Continuité écologique… « des proies au goût infect »….
Les priorités
On s’agite comme des puces en ce début de 21ème siècle au seul motif qu’il faut faire quelque chose, sans toucher à l’essentiel. Evidemment, c’est la quadrature du cercle…Evidemment, bouger sans rien changer, cela limite le spectre à l’hydromorphologie.
Les spécialistes effleurent l’écotoxicologie et évoquent à la marge la qualité de l’eau, car les lobbies de la chimie et de l’agroalimentaire sont trop puissants et les effets induits sur le milieu beaucoup trop complexes à solutionner. L’Etat décide donc, dans le cadre de la DCE, par le biais des Agences de l’Eau, de saupoudrer quelques centaines de milliards d’euros consacrés à l’aspect physique (l’hydromorphologie) des cours d’eau…
La surpêche, les pollutions diffuses et les produits chimiques dans nos rivières, on avisera …..plus tard.
Le saumon, espèce emblématique, est en voie de disparition, menacé par la surpêche et le saumon d’élevage OGM. Le thon rouge, le dauphin, le chinchard, l’anguille, l’alose .… de nombreuses populations au plus bas selon le CIEM (Centre International pour l’Exploration de la Mer)… et nos rivières? Soit elles débordent, soit elles sont à sec.
La méthode ACA truquée (analyse coût/avantage)
Conscient que notre passion ne nous confère pas de compétence géopolitique, nous avons observé les arguments pour les arasements d’un peu plus près.
Il parait que des études d’impact (réduites à une étude de l’impact) doivent être menées avant l’arasement. Nous en avons consulté: analyses succinctes, verbiages insipides de « l’incision du lit » en passant par « la vie piscicole » ou encore « un comptage des frayères potentielles sur environ 1800 ml et un sondage du peuplement piscicole par pêche électrique ont été réalisés. Concernant les populations, aucun résultat n’est disponible mais l’ouverture des frayères laisse présager une recolonisation rapide des populations de salmonidés ». C’est scientifique.
On dépenserait grosso modo des centaines de milliers d’euros, à chaque seuil détruit, pour uniquement recréer quelques frayères « potentielles ».Des milliards d’euros au plan national pour « l’hydromorphologie ». Personne ne cherche à savoir combien…pour un bénéfice environnemental marginal.
Et de prétendre dans les retours d’expérience, au chapitre valorisation de l’opération: « rédaction d’articles ». Aurions nous aussi une divergence sur ce que peut sous-entendre une « valorisation » digne de ce nom ?
Le bouc émissaire, le moulin ou l’étang, est présumé coupable. Silence radio sur les « avantages » alors qu’il nous semblerait légitime de considérer tous les facteurs socio-économiques bénéfiques.
La nuisibilité du statut?….(honni soit qui mal y pense)
En fait, ce ne serait pas l’étang qui serait nuisible, mais il se pourrait bien que ce soit son statut? Nous connaissons de très nombreux lacs et étangs achetés voire créés ou convoités par les Collectivités. Ces dépenses sont sympathiques à bien des égards. Tel étang ou tel lac serait depuis le 1er Janvier 2007, « nuisible » entre les mains d’un propriétaire privé, et concomitamment à son achat par une Association ou une Collectivité, deviendrait un actif naturel précieux ?
Etudes et consultations du public
En 2011, on a les textes mais pas la connaissance. Inutile de s’étonner d’entendre des banalités affligeantes : « l’eau s’évapore et se réchauffe dans un étang… les poissons ne peuvent pas effectuer la montaison avec des seuils infranchissables« …. Des truismes incontestables: il suffit de se mettre en règle en construisant une passe à poissons peu onéreuse et d’avoir des vannages en bon état de fonctionnement pour assurer le transit sédimentaire. Les saumons empruntent bien celle de Vichy ? Nous aurions édifié le viaduc de Millau et nous serions incapables d’équiper les rivières ? Il n’est jamais trop tard pour lancer des études tel cet appel à projets de recherche 2011 : « continuité écologique des cours d’eau et services rendus par les écosystèmes, en relation avec les vulnérabilités significatives que connaît le bassin de la Loire et ses affluents ». Les études ne profiteront pas aux seuils déjà arasés. Certains ont pourtant tenté de démontrer la valorisation potentielle de tel ou tel édifice mais n’ont pas été écoutés(1). On connait juste a posteriori le montant de la facture (travaux et honoraires). On ne connaîtra jamais ce que le seuil aurait pu rapporter à la société ( taxe professionnelle, impôt sur le revenu, tourisme) ni l’intérêt d’un lâcher d’eau en période de sécheresse (l’étiage).
