Entre inondations et sécheresses, les remèdes tardent à être mis en œuvre

Regarder l’eau s’écouler en pure perte vers l’océan pendant 6 mois et déplorer les sécheresses les 6 mois suivants prouve que la France n’a pas souffert de pénurie d’eau dans le passé. Mais elle ne sait pas comment répondre aux besoins en eau du XXIème siècle.

Après les Romains et les travaux entrepris sous Louis XI pour transporter l’eau gravitaire pour l’irrigation et satisfaire les besoins domestiques. Hormis la création des canaux de navigation au 18ème, il a fallu attendre la construction des barrages hydroélectriques au 19ème et la crue de 1910 à Paris pour observer de nouveaux travaux hydrauliques.

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.La politique de l’eau « au doigt mouillé », coincée par de pesantes contradictions

Au 21ème siècle, c’est évidemment dans le sud de la France que la dichotomie entre les besoins en eau et les diagnostics sont en premier mis en exergue.

La population augmente, les besoins d’irrigation augmentent et la ressource en eau diminue. Dans cette ambiance tendue il faut trouver des responsables. Les uns invoquent l’augmentation du débit réservé, les autres l’impérieuse nécessité de diminuer la consommation et de réduire les surfaces irriguées. Ces facteurs ne régleront pas le fond du problème. Imaginer l’élevage sans abreuvage ou créer des plantes et des légumes qui poussent sans eau non plus. Il nous faut plus d’eau, tout simplement.

Et la France n’en manque pas, mais les volumes disponibles sont mal très répartis dans l’année.

Avec le spectre du réchauffement climatique, c’est tout le territoire national qui pourrait bientôt être pénalisé par le fait d’avoir oublié les savoir-faire millénaires, pire, de les avoir tourné en dérision.

Pour faire sérieux, la mode fut en effet de créer de grands barrages de plus de 100 millions de mètres cubes (Charlas sur la Garonne ~110 millions de m3, le fiasco socio-économique depuis 1970 de Chambonchard sur le Cher~125millions de mètres cubes).

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 1) dériver et capter l’eau excédentaire, un remède incontournable :

Le consensus condamne à juste titre les méga-ouvrages aussi destructeurs de biodiversité que dispendieux pour les finances publiques. L’Agence de l’eau Adour-Garonne par exemple qui reçoit annuellement 90 milliards de mètres cubes de précipitations, préconise dans ses prospectives la construction d’une trentaine de petits barrages de « type Sivens » d’une contenance totale de 69 millions de mètres cubes, pour un déficit estimé à 250 millions de mètres cubes.

FNE n’en veut pas.

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 2) se servir de l’eau en attisant les luttes environnementales pour espérer gagner des adhérents :

Faisant fi de l’intérêt général qui réclame 250 millions de mètres cubes et sans proposer d’alternative, les écologistes s’opposent par principe aux barrages. Comment résoudre ces antagonismes ? Socialement, l’Agence va-t-elle oser nourrir une 30aine de Sivens, risquer de provoquer une 30aine de morts… pour ne combler que le 1/3 de son déficit en eau?

Quelle sera la prochaine Collectivité maître d’ouvrage qui accepterait d’accueillir tous les zadistes de France… soutenus par FNE ?

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 3) les effets collatéraux du dogme :

A la fin du 20ème siècle sous la pression écologiste, les ouvrages transversaux des rivières et les étangs tombés en disgrâce, ont dû être remplacés par des bassins artificiels alimentés par des forages qui épuisent les nappes phréatiques…une technique peu durable.

bassine

Non seulement les agriculteurs furent contraints de regarder l’eau couler vers l’océan mais ils durent sacrifier des terres pour créer ces réservoirs dédiés à l’irrigation…avec de copieux financements publics. L’impact environnemental est calamiteux.

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 4) des décisions acourtermistes face à la surabondance et à la pénurie :

Quand il n’y a plus qu’un filet d’eau dans la Garonne, nécessité fait loi, les barrages hydroélectriques sont mis à contribution pour le soutien d’étiage, au détriment de leur production d’électricité décarbonée. C’est bien un aveu implicite de la nécessité des aménagements.

Dans les autres départements, les Préfets signent des arrêtés tous azimuts. Après les inondations (Var par exemple), les sinistrés subissent une quadruple peine : les dégâts matériels, la moins-value immobilière des biens, la résiliation des contrats d’assurance…et le Préfet qui déclare la zone inhabitable ou l’activité commerciale inexploitable.

