Installation en pisciculture : fiche pratique

Les projets d’installation en pisciculture étant rare, il nous semble nécessaire d'apporter un peu d'aide à la réflexion à ceux qui portent cette belle intention. Selon l’art L.431-6 du Code de l’environnement, « une pisciculture est, au sens du titre Ier du livre II et du titre III du livre IV, une exploitation ayant pour objet l'élevage de poissons destinés à la consommation, au repeuplement, à l'ornement, à des fins expérimentales ou scientifiques ainsi qu'à la valorisation touristique. Dans ce dernier cas, la capture du poisson à l'aide de lignes est permise dans les plans d'eau ».

Désamour de la profession, absence totale d’encouragement politique, cette situation n'est pas propice à susciter les vocations. Dans ce climat de sinistrose injustifiée eu égard à la demande des marchés, pas étonnant que les quelques candidats annuels pataugent et hésitent. C'est très dommage.

A leur attention, nous rédigeons rapidement cette fiche qui se veut la plus pratique possible. C’est une base à compléter. Elle sera amendée. (dernière maj: 11 mai 2016)

 Méthodologie 

Ci-dessous la méthodologie à respecter.  Les éléments évoqués sont classés dans un ordre prioritaire décroissant. Cet avis n’engage que le CEDEPA.  Le candidat à l’installation peut évidemment rêver et/ou commencer à investiguer  les points D, G ou C…mais il lui faudra toujours revenir à la case départ et franchir les étapes selon cette chronologie.

 A) la capacité d’investissement

A ce stade, il n’est pas encore indispensable d’entrer dans les détails à l'euro près, mais il convient d’avoir une intuition sur la provenance des fonds hypothétiques: « vos parents, votre épouse ou ses parents pourraient-ils financer, vous avez vendu un bien immobilier, commercial ou industriel? ...» bref un apport substantiel, plus potentiel que virtuel, qui vous permettra de solliciter un concours bancaire complémentaire pour concrétiser ce beau projet d’installation ou de reconversion.

 B) les objectifs de production

Quel type de production envisagez-vous ?  Vous savez déjà si vos préférences penchent pour tel type de pisciculture et telle(s) espèce(s) ; cela déterminera la région à prospecter en fonctions des exigences requises par les espèces ciblées: t° de l’eau, O²dissous etc…)

 C) le choix d’un site

Travailler et prospecter…pas rêver : il vaut donc mieux s’intéresser aux sites à vendre !

La réflexion peut (doit ?) suivre, toujours selon notre avis, le cheminement suivant :

  • Les facteurs édaphiques et physiques

Existe -t-il ne (ou plusieurs) alimentation en eau, quel est le module interannuel d’étiage ? Ne pas négliger l' examen de la nature du bassin versant (impacts anthropiques, pollutions…) topographie, géologie, pédologie, pH… Ces principaux facteurs peuvent être approchés très rapidement du bureau avec les SIG, mais ils nous semblent essentiels: il faut de l'eau abondante et de la meilleure qualité possible. Nous connaissons bon nombre de piscicultures délaissées à cause d'étiages sévères récurrents.

  • Le droit d’eau

S'il n'y a d’autorisation de dériver/d'utiliser l’eau d’un cours d’eau = la pisciculture est impossible (sauf si l'alimentation provient d'une source ou d'un forage, évidemment); Il existe ~60 000 seuils en France : vous allez bien trouver votre bonheur.  Le « droit d’eau » est un élément administratif primordial, mais il faut aussi être renseigné sur la consistance légale de ce droit d’eau : c'est "le règlement d’eau". Si votre fameux « droit d’eau » n'autorise historiquement l’ouvrage qu'à dériver 60L/s, il vaut mieux ne pas avoir trop d’ambitions en termes de production ; pour être plus clair, cherchez un autre site.

  • La remise en service d’un site piscicole désaffecté ou exploité "en roue libre"

C’est à bien des égards une bonne solution à la condition expresse de ne pas être « coincé » : que sa configuration actuelle puisse, si nécessaire, être réaménagée pour répondre à vos objectifs et aux contraintes environnementales (qui n’existaient pas quand le site a été créé).