Consultations publiques : Il en existe. Les questions fermées occultent certains scénarios à la manière d’un plébiscite napoléonien. C’est une caricature de démocratie.
Consultation privée : Comme il n’est tenu aucun compte d’une consultation publique, mais voulant en savoir un peu plus, nous avons demandé à l’Institut PISOS, spécialisé en pisciculture, d’effectuer une enquête approfondie. Sur un échantillon de 1000 poissons interrogés, la question suivante a été posée:
comment préférez-vous votre rivière ? (classez les critères suivants par ordre de priorité)
A – un substrat physique agréable,
B – une température fraîche constante,
C – une eau non polluée, sans produits chimiques ?
résultat: à une écrasante majorité, toutes tailles et espèces confondues, la réponse « C » l’emporte.
En commentaire annexé au rapport confidentiel de PISOS, les poissons expliquent à l’institut : » ils déplorent en premier lieu la très vive concurrence consécutive aux empoissonnements. Ils apprécient évidemment un cours d’eau agréable, mais quand un habitat ne leur plaît pas, non seulement cet habitat peut convenir à une autre espèce mais ils s’empressent de nous rappeler qu’ils savent se déplacer (2)… Ils ajoutent : …sur un linéaire donné, nous finissons toujours par trouver un biotope propice…alors que la pollution, elle, invisible à l’œil est partout. Ils se plaignent de devoir manger des proies au goût infect. Ils ont bien conscience d’accumuler dans leur chair toutes ces toxines dont l’homme se débarrasse dans la rivière et constatent que ces perturbations endocriniennes les rendent de moins en moins féconds ».
Conclusion
Même en imaginant éliminer tous les seuils, les grands barrages et étangs réunis, la DCE n’atteindra pas ses objectifs. Il faudra alors bien reconnaître que leur impact réel est marginal et qu’ils n’ont jamais été impliqués dans la dégradation chimique de la qualité de l’eau.
Cedepa.
lire aussi: http://cedepa.wordpress.com/2011/11/20/la-dce-sur-le-bon-etat-des-cours-deau-en-2015-une-galejade/
(1) Au lieu d’une description « à charge » concluant hâtivement à une absence d’impact sur les tiers et sur le milieu, en complément d’une étude quasi superflue de faisabilité (l’arasement est forcément » faisable » puisque la construction l’a été !), il faudrait élaborer un dossier complet qui énumère tous les critères à considérer. Chaque point devant faire l’objet d’une estimation financière ; cette valorisation ne peut pas émaner d’un expert omniscient : chaque sujet doit être étudié par un spécialiste indépendant. A défaut, « une croix dans une case = un point » n’a rien d’une méthode expertale sérieuse. Enfin, par analogie avec la démarche imposée à tout porteur de projet de construction, la décision du propriétaire du seuil à démolir n’est pas suffisante : il conviendrait de déposer un dossier de demande d’autorisation au titre de la loi sur l’eau, soumis à étude d’impact, enquête publique et consultation de toutes les parties pour éviter de sous-estimer les facteurs socio-économiques. Seule cette méthodologie devrait permettre au Préfet d’autoriser ou de refuser l’arasement:
http://cedepa.wordpress.com/2012/12/27/procedure-arasement-des-seuils/
(2) un brochet parcourt 15km les doigts dans le nez dans sa journée ; un saumon 40 à 50km à contre-courant (montaison) et une truite peut remonter 20km pour trouver une frayère.
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