Les étangs : un potentiel lentique sous exploité

.

La France compte 450 000 ha de lacs et étangs.

Depuis les moines qui ont été les précurseurs de la pisciculture pour respecter l’obligation catholique des repas maigres, l’attrait des étangs n’a pas cessé d’augmenter pour atteindre son apogée à la révolution. A ce moment, dans certaines régions, la moitié des étangs appartenant à la Noblesse et au Clergé furent vidés par une tranchée ouverte dans la chaussée. Bon nombre n’ont jamais été remis en eau. L’objectif initial de production piscicole a été progressivement supplanté par la production hydroélectrique au début du 20ème  siècle, puis par une orientation plus ludique fin du 20ème siècle : la chasse et les loisirs.

P1000370

La situation actuelle

 La pisciculture était encore une activité significative jusque dans les années 70. Les modifications culinaires qui ont privilégié les poissons "surgelés carrés enrobés de chapelure et de pâte à frire", puis la protection des prédateurs au mépris du pisciculteur ont sacrifié cette filière. Nous préférons importer du panga, du tilapia et acheter des espèces falsifiées sans aucune traçabilité.

Une intéressante étude nous renseigne enfin sur le nombre de mares, étangs et lacs en France ainsi que sur leurs surfaces respectives (Pascal Bartout – 2012 Maître de Conférence-Université d’Orléans).

La surface des étangs atteint 262 605ha auxquels s’ajoutent celles des mares et des lacs pour atteindre une surface cumulée d’environ 450 000ha. A titre de comparaison, la surface moyenne d’un département en métropole s’établit à ~616 000ha.

Une production nationale dérisoire, un potentiel sous-exploité

L’état de la pisciculture d’étangs en France équivaut à un rendement de quelques malheureux quintaux à l' ha en Beauce. Cette hypothèse grotesque qui serait tournée en dérision pour le blé, reflète peu ou prou les rendements piscicoles. Cela illustre bien le manque total de considération  pour le poisson d’eau douce français.

Des avis et propos incohérents

Côté politique :

Un grand décalage existe entre le discours politique sur  « l'autonomie et la souveraineté alimentaires, une filière qui constitue un enjeu majeur, la  production de protéines animales »…et le vide sidéral pour accompagner une filière clairièrée, désabusée dont la production baisse depuis 10ans alors que la croissance générale est à deux chiffres.

Coté ONG et particuliers :

Un désamour philosophique repris en cœur sur les prétendues nuisances des étangs. Le vilain étang est cependant  la cible de toutes les classements écologiques:  ZNIEFF, ZICO, Réserve Naturelle, Natura 2000, arrêté de biotope…en sa qualité de site naturel, alors qu’il est bel et bien artificiel qu'il mérite d'être géré.

Sur le plan immobilier, un étang quelle que soit sa surface, quel que soit son prix, constitue un bien convoité. Le fort lien sociétal semble aussi ancré pour les étangs que pour les moulins.

Coté Administration :

Production marginale, manque de gouvernance et de perspectives, aucun soutien politique…cela suffit pour qu’on enfonce la tête du pisciculteur sous l’eau avec une interprétation plus contraignante du texte que le texte administratif lui-même. On vous dissuadera même de ne pas perdre de temps à remplir un imprimé de demande de création d'étang: c'est démodé !

Méconnaissance politique

Un Conseil Régional a, parait-il,  pris conscience récemment que la forêt représentait un potentiel intéressant…alors que son taux de boisement régional est de l’ordre de 30%. Depuis lors, on s’active. Des arbres âgés d' un siècle ne se dissimulent pourtant pas facilement ! Personne n’y prêtait vraiment attention.

Des étangs existent depuis le 13ème siècle. Ils ne sont considérés qu’en sanctuaire ornithologique ou dédiés à la baignade. Qui, Grand Dieu, pourrait imaginer qu’ils puissent produire du poisson, et surtout servir une vraie filière ?… alors que pendant le même temps, le Conseil Général s’interroge sur l’approvisionnement des cantines scolaires en produits bio. La quadrature du cercle ! Personne n'y pense.

Il faut une responsable professionnelle élue au Conseil Régional des Pays de Loire pour que cette Collectivité s’intéresse à l’aquaculture. Bravo, sincèrement bravo, mais les pisciculteurs n’ont pas tous vocation à tenter de devenir Conseiller Régional, loin s’en faut. Et s'il faut attendre que chaque professionnel soit élu pour que le sujet de sa filière soit abordé, il faut agrandir le palais et augmenter les sièges.

Balance commerciale déficitaire

C’est au 21 Mai 2012 que basculait la date de dépendance de la consommation de poisson. On considère que nous mangeons notre production pendant les cinq premiers mois. Celle-ci n’est pas capable de répondre au marché le reste de l’année. Nous avons donc recours aux importations l’équivalent de sept mois/an. Cette information d’Océan 2012 ne reproche évidemment pas au consommateur d’apprécier de plus en plus le poisson (~30kg/an) mais on lui explique qu’il y en a de moins en moins et que la France est très loin de l’autosuffisance, nonobstant la surpêche.

L’avenir de l'aquaculture continentale oubliée= à quand  l’instauration des Schémas Régionaux de l’Aquaculture Continentale ?

-      la ressource diminue inexorablement dans les océans à cause de la surpêche minotière irresponsable et subventionnée,

-      la demande en poisson augmente sans cesse,

-      nous disposons de 450 000ha notoirement sous-exploités,

-      de nombreux sites restent à valoriser par de nouvelles créations  d'étangs (1) et de piscicultures(2)  pour augmenter le réel potentiel existant(3).

 Qui aurait une once d’intérêt à mettre ces éléments positifs en adéquation pour offrir au consommateur un produit de qualité, créer des emplois ruraux et favoriser les circuits courts?

Ph.Benoist

(1)    peu de concurrence foncière dans ces prairies à joncs.

(2)    une seule création de pisciculture depuis 30ans ?

(3)    contrairement à l’aquaculture marine,  la pisciculture peut maîtriser ses effluents avant rejet dans le milieu. C’est une garantie  incontestable.

.

.

Les commentaires sont fermés.