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Crevettes aux antibiotiques

    Crevettes sans frontières

    Tout commence en Inde, sur les côtes Africaines ou à Madagascar dans un petit village de pêcheurs. Depuis toujours, le village vit de la pêche côtière que l’on pourrait qualifier d’extensive… Hélas, les revenus liés à la pêche sont en net déclin. La pollution a perturbé les écosystèmes et la surpêche internationale a pillé la ressource.

    Dans ce contexte, des investisseurs recolonisent des régions que leurs prédécesseurs colons n’avaient pas « valorisées » puisque le marché n’existait pas. Ils lorgnent désormais sur la mangrove. Cette formation végétale de palétuviers, d’un intérêt majeur pour la biodiversité, se développe dans des marais saumâtres, en étant par exemple une zone de nurserie pour les alevins, une station d’épuration naturelle, une zone de nidification privilégiée pour un grande nombre d’espèces d’oiseaux…bref,que des biens non marchands !!

    Contraints et forcés par la nécessité de survivre, séduits par d’hypothétiques gains et emplois, les populations autochtones cèdent facilement devant la pression des investisseurs des pays du Nord qui construisent un ensemble de bassins cartésiens d’élevage de crevettes en lieu et place de la mangrove non rentable…
    Ces bassins sont alimentés en eau salée par des pompages en mer, puis ensemencés en phytoplancton. L’eau salée étant naturellement pauvre en azote et phosphore, on en ajoute…beaucoup. Une fois le taux de phytoplancton optimal atteint, on apporte œufs ou  larves de crevettes qui vont faire bombance de ces algues.

    oeil torve , chair ramollie dans une carcasse trop grande, ces cinq crevettes viennent d’Inde.

    Pour éviter les maladies qui ruineraient les dividendes, des antibiotiques sont ajoutés dans l’eau des bassins de croissance… Une fois arrivées à maturité, les crevettes sont « cueillies » et l’eau enrichie d’engrais et d’antibiotiques est rejetée à la mer, et un nouveau cycle peut reprendre. Les crevettes voyageuses sont acheminées en avion jusqu’en Europe.

    Celles là sont cultivées à Madagascar et en Equateur.

    Les responsables locaux, convaincus à vil prix, affichent une certaine déception car ils n’ont pas obtenu le nombre de postes qu’ils espéraient créer (on avait oublié de leur dire que cette activité nécessite peu de main d’œuvre). Seuls deux ou trois anciens pêcheurs se sont reconvertis en nourrisseurs de crevettes. Les autres galèrent de plus en plus à la pêche, car les eaux sont encore plus polluées, envahies d’algues vertes favorisées par les nitrates… et les mangroves, merveilleuses nurseries qui jadis attiraient le poisson n’existent plus. Les quelques sujets pêchés sont chargés en antibiotiques, ce qui peut entraîner des résistances de certains micro-organismes pathogènes, provoquant des problèmes sanitaires chez la population qui n’en attendait pas tant…
    Tout cela  pour un retour sur investissement intéressant et accessoirement, pour que nous puissions manger des crevettes aux antibiotiques à toutes les saisons…

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