La pisciculture en circuit recirculé écologique.
recyclage : le concept de la pisciculture en circuit recirculé (*) nous apparaît très intéressant car il réduit la consommation d’eau dans des proportions importantes. Il trouve sa pertinence immédiate quand elle est issue d’un forage ou quand le débit d’étiage du cours d’eau atteint un seuil critique mettant le cheptel en péril. Les alertes ces dernières années se multiplient et bon nombre de pisciculteurs déplorent ces deux phénomènes liés : la raréfaction de l’eau et son réchauffement.
écologique : notre sensibilité nous oriente vers la mise en œuvre d’un système proche de la nature, efficace et peu onéreux. Le process industriel de filtration tellement éloigné de ces préoccupations ne correspond pas à notre choix. De plus, cette technique plombe l’ACV qui, pour un calcul exhaustif et loyal doit intégrer l’impact CO², la fabrication du PVC et des autres matériaux, de l’aliment, leur transport, les travaux de génie civil, les constructions etc…
Présentation du système :
La pisciculture ne consomme pas l’eau mais en utilise beaucoup. Toute activité agricole et a fortiori industrielle, engendre une pollution. Il est aussi illusoire de vouloir retenir l’eau en aval d’une pisciculture que de tenter de conserver une pleine main de sable très fin ou de mercure. Cette eau, essentielle à l’activité piscicole, pourrait être recyclée pour un « second service ».
>pompe : il ne nous semble pas nécessaire de développer : les techniques et matériels sont éprouvés, les fabricants nombreux …
« Les fermes danoises utilisent des pompes airlift en amont de chaque unité d’élevage. Le taux de recirculation dans les bassins est de 5 à 10 fois par heure, contre 1 à 2 fois dans les systèmes d’élevage en circuit ouvert (Lareau et al., 2004). A chacun des passages dans l’airlift, l’eau est enrichie en O2 et le CO2 est en partie dégazé. L’élevage de truites en circuit recirculé se développe dans plusieurs pays mais les performances de production n’ont été à ce jour que peu documentées (Heinen et Hankins,1996 ; Schuster et Stelz, 1998). Les performances et le bien être des poissons dans ces systèmes d’élevage en circuit recirculé sont deux axes essentiels de recherche à développer afin de définir les limites de production de ces nouveaux systèmes d’élevage et améliorer leur conception ». (thèse Emmanuelle Roque d’Orbcastel 2008)
>on peut remonter l’eau avec une éolienne, avec un ou deux béliers walton. L’avantage de ces procédés éprouvés, autonomes, économes et fiables réside en leur fonctionnement écologique. Cependant, les rendements ne sont pas suffisants et on peut y ajouter une pompe solaire.
> l’eau peut circuler vers l’amont dans une canalisation classique, mais si le site le permet, elle peut être remontée dans une rigole en contre haut, rigole qui chemine par gravité vers l’amont de la pisciculture. (schéma ci-dessous)
Epuration de l’eau :
La qualité de l’eau se dégrade au fur et à mesure de son utilisation. Avant de la rejeter dans le milieu et de la recycler, il est indispensable de lui rendre les qualités physico-chimiques proches de celles qu’elle avait en entrant dans l’élevage.
Adeptes du lagunage et de la phytoépuration, notre réflexe est de «faire travailler la nature»: le soleil, les plantes et les organismes aérobies constituent des alliés fidèles et plus efficients que des installations industrielles affichant une ACV très lourde… que personne n’a intérêt à calculer.
A la sortie des bassins en terre, on met en œuvre un dispositif à forte capacité auto-épuratrice. L’eau chargée des effluents transite soit dans un lagunage soit dans des filtres plantés.
Le système adopté dépend de plusieurs paramètres :
-du circuit de l’eau et du volume à traiter,
-de la sensibilité du pisciculteur, tant pour la conception que pour la surveillance de l’installation,
-de la manière dont il tire parti de la topographie (qui est quand même un paramètre important),
-de la surface dont il dispose.
Il n’y a donc pas de schéma prédéfini.
Il convient de capter les fécès et les rejets dissous : essentiellement gaz carbonique résultant de la respiration ainsi que l’urée. Le problème de l’azote ammoniacal et du phosphore lié à l’aliment se gère d’autant mieux que la part d’aliment (granulé) diminue ou disparait complètement, ce qui est notre objectif.
. Le gaz carbonique s’élimine facilement avec l’importante interface d’échange eau / air.
. L’azote ammoniacal est transformé par les bactéries aérobies des filtres plantés d’une remarquable capacité épuratrice,
. orthophosphates, azote gazeux (N2) se retrouvent aussi dans les effluents.
