"l’asticot fait crever les truites" : mythe ou réalité ?

Heureusement que le ridicule ne tue pas, sinon il y aurait plus de mortalité chez ceux qui colportent cette affabulation que chez les truites.

Un mythe est un « récit imaginaire dans lequel sont transposés des événements réels ». Nous pourrions relire cette définition du dictionnaire en sens inverse : un récit réel provenant de faits imaginaires.

L’histoire 

Au cours d'une discussion avec deux "spécialistes" : je conseillais à l’un d’offrir des asticots à ses truites plutôt que du granulé. Exclamation du second : "surtout pas ! Il ne faut jamais donner d’asticots aux truites, et savez-vous pourquoi "?...sans me laisser le temps de respirer, le premier de répondre avec une grande certitude : "oui, l’asticot dévore la truite de l’intérieur et la fait crever".  A deux contre un, la joute verbale était perdue d’avance. Il me restait la dérision : "en Mai,  j’ai avalé un noyau de cerise et en Juin un cerisier a poussé dans mon estomac".

Nous pensons plus sérieusement que l’estomac du poisson digère avec les sucs gastriques tout ce qui est valorisable et que le reste est éliminé par les fécès. Ces acides gastriques contiennent de l'acide acétique et l'acide hydrochlorique, qui sont les principaux composants rendant ce suc gastrique "digérant".

Les conséquences 

- l’asticot est interdit comme appât dans les cours d’eau classés en 1ère catégorie. Est-ce la crainte de faire crever les truites ou pour éviter des pêches miraculeuses en raison de l'appétence des truites pour cette proie naturelle très riche ?  Nous n'avons pas trouvé la justification de cette interdiction. Rien de scientifique en tout cas.  

Ayant en mémoire les piscicultures de salmonidés installées juste en aval des abattoirs,

Ayant nourri des truites dans les années 70 exclusivement avec des asticots et n’ayant constaté aucune mortalité, nous imaginons mal dans le régime alimentaire des salmonidés qu’un mets de choix soit susceptible de les faire crever. 

- l’asticot n’est pas utilisé comme aliment dans les piscicultures. On lui préfère le granulé, sans aucune traçabilité.

La vérité

Conscient que notre intuition et nos observations ne nous confèrent pas pour autant le titre de docteur vétérinaire, nous en avons interrogé un, spécialiste en pathologie des poissons.

Par courtoisie sympathique, il n’a pas tourné notre question en dérision. Ayant des sujets sérieux à traiter, sa réponse fut  laconique : «Ingestion proie entière par déglutition ; court œsophage dilatable. Gros volume de stockage stomacal (très dilatable). Sécrétion acide chlorhydrique de pepsine etc... Fort pouvoir d'hydrolyse. (Je ne vois pas un asticot résister !!!). Temps de contact long (fonction température, taille proie, liquéfaction tissus de la proie). Premiers passages des matières liquéfiées par le pylore : action des enzymes, des  exo-endo-peptidases, des lipases (pancréatiques, déversées dans nombreux caeca (1) pyloriques ; mouvements péristaltiques allez retour dans ces caeca). Intestin court (parties proximale, moyenne, distale, distinction assez frustre je crois), absorption. Enfin, formation des fèces dans partie distale qui est encore un lieu d'échanges. Par contre, des perforations stomacales sur truite (ulcère aigu), déjà vu avec alimentation avec granulés : plutôt lié intoxication (histamine, amines biogènes, autres ??) »

Dans les campagnes, les idées ont la vie dure... mais le sens de l’observation, l’intuition et l’analyse vétérinaire confirment que l’asticot ne fait pas crever la truite.

C'est un mythe...qu'on se le dise!

 

(1) pluriel de « caecum » : diverticules des intestins chez les animaux

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