TAF : projet de décret relatif à l’extension de la partie marine de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises

Il faut tout d’abord saluer cette avancée dans la protection marine française : près de 120 000 km² en « protection renforcée ». C’est une révolution dans nos habitudes attentistes. En effet, jusqu’à ce jour, seul 0,22% des eaux françaises bénéficient d’une protection renforcée. Cela permet à la France d’honorer la biodiversité de son immense territoire maritime d’Outre-Mer et de jouer sa partition dans le concert des autres nations qui déclarent de grandes réserves hautement protégées depuis une dizaine d’années. Il s’agit d’un progrès considérable qui doit être soutenu.

Cependant, il est encore timoré : nous souhaiterions une extension immédiate encore plus importante de la partie intégrale de la réserve naturelle. Nous pouvons aller plus loin dans •ce dossier pour de multiples raisons :

1.    Une zone encore peu impactée,

sans habitant, très riche, et difficile d’accès,  une chance pour créer de grandes zones sans extraction.

2.    Une surveillance facilitée

les avancées très récentes dans les systèmes de surveillance satellitaire permettent de surveiller des zones beaucoup plus importantes, et d’interpeller les contrevenants de façon beaucoup moins coûteuse grâce notamment au PSMA (Accord sur les mesures du ressort de l’Etat du port), rentré en application en juillet dernier et signé par une soixantaine de pays à ce jour (fin septembre 2016). Cet accord stipule que chaque Etat signataire est redevable de la poursuite des navires en pêche illégale signalés par la surveillance satellitaire et qui s’annoncent dans ses ports, rendant malaisés les trafics illicites. Les pays « voisins » comme l’Afrique du Sud, le Chili, Maurice, le Mozambique, l’Australie ou la Nouvelle-Zélande… disposent désormais de cet outil. Bientôt, un autre instrument comme le numéro unique des navires de pêche facilitera encore le contrôle. Ces nouvelles facilités et mesures permettent de ne plus hésiter dans la désignation de très vastes zones  en protection intégrale.

3.    Un potentiel d’atténuation des effets du changement climatique 

Les scientifiques sont en train de démontrer que l’océan, ce thermostat de la planète, est un atténuateur des effets du changement climatique, à condition qu’il soit en bonne santé, donc que toute la chaîne trophique soit opérationnelle. On parle dans toute la zone Australe et plus spécialement autour des Kerguelen d’un important puits de carbone en cours d’étude. C’est une autre raison pour laquelle il s’agit de désigner des zones en protection renforcée les plus vastes possibles qui permettront :

a.   d’anticiper les migrations d’espèces, et des zones de convergence dues au changement climatique ;

b.   de protéger les espèces comme le krill, le poisson fourrage ou les algues qui attisent de plus en plus les convoitises légales ou illégales ;

c.    de se projeter dans une autre dimension que la sauvegarde de notre part d’océan, celle de la planète et de notre climat.

Il est donc souhaitable

·        • De créer des zones de protection renforcée beaucoup plus vastes, compactes et d’un seul tenant: Il a été démontré que plus la réserve est vaste et massive, moins discrète est l’intrusion des navires pirates. Mais les zonages doivent être d’un seul bloc, les plus homogènes et compacts possible, ce qui n’est pas le cas par exemple dans le périmètre proposé de la zone de protection renforcée des Kerguelen. Or le zonage actuel étant décidé par décret, il ne sera donc modifiable que par le premier ministre (sur proposition des ministres concernés); il s’agit donc d’anticiper un changement aussi bien politique que climatique en visant beaucoup plus grand et plus compact dès aujourd’hui. Nous ne sommes pas en mesure de déterminer précisément dans quelles zones favoriser cette extension, ce qui doit être déterminé par des scientifiques. Il ne s’agit pas ici de « faire du chiffre », mais d’anticiper les atteintes au milieu, aussi bien extractifs que climatiques.

·       • Une création de protection renforcée est certainement possible à Saint-Paul et Amsterdam, qui n’en bénéficie pas dans ce projet initial, alors que le milieu est suffisamment riche pour supporter des colonies impressionnantes d’oiseaux et de mammifères. Un manque d’évidences scientifiques peut être pallié par des études complémentaires qui viendront après. Des moyens sont disponibles auprès de fondations qui souhaitent s’investir dans ce domaine.

·       •  La zone de protection renforcée des Kerguelen est éclatée en 4 secteurs, avec parfois des arrêtes brusques, deux caractéristiques qui ne nous semblent pas justifiées : la surveillance n’ira pas dans les angles, et les espèces marines ainsi que les puits de carbone ont besoin de beaucoup plus d’espace. Nous demandons donc à ce que les zones en contigüité des îles Heard and McDonald constituent un seul bloc, ainsi que les deux zones plus au Nord autour des îles Kerguelen, si les 4 ne peuvent réunies en un seul bloc.

Nous proposons donc de mettre en réserve intégrale au moins 100 000 km2 en un seul « bloc » dans chacun des trois périmètres, Kerguelen, Crozet, et St-Paul-Amsterdam, avec une possibilité de surface plus importante dans la ZEE des Kerguelen.

·         Au niveau du décret, à l’article 35 il est préférable de parler d’ « activités extractives industrielles et commerciales », ce qui couvre non seulement la pêche mais aussi tout ce qui est forage, dragage etc.  pour encore une fois pour anticiper.

·         Enfin, sur les zones prévues en réserve naturelle « classique », il est important d’anticiper les évolutions en matière de pêcheries, d' interdire d’ores et déjà tous les engins de pêche (autres que la palangre) destructeurs du milieu naturel et qui se livrent au pillage des espèces piscicoles.

 

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-de-decret-relatif-a-l-extension-de-la-a1529.html

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