Utilisation actuelle et projets en cours:
Le principe a été mis en œuvre à la pisciculture Carpio où après un grand bassin décanteur, l’eau transite par un lagunage de 2500m². Un astucieux lagunage amont de 1500m3 permet une vie aquatique qui, par gravité, va servir de nourriture aux poissons dans les bassins de production. Rien n’est laissé au hasard et les plantes aquatiques constituent des filtres naturels indispensables.
http://www.carpio-fr.com/VISITE/Recyclage-en-Lagunes.htm
circuit de l’eau (à développer)
http://www.carpio-fr.com/VISITE/Vue-Aerienne-Circuits-Hydrauliques.htm
D’autres piscicultures fonctionnent sur ce schéma. Deux ou trois projets en cours dont un dans lequel des cyprès chauves ont été plantés en deux rangées perpendiculaires au sens d’écoulement dans le dispositif de phytoépuration.
La pisciculture CARPIO explique : « pour la réduction de l’azote ammoniacal, CO² et des substances dissoutes toxiques pour les poissons, l’action des bactéries demande deux ou trois jours. De même que la consommation des matières minérales par des végétaux. Le développement de micro-organismes peut s’étendre sur 3 à 15 jours voire plus selon les organismes concernés. Cela varie en fonction de la température, de la charge, de la qualité de la végétalisation…
Le volume circulant dans les bassins définit la surface nécessaire pour atteindre ces objectifs. Non seulement la surface disponible devient un facteur limitant mais en augmentant la surface en eau, on n’échappe pas au phénomène d’infiltration et surtout au réchauffement de l’eau. L’évaporation entre aussi en compte (environ 5m3/h/ha). La capacité d’approvisionnement en eau neuve détermine la surface maximum exploitable. »
A ces facteurs préoccupants, on apporte les réponses suivantes (en négligeant le phénomène d’infiltration) :
-pour limiter le réchauffement, un ombrage d’essences caduques constitue un excellent préambule (en été, les bovins préfèrent l’ombre des rares arbres plutôt que le soleil de plomb…les poisons aussi),
-les moyens pour refroidir l’eau et l’enrichir en O² dissous sont nombreux mais inappliqués en pisciculture. Pourtant, on sait bien refroidir des volumes importants de lait…en clair: un tank à lait de 10 à 30 000 litres peut remplir cet office,
-aucune astuce ne doit être négligée: l’eau qui descend par gravité dans un tuyau coudé avec réduction de diamètre ou qui tombe sur une plaque perforée provoquant des milliers de gouttelettes l’enrichissent en oxygène,
-à défaut de relief, un système d’aspersion répond à la double préoccupation de baisser la température et d’augmenter l’O² dissous. Les milliers de gouttelettes d’eau offrent une surface de contact avec l’air importante et augmentent donc l’O² dissous. Ce processus adiabatique naturel de refroidissement par évaporation est connu depuis l’antiquité. Les Grecs humidifiaient l’extérieur de leurs carafes de vin pour en baisser la température.
Enfin, le lagunage amont est très astucieux car dans un circuit recirculé écologique, la richesse des proies qui reprennent vie dans un bassin servent de mets de choix pour les poissons des bassins en aval. En production écologique intensive, le schéma idéal consiste à réserver un bassin nourricier en amont de chaque bassin d’élevage..
Avantages du recyclage :
.réduction de la quantité d’eau nécessaire à l’élevage,
.en cas d’interruption volontaire ou involontaire de l’alimentation principale en eau (colmatage, pollution, éventuels pathogènes…) le volume d’eau recyclé sert de réserve tampon et permet de sauvegarder le cheptel,
.quand l’eau peut revenir en amont par une rigole au lieu d’une canalisation, l’effet bénéfique sur l’O² dissous et sur la vie aquatique qui peut reprendre ses droits constituent un intérêt indéniable,
.prix de revient modique d’un tel dispositif,
.process écologique affichant une excellente ACV,
.restitution d’une eau de qualité dans la rivière.
Conclusion :
La pisciculture en circuit recirculé écologique permet :
-d’économiser l’eau des rivières au module important ainsi que celle issue de forages,
-d’optimiser et d’augmenter le potentiel des sites installés sur des rivières au débit moyen,
-de rassurer les pisciculteurs qui n’ont pas connu de difficulté majeure mais qui craignent un changement des conditions pluviométriques et des facteurs abiotiques,
-de tout simplement sauver d’une mort certaine les piscicultures installées sur des petits ruisseaux,
-et, on peut rêver, servir de business modèle pour créer de nouveaux sites à moindre impact environnemental.
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(*) nous n’avons pas cherché à savoir d’où venait ce néologisme qui nous semble parfaitement superfétatoire. Le recyclage ,terme clair, compris de tous, définit parfaitement le concept.
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