Pêcheur de plastique: un nouveau métier ?

Nous avons transformé l’Océan en poubelle géante. Partant du principe que tout ce qui était emporté par les eaux n’avait pas à être traité, stocké ou incinéré sur terre, encouragé par l’immensité de l’océan, conforté par l’absence de responsabilités, l’homme n’a pas encore pris la mesure de l’ampleur du préjudice environnemental. Si le plastique ne se dégrade pas, il se brise en petites particules ingérées par les poissons, albatros etc…mais le reste, par milliers de tonnes, ne disparaît pas pour autant. Il devient invisible et c’est bien plus grave.

Les gros morceaux tapissent les fonds marins. Restent tous les déchets flottants. Et sous l'effet des courants, ils finissent par tourner en rond rassemblés aux mêmes endroits pour former ce que l’on appelle une mer de plastiques.

Ces immenses décharges aquatiques commencent à être étudiées : on peut compter plus de 100.000 morceaux/km². La pollution insidieuse ne se voit pas. Le gros inconvénient, c’est l’aspect visuel sans lequel on n’aurait probablement jamais évoqué le sujet.

Ces décharges concentrées dans un périmètre donné pourraient être récupérées pour le recyclage. Le plastique ayant un meilleur pouvoir calorifique que le pétrole constituerait un combustible générant de l’énergie. Pour exploiter ce gisement, il faut des pêcheurs. Nous avons le matériel et les savoir-faire tant pour les déchets flottants que pour le chalutage de fond. Prenons un chalut de 8m de large, une vitesse de chalutage de 6 nœuds, cela représente 45 millions d’heures en continu uniquement pour une zone en Atlantique. Considérant un temps effectif de chalutage de 50% tenant compte du relevage du chalut, du déchargement à quai, maintenance…on estime à 90 millions d’heures de travail soit plus de 1000 chalutiers pêchant 24/24h, 365 jours/an pendant 10ans. Cette récolte de ressource inépuisable tant que l'homme ne changera pas ses pratiques, sera optimisée par la performance des navires qui, à défaut de poissons, seront recyclés en pêcheurs de plastique.

Gageons que Maria Demanaki, Présidente de la PCP à l’UE qui a dépensé 4,3 milliards d’euros pour tenter de diminuer(1) une flotte de pêche qui n’a jamais été aussi puissante après l'avoir copieusement subventionnée, va désormais indemniser la reconversion des pêcheurs de plastique puisque les stocks halieutiques sont en voie d'épuisement?

 

 (1) " Cadre peu clair, définition inappropriée, plafonds appliqués de moins en moins pertinents, surcapacité ni quantifiée ni définie, règles inappropriées, retards importants, faiblesse des plans d’ajustement, faiblesse des indicateurs, financement des projets d’investissements susceptibles d’accroître la capacité de capture, problème de mise à jour de fichier, insuffisance des rapports…conception et mise en œuvre médiocres".[note CEDEPA: une gouvernance, une gestion des stocks consternantes et insoutenables...pour un mea culpa qui ne sera jamais prononcé. Seul l'appât du gain maximum et immédiat guide les acteurs.]

Les mesures actuelles ont échoué ". C’est en ces termes que la Cour des Comptes Européenne conclut le rapport qu’elle a publié sur l’inefficacité des mesures européennes en matière de lutte contre la surpêche, malgré les 4,3 milliards d’euros du Fonds Européen pour la Pêche (FEP). Les armateurs auraient profité de ces aides comme le cas de ce navire qui a bénéficié d’une subvention européenne de plus de 1 million d’euros en 2008 pour être déclassé… alors que son permis de navigation n’était plus valide depuis 2006. (la subvention indue est-elle remboursée ?)

http://eca.europa.eu/portal/pls/portal/docs/1/10548725.PDF

Ce billet de 2011 était prémonitoire, car le concept de la récupération des déchets commence à être considéré en 2016: http://www.francetvinfo.fr/monde/mediterranee-les-pecheurs-de-plastique_1394883.html

 

 

 

 

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