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Aquaculture aux antibiotiques

     Au menu des poissons: acide oxolinique amoxicyline, ampicillin, azaméthiphos, benzylpénicilline, bronopol, chlortétracycline, cloxacilline, dicloxacilline, diflubenzuron, emamectine benzoate, florfénicol fluméquine,  oxacilline, oxytétracycline , pénéthamate, sarafloxacine, somatosalm, sulfamides (tous les), teflubenzuron, tétracycline, thiopental, toschloramide, tricaïne méthanesulfonate,  tricaïne mésylate, triméthroprime

    au dessert : éthoxyquine, chloramphénicol, formaldéhyde, ormétoprim, sulfadiazine, sulfadi-méthoxine, trifluralin, triméthoprime, tripolyphosphate de sodium…(Le chloramphénicol, et l’ormétoprim sont interdits : règlement UE 2377/90

     Les antibiotiques, c’est pas automatique …. pour l’homme

    Mais la FAO nous explique que c’est « obligé » pour l’aquaculture.

    Les antibiotiques seraient « obligatoires ». Cette obligation est associée à certains types d’élevages  alors que d’autres n’y ont jamais recours.Pourquoi? 

     Il serait grand temps de s’interroger sur les process d’élevages au lieu de se convaincre que les intrants sont devenus « obligatoires ».

    Cet état des lieux de la FAO a le mérite de nous renseigner.

    Il a aussi l’inconvénient de nous inquiéter :

    – hormis 4 ou 5 pays développés « équipés » d’experts qui se consultent une fois/an, les apprentis sorciers utilisent des tonnes de produits sans réglementation particulière ni contrôle…

    – les règles internationales ont du mal à s’harmoniser et sont surtout très lentes à entrer en vigueur…. et quand on sait que les approvisionnements s’effectuent sur le marché mondial on imagine que les pays au stade d’une réglementation préhistorique ne vont pas se priver de vendre…

    RÉSIDUS D’ANTIBIOTIQUES DANS LES PRODUITS DE L’AQUACULTURE

    LE PROBLÈME :

    Comme dans les autres secteurs de la production animale, des antibiotiques sont utilisés en aquaculture, tant pendant la production qu’au stade de la transformation, tant pour prévenir (usage prophylactique) que pour traiter (usage thérapeutique) des maladies bactériennes. Les antibiotiques ont aussi été recommandés et utilisés comme désinfectants dans la manutention du poisson mais cette pratique s’est révélée peu efficace et n’est généralement pas approuvée par les services d’inspection du poisson. Les antibiotiques n’ont pas toujours été utilisés à bon escient en aquaculture, et l’on connaît divers cas dans lesquels les contrôles effectués n’ont pas toujours donné l’assurance que les risques pour l’homme étaient correctement évités.

    La FAO, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Office international de épizooties (OIE) et plusieurs gouvernements ont déjà soulevé la question de l’utilisation irresponsable des antibiotiques dans tous les secteurs de production, eu égard en particulier aux risques potentiels pour la santé publique. De nombreux gouvernements dans le monde ont introduit, concernant l’emploi des antibiotiques dans l’agriculture en général et dans le secteur aquacole, des réglementations nationales, les ont modifiées ou rendues plus strictes.

    Préoccupations pour la santé publique. Quand ils sont consommés par l’homme en tant que médicaments, les antibiotiques peuvent avoir des effets secondaires qu’il est généralement possible d’éviter en respectant les doses recommandées et la durée de la thérapie. En revanche, quand des antibiotiques sont ingérés à l’insu du consommateur, sous forme de résidus dans les produits alimentaires, il n’est pas possible de quantifier ou de suivre la quantité ingérée, ce qui peut avoir des effets directs sur la santé, comme une anémie aplasique dont on sait qu’elle est associée au chloramphénicol. Ces effets directs comportent des risques non négligeables pour la santé humaine. En outre, l’absorption non intentionnelle d’antibiotiques favorise l’installation d’une résistance aux antibiotiques chez les bactéries pathogènes pour l’être humain et cela aussi est un problème important qui n’a pas encore reçu l’attention voulue. Le développement, dans des bactéries pathogènes, d’une résistance aux antibiotiques est considéré comme un des risques les plus graves pour la santé humaine à l’échelle mondiale. Le problème se pose quand les bactéries deviennent résistantes à un ou plusieurs des antibiotiques auxquels elles étaient sensibles jusque-là et quand cette résistance finit par annuler l’efficacité des antibiotiques utilisés pour traiter des maladies infectieuses spécifiques chez l’homme. La conscience des risques pour la santé humaine résultant directement et indirectement de la consommation tant active que passive d’antibiotiques a conduit à interdire l’emploi de certains antibiotiques dans la production d’aliments d’origine animale (particulièrement des antibiotiques pour les résidus desquels il n’a pas été possible d’établir des niveaux de sécurité) et à fixer, pour ceux dont les risques sont connus, des limites maximales de résidus (LMR).

