Bilan et réformes de la PCP (Politique Commune de la Pêche)

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En guise d'introduction, voir cette vidéo réalisée par l’ONG Océan2012

« mettez fin à la surpêche »

Elle décrit la situation et énumère les enjeux.

L’UE tente de nous convaincre que « les mesures prises pour protéger les ressources ont souvent fait l’objet de contournements ou d’infractions plus ou moins graves. Ces infractions aux règles communes ont des conséquences importantes et multiples. Elles empêchent les politiques menées pour assurer la durabilité des activités de pêche d’atteindre leurs objectifs. Si toutes ces règles étaient respectées de manière rigoureuse, les problèmes de surpêche et de durabilité de la ressource seraient en train d’être résolus dans les eaux européennes » (1).

Analyse édulcorée, car un rapport du 12 Décembre 2011 de la Cour des Comptes Européenne (2) n’a pas la même lecture et déplore la mauvaise utilisation des fonds  pour la pêche. Les 4,3 milliards d’euros du FEP (Fonds Européen pour la Pêche) sensés favoriser la pêche durable ont encouragé la surpêche en augmentant la capacité de pêche.

Les armateurs ont trouvé des moyens détournés pour obtenir des subventions. En 2008, un navire français a même obtenu une subvention de plus d’un million d’euros pour être déclassé alors que son permis de pêche était expiré depuis 2006 et qu’il n’avait exercé aucune activité en 2007.

Manque de gouvernance, mesures inadaptées, règles et échéances floues, retards de mise en œuvre, contrôles limités des aides publiques et défaut de suivi des États membres…la PCP fut un échec coûteux. La cour des comptes et les ONG dressent un bilan négatif.

 Le contexte :

On estime que dans les eaux européennes, près de 75% des stocks sont soit en limite maximale d’exploitation soit en cours d’effondrement soit déjà effondrés et en Méditerranée, ce ratio frise les 90%. L’idée de « un tiens vaut mieux pour moi tout de suite plutôt que pas grand-chose demain peut-être pour un autre » domine, illustrant parfaitement la notion de tragédie des biens communs (3) Cette mentalité se comprendrait de la part de la petite pêche artisanale, métier très difficile, écrasé de charges qui ne cessent d’augmenter (gasoil)…non : elle gère en bon père de famille un stock pillé par d’autres. Un océan immense, une ressource réputée inépuisable, une forte demande des marchés… rien n’arrête l’insatiable appât du gain de certains intermédiaires et distributeurs. Car la pêche, bien avant d’être un problème technique, constitue bien un enjeu financier important. Cerise sur le gâteau, pour augmenter l’ordinaire, on créé des produits spéculatifs : les quotas dits « individuels transférables. » L’imagination financière excelle dans cet exercice : quand le marché du bois s’érode, on vend du vent avec les crédits carbone pour gagner plus qu’avec le produit lui-même.

Les scandales concernent de nombreuses espèces : baleine, thon rouge, requins dont les pêcheurs tranchent les ailerons avant de les rejeter vivants en mer, les condamnant à se faire dévorer vivants, ou à une interminable agonie. Ces incommensurables désinvoltures sont désormais interdites en Europe.

Nos institutions civilisées sont complices de ceux dont la seule religion est le rendement financier maximum durable. Elles suscitent l’éco-terrorisme. Paul WATSON y consacre tellement sa vie qu’il est emprisonné en Allemagne. Le Costa Rica demande son extradition. La vie n’y vaut pas cher…et la sienne est mise à prix ! Il est considéré « dangereux »…les pilleurs des mers, non.  

Les techniques :

Pour l’Association de défense du milieu marin « Bloom » qui vient de faire interdire une publicité dans laquelle le groupe Les Mousquetaires se vantait de pratiquer une pêche durable, « la pêche en eaux profondes est une arme de destruction massive »

Cette édifiante vidéo est à regarder absolument: « les dégats de la pêche de grand fond »

 

 

 

L’hérésie monumentale des captures accessoires : dans certains cas, 40, 80 voire 90% des poissons capturés sont rejetés …morts, évidemment. Cette gabegie résulte des règles administratives et économiques. Cela correspond à une perte de 20 à 30 millions de tonnes par an (source FAO) auxquelles on se gardera pudiquement d’ajouter la quantité importante de pêche illégale…mais dont le flux est bien suscité par le client ? La Banque Mondiale (2009) estime à 32 milliards d’euros le manque à gagner économique, social et environnemental provoqué par la pêche irresponsable.

Les navires raclent les fonds marins dans tous les sens plusieurs fois par an. Nous n’irions pas les plaindre de se tirer une balle dans le pied sur la pérennisation de leur activité commerciale, mais ces financiers font fi de la chaîne écologique, de la biodiversité…pire : ils tirent une balle dans la tête de toute la pêche artisanale.

Et quand le chalut ne suffit pas, on pêche à la dynamite ou au cyanure de potassium.

Perte de biodiversité :

Comme pour les forêts primaires, nous avons tout ou presque à découvrir du milieu halieutique et nous sommes en train de le saccager. Les habitats ichtyques ne sont pas respectés : on ne saura jamais ce qu’ils recèlent et les progrès scientifiques dont l’homme aurait pu bénéficier. Cela ne semble gêner qu’une infime population. Notre besoin d’océan se limite à une plage et à du soleil…pour le reste, invisible et inaccessible, peu nous importe.