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 5) un volet politique cocasse :

Quand ils doivent être maitres d’ouvrage, les politiques déplorent des "procédures de plus en plus lourdes"…que leurs services ont eux-mêmes édictées. Rappelons que la même procédure, pour un porteur de projet privé, se transforme en parcours du combattant et annihile l’esprit d’entreprise.

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 6) le piège démocratique s’est grippé:

Toutes les instances souhaitent rapprocher, sur le papier, "le citoyen de la décision" alors que la réalité est toute autre : le contribuable sait que son avis n’est jamais considéré et toutes les consultations démocratiques dispendieuses se soldent d’ailleurs par des camouflets.

En fait, par « pédagogie » les politiques souhaitent surtout adresser un message subliminal aux écologistes pour que le bon sens l’emporte…mais le chemin semble encore long.

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 7) alliés aujourd’hui, ennemis demain :

FNE vocifère contre les barrages et les seuils de moulins et l’ONG se retrouve alliée avec l’Agence de l’eau qui finance 70 à 100% les travaux de destruction des ouvrages hydrauliques.

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 Tout cela nous semble très incohérent :

Ø  les opposants aux barrages, étangs et seuils ne souffrent jamais de pénurie d’eau. En quittant leurs bureaux, l’eau coule à flot au robinet. Cela relativise le crédit de leur idéologie qui prétend imposer une gestion manichéenne de la nature.

Ø  l’Agence de l’eau ne pourra pas répondre aux enjeux si elle conserve cette politique ambivalente : payer la destruction des ouvrages qui pourraient répondre aux objectifs de la gestion quantitative qu’elle est censée résoudre.

Les remèdes

Avant d’inventer des solutions pharaoniques, dispendieuses, antidémocratiques, ne pourrions-nous pas copier la gestion gravitaire de l’eau des anciens et plus récemment, les réalisations dans les pays où l’eau est rare?

 

Au lieu de détruire les petits ouvrages dérivant l’eau, il conviendrait de les multiplier et d’augmenter le chevelu des rigoles et canaux dans tout le bassin versant. Assis sur les courbes de niveau, ils peuvent alimenter des étangs  réserves d’eau (le mot "étang" est tombé en disgrâce).

Ces aménagements, à dimensionner aux besoins, jouissent d’une forte acceptation sociale. Ils ont un intérêt en termes d’écrêtage de crues, de soutien d’étiage, de rechargement des nappes…

Une technique millénaire trop simple à restaurer? Pas assez onéreuse?

rigole

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deux exemples ci-dessous qui illustrent les inquiétudes/incompréhensions

 Hautes-Alpes : débits réservés, ou regarder l’eau passer

 Hautes Alpes

Hautes-Alpes -  L’eau fait bouillir la profession agricole dans les Hautes-Alpes, par les décisions que prend l’Etat. Ce qui est pointé : la loi sur l’eau, qui augmente le débit réservé des cours d’eau d’environ 40 %, afin de préserver le milieu aquatique. Actuellement de 500 litres par seconde, par exemple, dans la Vallée du Buëch, le débit réservé doit passer à 900 litres d’eau par seconde. Ce sont 400 litres qui ne pourront servir aux exploitants agricoles. C’est l’incompréhension pour Gilbert Tavan, le président de la fédération départementale des structures d’irrigation et de gestion de l’eau, « on regarde l’eau passer ». Selon le responsable, l’irrigation gravitaire notamment (utilisation d’un canal ouvert qui apporte l'eau par gravité à des canaux de plus en plus petits venant irriguer les parcelles cultivées. Méthode la plus ancienne et très développée dans le nord des Hautes-Alpes) permet d’alimenter les nappes souterraines. « L’eau reprend ensuite son cours d’eau deux semaines voire un mois après. Mais avec l’augmentation des débits réservés, l’eau retourne à la mer ».

Vers plus de réserves d’eau ?

L’une des solutions évoquées par Gilbert Tavan est de créer des réserves d’eau, ce qui pourrait à la fois répondre à la loi sur l’eau et aux inquiétudes des agriculteurs. Quant à Joël Giraud, député PRG des Hautes-Alpes et en charge d’une mission sur l’eau, il est également favorable à ces créations, mais selon le Parlementaire, « les mesures sont longues et il faut trouver des solutions intermédiaires ». D’autant plus que cette année 2015 est « emblématique, il y a eu peu de neige et peu de pluies de printemps. La situation actuelle dans le Buëch est celle du mois de juillet ».

Source : Alpes 1 Publié le 05/06/2015 

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