    Effets sur l’industrie : la détection de chloramphénicol dans des crevettes importées a suscité beaucoup de préoccupations. Cette substance a été retrouvée dans des produits d’élevage, ce qui a entraîné un ralentissement des importations, donc, une perte économique pour les producteurs concernés et des retombées négatives pour l’ensemble de la production crevettière aquacole.

    SOLUTIONS ENVISAGEABLES :

    Il existe deux stratégies possibles pour faire en sorte que les niveaux de résidus d’antibiotiques dans les organismes aquatiques restent acceptables:

    – limiter l’usage des antibiotiques dans les entreprises aquacoles,

    –  fixer et faire appliquer des Limites Maximales de Résidus dans les produits de l’aquaculture.

    1)limiter l’emploi des antibiotiques :

     L’aquaculture est obligée, dans certains cas spécifiques et identifiés, de recourir aux antibiotiques. La réglementation de leur disponibilité dans le commerce est une façon de s’assurer qu’ils sont employés de manière responsable.

    Pour limiter la disponibilité des antibiotiques dans le commerce, il existe plusieurs options. Les deux principales solutions consistent à identifier les antibiotiques autorisés et à interdire tous les autres, ou à identifier les antibiotiques interdits et à autoriser tous les autres. La première de ces stratégies est, à l’évidence, plus conforme à l’approche de précaution.

    2) établissement et application de LMR.  

    …La limite maximale pour les résidus de médicaments vétérinaires (LMRMV) est définie comme la «concentration maximale de résidu résultant de l’emploi d’un médicament vétérinaire (exprimée en mg/kg sur la base du poids frais), dont la Commission  recommande qu’elle soit légalement admise ou reconnue comme acceptable dans ou sur un produit alimentaire».

    Elle est exprimée en tant que dose journalière acceptable (DJA). La LMRMV tient compte également d’autres risques sanitaires pertinents, ainsi que de considérations de technologie alimentaire.

     ACTIVITÉS RÉCENTES :

    Limiter l’emploi des antibiotiques en aquaculture :

    Certains pays ou certaines régions, comme la CE, le Canada et la Norvège, approuvent un petit nombre d’antibiotiques spécifiquement utilisables en aquaculture. Au Canada, les antibiotiques approuvés pour une utilisation aquacole sont l’oxytétracycline, le sulfadiazine (triméthroprim), le sulfadiméthoxine (ormétoprim) et le florfénicol. Les réglementations ne se limitent pas à approuver les types d’antibiotiques qui peuvent être utilisés, elles spécifient aussi, généralement, l’espèce, le diagnostic, la dose, la durée du traitement et la période de retrait à observer quand un antibiotique est utilisé comme agent thérapeutique. ….

    Le chloramphénicol est un antibiotique encore autorisé en médecine humaine. Les patients qui l’utilisent prennent un risque, mais c’est un risque qu’ils peuvent pleinement évaluer et comprendre. De plus, un traitement au chloramphénicol ne doit être suivi que sous la surveillance directe d’un praticien qualifié. L’ingestion de chloramphénicol par le biais de la consommation de produits ichthyques contenant des résidus pourrait en revanche comporter des risques pour la santé de l’homme, qui pourraient avoir des conséquences graves. C’est pourquoi le chloramphénicol est autorisé en médecine humaine, mais non pour des applications vétérinaires.

    Les antibiotiques approuvés peuvent être achetés et utilisés sous deux conditions: sans formalités (vente libre), ou sur ordonnance délivrée par un praticien qualifié. Au Canada, la vente libre d’oxytétracycline est confirmée par l’existence d’une notice d’utilisation du médicament, qui en décrit les conditions d’emploi. Il importe que des renseignements concernant l’emploi correct et responsable des antibiotiques soient fournis aux aquaculteurs. Dans les pays développés (par exemple aux Etats-Unis, dans les pays de la CE, au Canada), la plupart des antibiotiques approuvés ne peuvent être achetés et utilisés que sur ordonnance et selon les indications d’un professionnel qualifié.

    Pour une utilisation non conforme à la notice, un professionnel qualifié peut délivrer une ordonnance prescrivant un antibiotique approuvé à utiliser dans des conditions différentes de celles qui ont été approuvées. …..Cette réglementation est, de facto, très éloignée de celles des pays qui autorisent uniquement l’emploi des antibiotiques approuvés pour l’aquaculture.