La pêche aveugle ratisse aussi bien tortues, dauphins que les récifs coralliens, écosystèmes très riches.

L’épuisement des stocks rompt la chaîne alimentaire. Des espèces se retrouvent privées de nourriture alors que les rapports proies-prédateurs sont essentiels à leur survie.

 Impact social et économique sur les zones côtières :

La pêche industrielle est nettement favorisée au détriment de la pêche artisanale. La mille-feuille des règles administratives quelquefois incohérentes et contradictoires conduit des milliers de patrons pêcheurs à la cessation d’activité. Depuis dix ans, un tiers des emplois marins a été perdu provoquant des effets aussi directs que ravageurs sur les communautés littorales.

En Islande, 428 entreprises de pêche ont fermé entre 2003 et 2007.

Depuis 2005, au Danemark, 35 ports de pêches ont perdu leur activité commerciale et 35 autres ont vu leur fréquentation diminuée de moitié.

 La PCP :

La réforme de la PCP débutée en 2009 arrivait dans sa phase finale en mai 2012.

La Commission propose l’introduction obligatoire des « Concessions de Pêches Transférables » (CPT) dans tous les états membres.

Les CPT s’apparentent aux « Quotas Individuels Transférables » (QIT).

Ce système de QIT est un système de gestion dans lequel le quota est alloué aux pêcheurs artisanaux ou aux navires. Ces quotas peuvent être loués, vendus ou achetés.

Imagination intarissable à Bruxelles pour inventer des sigles : MSY, TAC, CQM, CPJ, QIT. Ils concernent tous les multiples espoirs de mise en œuvre d’une pêche dite durable  mais dans QIT, la lettre « T » revêt une importance particulière : elle signifie « transférable ».

Or, il y a bien controverse dans l’attribution des quotas car à chaque fois que les droits de pêche sont sur le marché, seules les grandes entreprises sont capables d’offrir un prix élevé que les petits pêcheurs ne peuvent payer. Ce concept de QIT a engendré une course aux quotas et comme il fallait s’y attendre, le système  a explosé avant d’avoir été mis en place.

« Les économistes tentent de se convaincre que les quotas se retrouvent toujours dans les mains des personnes les mieux habilitées à utiliser les stocks. Nous sommes en total désaccord pour la simple raison que l’aptitude à gérer un stock halieutique n’a rien à voir avec le fait d’avoir ou non de l’argent ». (Arthur BOGASON Pêcheur).

 Ces quotas ont de multiples effets pervers…

-      si une espèce est capturée sans quota, vous en louez un (qui a déjà fait l’objet de spéculation),

-      effet sur le prix du poisson : vous louez 50 ou 100% de votre capacité annuelle de pêche. Ce n’est pas autorisé mais vous les louez quand même. Si la pêche est bonne, le cours du poisson augmentera et le surplus de quota retrouvera place sur les marchés,

-      effets sur les rejets en mer, les types de pêches (chalut)…

 Un marché  spéculatif :

 Le marché de la location des quotas est fondé sur la spéculation.

La spéculation est une fièvre naturelle. 50% des hommes spéculent. Chacun à sa mesure : cela commence par quelques centaines d’euros et il n’y a pas de limites…des millions d’euros en un an? un mois? un jour?

Les quotas sont détenus par des sociétés qui ne les exploitent pas. Il y a une concentration des droits puis une location aux pêcheurs. N’est-ce pas susciter la tentation que d’allouer des droits marchandisables à une société qui ne les exploite pas? Les esprits financiers toujours très affûtés n’attendaient pas une telle aubaine.

Aux dernières nouvelles, la commission serait prête à revoir sa copie. Les CPT seraient optionnels, mais ils deviendraient obligatoires au bout de 8 ans pour les pays qui n’auront pas réussi à résoudre leur problème de surcapacité de leur flotte de pêche.

 Le futur de la pêche :

Comment justifier nos 30 millions de tonnes/an destinées à l’alimentation animale et à celle des poissons quand un milliard d’humains ne mangent pas à leur faim ? Comment justifier que des croyances ou modes alimentaires conduisent à l’extinction du thon rouge, de la morue, du requin ou des baleines ?

Comment ignorer les recommandations des scientifiques ?

Comment nous faire croire que l’on traite politiquement le sujet depuis des années en mettant en œuvre des règles qui l’aggravent ?

 Où trouver des protéines pour 7 milliards d’hommes ?

La souveraineté alimentaire est en jeu, mais tant que nous n’aurons pas sorti le dernier poisson de l’océan, personne ne veut être le premier à changer de comportement puisque le système a toujours fonctionné… preuve que tout va bien ! Mais sans un coup de frein brutal à la pêche et l’éradication de la pêche illégale, nous aurons pillé les océans en 50 ans.

 

1-   Bulletin Pêche et aquaculture en Europe n°51 (mai 2011) – Union européenne.

2-   A lire sur : http://eca.europa.eu/portal/pls/portal/docs/1/13304732.PDF

3-   Ce phénomène économique décrit la façon dont la « rationalité économique » pousse des individus qui se partagent un bien commun à le surexploiter. Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie 2009, disparue mi-juin, avait notamment travaillé sur cette question et sur comment l’action collective et l’auto-organisation pouvaient constituer une troisième voie, entre privatisation et gestion étatique.

Sources :

Association Océan2012     www.ocean2012.eu

Association Bloom  http://bloomassociation.org/?q=fr/accueil-fr

Sea Shepherd. Paul Watson

FAO

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