Anecdote: lors d’une visite chez un pisciculteur qui avait acheté un site depuis peu de temps. Voyant rapidement qu’il y avait des problèmes de conception dans le circuit de l’eau, le positionnement des bassins et ne voulant pas lui faire de remarque désobligeante : « lors de l’achat, est-ce que la pisciculture te convenait ? comment l’aurais-tu conçue ? »   réponse : « c’était pas mal, tout me convenait ». Et pendant toute la visite, j’observais des tuyaux de dérivation dans tous les sens, des tranchées et un peu plus loin, une mini-pelle. Et le pisciculteur de m’expliquer qu’il réorganisait complètement le circuit de l’eau et qu’il créait au point bas, des bassins filtrants plantés pour capter les MES. Il faut interpréter la réponse dans la logique de son projet : « la pisciculture me convenait parce que je savais que je pouvais la réaménager ». Dans certains cas, vous êtes prisonnier des aménagements antérieurs, de la topographie, de l'absence de maîtrise foncière. Il faut considérer ces paramètres hydrauliques avant de se lancer et ne pas oublier de se renseigner sur d’éventuels problèmes sanitaires antérieurs (pathologies) ou de pollution.

  • La création ex nihilo

Avantage : on crée le site « idéal ». Intellectuellement, c’est valorisant. Financièrement...c’est beaucoup plus lourd. Remarque : de très nombreux sites pourraient techniquement convenir à la pisciculture en France. C’est une contre-vérité de prétendre que ce n’est administrativement pas possible : les modalités de création sont prévues dans l’art L.214-3 du CE.  https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074220&idArticle=LEGIARTI000006833123&dateTexte=&categorieLien=cid

D) la reprise d’entreprise en activité

La compta, les actifs, quels étaient les points forts, sa clientèle, les risques éventuels, les raison(s) de la cessation d’activité? retraite,? la date de validité de l’arrêté préfectoral, les éventuelles difficultés pour le renouvellement trentenaire, contrats et engagements en cours, autres ?...

E) le volet économique

Rentable et viable, quels produits de diversification… calcul de l’EBE.

Subventions (FEP…), si demande de DJA =>voir la CDOA

Avec un business plan finalisé et le montant de l’apport (point A), c’est n’est qu’à ce stade qu’il faut aller voir une banque

F) le volet administratif  

voir ici: CEDEPA_création pisciculture_cadre légal

Remarque liminaire très importante :

Nous avons observé/déploré à de très nombreuses reprises l’ignorance totale du processus à suivre, des instances à interroger et de la pertinence des questions posées. Un dossier doit être déposé au Préfet. Il est instruit par la DDT et sanctionné par l’obtention d’un arrêté préfectoral valable 30ans. Point.

Une question floue ou imprécise à la DDT l’obligera à très juste titre à remonter aux origines de la législation sur l’eau. C’est normal. Cela ne veut pas dire, comme l’idée semble ancrée chez ceux qui la colportent sans jamais avoir rien essayé, que l’ « on ne peut pas créer de pisciculture ». C’est archi-faux. Tellement erroné que l’opération est éligible au titre du FEP, nous y reviendrons.

Par contre, ce qui est évident : un dossier peu robuste à 100% de probabilités d’être retoqué. Dans ce cas, ce n’est pas l’administration qui est responsable, c’est le pétitionnaire.