    Il pourrait en résulter un manque de contrôle. Comme le dit l’USFDA, «les données et les informations nécessaires pour déterminer, dans des situations particulières, si le niveau de résistance au moment de l’abattage est supérieur à la normale suite à une utilisation hors prescription ne sont généralement pas accessibles aux vétérinaires praticiens qui doivent décider d’une utilisation non conforme à la notice». Outre les résidus d’antibiotiques, c’est donc la résistance accrue à l’antibiotique spécifique qu’il faudrait, théoriquement, suivre également. Dans les pays qui n’ont pas un service vétérinaire efficace, compétent en aquaculture, ou qui n’ont pas les moyens d’effectuer un suivi microbiologique, l’emploi non conforme d’antibiotiques est signe d’irresponsabilité et révèle de graves manquements en matière de gestion des risques sanitaires pour l’homme.

    Etablir et faire appliquer des LMR :

     Les procédures pour fixer les LMR sont complexes et, compte tenu des inévitables implications internationales, lentes. Le comité  FAO-OMS d’experts des additifs alimentaires qui se réunit seulement une fois par an, analyse les données. Lorsqu’il parvient (après de longues délibérations) à une recommandation, il transmet ses conclusions au Comité d’experts du Codex sur les résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments, pour une plus ample évaluation.

    L’établissement de LMR pour les poissons pose plusieurs problèmes, notamment celui de l’identification des tissus comestibles et des propriétés pharmacocinétiques et du métabolisme complexes des médicaments vétérinaires dans le poisson.

    La transformation, la cuisson et l’entreposage en congélateur peuvent réduire les niveaux de résidus d’antibiotiques. Cependant, il n’existe que peu de données concernant les effets des opérations de transformation, cuisson et congélation de produits animaux aquatiques sur la dégradation des résidus d’antibiotiques dans les produits animaux aquatiques; il est donc indispensable d’effectuer des évaluations appropriées de l’exposition, sous forme d’évaluation des risques, non seulement pour comprendre les risques, mais aussi pour rassurer les consommateurs.

    PERSPECTIVES MONDIALES :

    Le HACCP, un outil d’aménagement fondé sur le risque d’emploi des antibiotiques en aquaculture.(HACCP: Hazard Analysis Critical Control Point ;méthodes et principes de gestion de la sécurité sanitaire des aliments)

     En aquaculture, les antibiotiques sont généralement administrés avec les produits d’alimentation, soit qu’ils aient été incorporés pendant la fabrication des aliments, soit qu’ils soient déposés à la surface des boulettes par le fabricant ou par l’aquaculteur. Lors d’épidémies, les éleveurs peuvent administrer des antibiotiques par d’autres voies. Des instructions claires doivent donc être fournies aux fabricants d’aliments, aux distributeurs d’antibiotiques, aux services vétérinaires et aux éleveurs qui ont la responsabilité de leur utilisation.

    Qui diffuse ces renseignements, et qui est responsable de la réglementation et du contrôle des antibiotiques au plan national?

    Le système d’analyse des risques est recommandé en tant que moyen de limiter les risques résultant de la transformation du poisson et des produits halieutiques. Son application est obligatoire en ce qui concerne la transformation du poisson et tous les pays exportateurs doivent se soumettre à cette obligation pour avoir accès au commerce international. L’introduction du système HACCP pour limiter les risques alimentaires en aquaculture, y compris les risques résultant de l’utilisation irresponsable des antibiotiques, a été largement recommandée et a été examinée par un Groupe d’étude FAO/Réseau de centres d’aquaculture pour la Région Asie-Pacifique sur la sécurité des produits alimentaires.

    La plupart des réglementations concernant la production animale primaire, y compris l’aquaculture, ne font pas du HACCP une obligation. Dans de nombreux pays, même quand la responsabilité est partagée (en fonction des réglementations), ou quand elle est du ressort des producteurs, l’obligation réelle de contrôler l’emploi des antibiotiques et leurs résidus incombe en fait à l’industrie de transformation. Cela ne va pas sans difficultés quand il s’agit de mettre en œuvre des mesures de contrôle concernant l’emploi des antibiotiques en aquaculture.

    Pour les antibiotiques et les médicaments vétérinaires approuvés et pour des espèces spécifiques de poissons ou de mollusques, ainsi que pour le diagnostic (raison de l’utilisation), la dose, la durée du traitement et le temps de retrait, on dispose de tous les éléments nécessaires pour identifier les points critiques à maîtriser (CCP) et les limites critiques des normes réglementaires. D’aucuns ont suggéré que les CCP doivent se situer au stade de l’alimentation car c’est à ce moment là, en général, que les antibiotiques sont introduits dans le processus de production. L’analyse des résidus des antibiotiques utilisés, et la vérification que la réglementation a été respectée devraient faire partie des procédures de vérification. En outre, comme l’a suggéré l’USFDA, le suivi des résidus dans la chair des animaux pourrait n’être pas suffisant, et le développement d’une résistance dans les micro-organismes de l’étang (et/ou les micro-organismes visés) devrait aussi être suivi, soit un CCP supplémentaire.

