction en 2013 peut être valorisé par l’hydroélectricité ou la pisciculture en 2020.
    De cette estimation consensuellement optimisée des services environnementaux, on déduira :
    – une valeur accordée aux externalités : le fait de prendre une décision d’effacement peut provoquer un préjudice aux riverains de l’ancienne retenue (loisirs, irrigation, pêche, perte de qualité du paysage, limite naturelle garantissant une certaine quiétude…) et aux riverains en aval (modifications du lit, érosion des berges…) que le décisionnaire n’entend pas indemniser,
    – l’estimation monétaire de l’impact défavorable au milieu pendant cinq ans (3),
    – les frais d’acquisition ou d’indemnisation de l’ouvrage,
    – les travaux de démolition,
    – les frais d’étude à la charge de l’arasement puisque les frais de dossiers sont légitimement supportés par tout porteur de projet.
    Soyons magnanime : on ne va pas évoquer la peine de 2 ans de prison, mais juste rappeler que le fait de réaliser des travaux en violation à une opération soumise à autorisation est puni d’une amende de 150 000€ (Art L.216-10 du CE). L’affaire n’est donc juridiquement et fort logiquement pas anodine. C’est le prix de la reconnaissance du préjudice environnemental estimé par le législateur.

    Conclusion
    Seule cette procédure nous semble équitable, sérieuse, acceptable et devrait permettre au Préfet de signer ou non l’arrêté autorisant l’arasement ou l’effacement de l’ouvrage.

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    (1) 2 000 000 m3 de sédiments provenant des barrages de la Roche Qui Boit et de Vezins attendus avec désinvolture dans la Baie du Mont St Michel en compensation de ceux que l’on souhaite évacuer à grands frais.
    (2) les semis naturels: phénomène courant qui se produit aussi rapidement sur un terrain de tennis ou un terrain d’aviation de l’OTAN désaffectés, une friche industrielle…a fortiori au bord de l’eau,
    (3) limitée à 150 000€ par le Code de l’Environnement mais un préjudice jamais calculé qui peut être bien supérieur dans le cas par exemple du barrage de Maisons Rouges sur la Vienne avec ses 900.000m3 de sédiments.

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