  • la sémantique : employer les termes précis et les mots justes…
  • un dépôt de dossier rigoureux au titre du Code de l’environnement (nomenclature loi sur l'eau 3.2.7.0 : Piscicultures d’eau douce mentionnées à l’article L.431-6 du code de l’environnement)

production < 20t : dossier soumis à déclaration,

production > 20t : dossier soumis à autorisation.(art L. 214-1 à L. 214-6 du CE)

Il s’agit, en résumant rapidement, de la prise en compte des impacts du projet sur l’environnement. Outre les pièces constitutives, le dossier doit contenir un document d’incidence. La DDT doit pouvoir s’assurer que le droit d’eau est conforme aux prescriptions des articles L.214-17 et L.214-18 du CE (transit sédimentaire, libre circulation des espèces piscicoles), que l’eau qui sera restituée au milieu naturel ne subit pas de réchauffement, qu’elle n’est pas chargée en MES. Elle sera attentive aux mesures correctives des impacts que le pétitionnaire déclare mettre en œuvre. Rien de plus normal…et si ces préceptes élémentaires étaient respectés par l’agriculture intensive, l’industrie et la chimie, les cours d’eau français ne seraient pas dans cet état.

G) volet immobilier

Pour certaines professions, l'accès au foncier constitue un frein quelquefois rédhibitoire. Tel n'est pas le cas en pisciculture.

Le choix du statut juridique de l’acquéreur est libre: achat en nom propre ou en société. (en fonction d’options comptable, fiscale, patrimoniale...)

Signature d’un compromis de vente. Le compromis peut être signé en nom propre. Cela laisse le temps à l’acquéreur de créer éventuellement une société. La réitération de l’acte de vente, intervenant ~3 mois plus tard, sera signée par la société qui aura été constituée et enregistrée.

H) gestion du site, travaux d’aménagement, de ré-aménagement (hors création) sans impact sur le cours d’eau

Il est hors de propos d’être hors la loi, mais il n’est pas indispensable de faire n’importe quoi, surtout en questionnant tous les services à mauvais escient avant d’avoir son acte notarié signé. (même esprit que (F) ci-dessus. Les exemples de grosses maladresses personnelles pour des dossiers initialement simples ne sont pas rares. Ces dérapages peuvent perturber gravement le volet administratif de certains dossiers au point de retarder le début du projet.

« Les installations, travaux ou activités réalisés pouvant avoir un impact sur l’eau ou le milieu aquatique doivent faire l’objet par la personne qui souhaite les réaliser d’une déclaration ou d’une demande d’autorisation au titre de la police de l’eau, en fonction de la rubrique à laquelle ils appartiennent… ».

En d’autres termes, et nous l’avons souvent constaté, il est extrêmement contre-productif pour le candidat qui n’aurait pas étudié le fond, de questionner tous les services, même ceux qui n’ont rien à voir avec le dossier, la Mairie, le technicien rivière de la Comcom, le PNR ou pire demander des conseils à l’ONEMA (qui n’est pas un organisme de vulgarisation) etc...

Notre avis : si vous ne pouvez pas identifier «de rubrique à laquelle les travaux appartiennent », il semble prématuré de se lancer dans une déclaration ou demande d’autorisation à la DDT : il faut retravailler la copie et se renseigner correctement

 Perspectives et enjeux pour les porteurs de projets

A part quelques cas de reprises « internes » (un salarié qui aurait l’opportunité de reprendre un site, un pisciculteur qui achèterait celui qu’il convoitait), ceux qui s’installent ont rarement une formation piscicole. Ils n’émettent aucun doute sur leurs capacités à réussir.

Les très rares candidats à l'installation issus des formations piscicoles réclament en première question « les chiffres, le bilan » pour se rassurer. Mais cette démarche conduit plus à les inquiéter puis à les dissuader… comme s’ils se sentaient plombés par le chiffre d’affaires d'un  pisciculteur en fin de carrière, n’ayant plus de grosses charges ni de gros besoins financiers.C’est ainsi que de nombreuses piscicultures redeviennent des résidences principales ou secondaires. Les sites désaffectés en France sont plus nombreux que les sites exploités.Comment faire évoluer cette situation paradoxale ? D'où devraient émaner les orientations stratégiques?

Les candidats doivent considérer  la marge de progrès que le site recèle et son potentiel de diversification. Il ne faut surtout pas ignorer la forte demande des consommateurs...que les marchés ont du mal à satisfaire autrement que par recours massif aux importations.

 

 

 

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