    Pour ce qui concerne l’industrie de transformation du poisson, d’autres procédures, activités et suivis devraient être effectués en sus du système HACCP. En particulier, des conditions préalables (par exemple l’emplacement de l’usine, le contrôle de l’alimentation en eau et des effluents) et de bonnes règles d’hygiène devraient être imposées. L’entreposage et la manipulation des antibiotiques devraient faire l’objet d’un programme de suivi, comme l’indique la réglementation HACCP appliquée aux Etats-Unis pour le stockage des substances chimiques dans l’usine, par exemple.

    Comme dans la plupart des domaines liés aux risques alimentaires, le suivi des risques aquacoles fait intervenir de nombreuses personnes, dont les auteurs des réglementations, les consommateurs, les producteurs, les transformateurs, des journalistes et – parfois – des chercheurs, qui n’ont pas toujours une connaissance parfaite d’un risque donné et des moyens de le gérer. L’importance des problèmes de communication est bien connue. La communication touchant les risques est indissociable de l’emploi des antibiotiques à des fins aquacoles. Certains pays sont loin d’offrir la communication et la transparence nécessaires, ce qui n’aide pas à résoudre correctement d’éventuels problèmes et finit même par en créer de nouveaux. La communication avec le consommateur est particulièrement importante. Une crise comme celle qui a entouré le chloramphénicol désorganise les marchés nationaux et internationaux du poisson, car elle rend le consommateur craintif à l’égard du poisson comme aliment.

    L’utilisation correcte d’antibiotiques approuvés restera nécessaire en production animale, y compris dans l’aquaculture, et il faudrait rassurer les consommateurs en leur disant que l’emploi d’antibiotiques approuvés, en particulier conformément aux indications de la notice, est sans risque. A côté des problèmes de santé publique résultant du fait que des gens sont exposés sans défense à des bactéries devenues résistantes aux antibiotiques et aux résidus d’antibiotiques interdits, il existe également des contraintes économiques dont il faut aussi tenir compte.

    L’avenir de l’aquaculture dépend, entre autres choses, de la production de produits sains et salubres, et c’est là un objectif qui peut être atteint. Toutefois la crise due au chloramphénicol montre que la situation actuelle concernant l’emploi des antibiotiques est loin d’être satisfaisante. L’utilisation responsable des antibiotiques passe par la mise en œuvre de mesures adéquates de gestion des risques, notamment par l’élaboration et l’application de procédures réglementaires appropriées. Il convient d’améliorer la base des données et des connaissances disponibles concernant les risques et les aléas de l’emploi des antibiotiques, et les dangers que comportent certains risques avérés, notamment la distribution et l’emploi des médicaments devraient être portés à la connaissance du public.

    Dans les pays développés, les aquaculteurs devraient toujours être encouragés à solliciter les avis de professionnels pour ce qui concerne l’utilisation des antibiotiques. Là où il n’existe pas de conseils professionnels qualifiés, les pays devraient chercher à se doter des moyens nécessaires, et les institutions d’aide et les partenaires du développement devraient fournir toute l’assistance nécessaire à cet effet.

    L’application de pratiques d’aménagement fondées sur le HACCP dans les systèmes de production est indispensable pour réduire les risques éventuels. Des directives et des normes techniques appropriées devraient être mises au point, en consultation avec toutes les parties prenantes. Il est nécessaire aussi de rassurer les consommateurs en leur disant que l’utilisation des antibiotiques approuvés est sans danger et que des mesures sont prises pour réfréner l’emploi de substances interdites. Les informations pertinentes devraient être à la disposition du public en général à travers les divers mécanismes possibles de diffusion de l’information. Des efforts devraient être faits pour restreindre l’usage des antibiotiques aux seules fins thérapeutiques. Il faudrait encourager les pays à élaborer et à mettre en œuvre des procédures plus transparentes et mieux harmonisées au plan international pour la gestion et le contrôle des antibiotiques employés en aquaculture.

    Des LMR par pays ou par zones commerciales.

    Des LMR nationales ou par zones commerciales continueront d’exister jusqu’à ce que la CCA soit en mesure de fixer des LMR bénéficiant d’une large acceptation internationale. Malheureusement, le travail de la CCA progresse lentement et il faudra des années pour que l’on dispose d’une gramme complète de LMR. Le jour où il existera des LMR nationales ou régionales reposant sur des données scientifiques et des procédures de contrôles fondées sur des considérations de sécurité des consommateurs, on ne pourra plus dire qu’il s’agit d’obstacles au commerce, à condition bien sûr que les programmes de contrôle des résidus soient exécutés équitablement et sans faire de discrimination entre les produits nationaux et les produits importés.