nourrir les poissons avec le ver à soie

La soie…un tissus fabuleux

Une production millénaire, un passé prestigieux, des savoir-faire presque disparus, une filière oubliée...pourtant…

L’origine de la découverte revient, selon la légende reprise dans tous les articles sur la soie, à une Princesse Chinoise ~2500ans avant JC.

Une histoire riche en enseignements :

Le secret de la sériciculture bien gardé par les chinois :

Pendant près de 3000 ans (2 500 ans av. J.C.et 500 ans après), l’art d’élever les vers et de tisser la soie est le monopole des chinois. Un décret impérial condamnait à mort sous torture quiconque trahirait le secret de l’élevage et du dévidage du cocon… Seuls les tissus pouvaient sortir du pays.

La route de la soie=8000km

Elle assura les échanges commerciaux avec la Chine jusqu’au Moyen Age.

Les itinéraires terrestres  trouvent leurs voies un siècle avant JC et les itinéraires maritimes furent empruntés dès le 2ème siècle.

Le ver à soie franchit la frontière chinoise :

L’élevage du ver à soie débute en Europe au VIème siècle après J.C., grâce à deux moines du Mont Athos, envoyés par l’empereur byzantin Justinien. Ils ont rapporté de Chine des œufs de vers à soie cachés dans leur bâton de pèlerin en bambou. Ce stratagème permet enfin d’élever des vers à soie hors de Chine.

L’élevage se répandit dans l’empire byzantin, et lors de la conquête arabe, au XIème siècle, passa en Espagne et en Italie. En France, L’activité séricicole remonte au XIIIème siècle, notamment dans le Gard (1234) et à Paris (1290).

1466 : Louis XI créée la première manufacture :

Face à l’importation ruineuse de la soie (brute ou manufacturée) Louis XI décide de créer une manufacture de soieries.

Il choisit la ville de Lyon, au carrefour des routes nord-sud. Les émigrants italiens de cette ville pratiquaient la banque, le change et surtout le commerce des soieries.

1470 : le Roi déplace la manufacture à Tours :

L’installation à Lyon s’avère laborieuse :

-          les importateurs italiens manœuvrent insidieusement contre cette activité qui les concurrence directement,

-          le conseil municipal ne peut pas supporter seul (sans subventions royales) le paiement des salaires des spécialistes imposés par le Roi.

-          Il veut la fabrique plus près de lui (il habite à Plessis-Lès-Tours).

      Cette manufacture, qui existe toujours, devient alors le fournisseur de la cour.

1536 : François 1er organise la fabrique de Lyon :

La ville devient un entrepôt général. Les politiques lyonnais semblent enfin vouloir combattre les marchands italiens installés en leur ville.

Les manufactures de Tours et Lyon sont en concurrence, d’autant que la cour s’éloigne de Touraine.

Henri IV donne une dimension nationale à l’industrie de la soie :

Son projet d’économie politique est basé sur l’extension des plantations et de l’industrie soyeuse.

Le Roi est aidé par :

-          Olivier de Serres, figure cévenole, agronome, protestant et auteur d’un célèbre mémoire sur « la cueillette de la soie ». Dès 1601, il fera planter quatre millions de mûriers en Provence et en Languedoc.

-          en 1602, une décision royale demande à chaque paroisse du pays de posséder une pépinière de mûriers et une magnanerie.

-          à Paris, la Manufacture des Gobelins est créée et au Bois de Boulogne une magnanerie est construite, alimentée par une plantation de 15 000 mûriers.

Louis XIV et Colbert :

Les mesures prises par Colbert permettent à Lyon de devenir une grande fabrique :

-          suppression des douanes intérieures entre province,

-          Lyon décrété unique bureau de douane pour les soies et soieries,

-          institution de droits protecteurs sur les importations.

XVIII ème et XIXème : apogée de la soie française :

L’âge d’or de la sériciculture se situe entre les années 1820 et 1855.

Les 3 pôles de la soie :

-          l’élevage du ver à soie se développe dans les Cévennes à partir de 1709,

-          l’atelier de Tours se maintient sans se développer,

-          la fabrique de Lyon est en plein essor et au XIXème siècle bénéficie de la protection napoléonienne avec les soieries à décor Empire et Restauration.

       

1er enseignement : il y a 3000ans, les Chinois préféraient exporter des produits manufacturés que de la soie non transformée,

2ème observation : au XVème siècle, la problématique consiste à vouloir produire en France pour éviter d’importer,

3ème remarque : la filière a été portée par une volonté politique très affirmée.

Ces paradigmes seraient-ils obsolètes ?

 Quel rapport avec la pisciculture ?

Nous allons nous intéresser au ver à soie  car il  constitue un met de choix pour les poissons. Une valorisation, avouons-le, bien moins noble que la soie, mais avant de se métamorphoser dans son fabuleux cocon, il recèle d’autres atouts : c’est une prodigieuse usine à protéines.  Sans intrants ni CO²...une ACV (Analyse du Cycle de vie) de l'aliment imbattable.

Le ver est la chenille d’un papillon qui ne vole plus depuis des lustres : le bombyx du mûrier. Des bombyx,  il y en a pas mal, mais celui-là n’est ni urticant ni allergisant …et il ne mord même  pas !

L’expression « grosse larve » prend ici tout son sens. 5000 ans de sélection l’ont rendu servile et stupide au point de ne plus pouvoir se déplacer seul dans l’arbre qui le nourrissait. Il doit être élevé dans des caisses plates dont il ne pense pas s’échapper : il mange.

En 25-30 jours, la chenille aura multiplié sa taille par 8000 et son poids par 10  000. Pour égaler cette prouesse, un bébé de 3 kg devrait peser 30 tonnes en un mois et mesurer 12m.  

P1040324

Elevage très facile voire simplissime. Il faut deux conditions: une certaine température …et des feuilles de murier blanc (morus alba). Ni humidité ni eau, il ne boit même pas. Et des feuilles il lui en faut en entrée, en plat de résistance et en dessert…et il est très vorace : il mange tout le temps et uniquement  des feuilles du murier !!  Rien avoir avec la mûre qui est le fruit de la ronce (rubus). Le mûrier est un bel  arbre (intérêt ornemental)  qui peut atteindre 20m facilement.  Pour simplifier la récolte des feuilles, on lui prodigue une taille basse en gobelet. 

P1040329

Le savoir-faire séricicole français était unanimement reconnu. Si la confidentielle quasi oubliée filière soie n’utilise plus que la soie de Chine ou du Brésil, le ver à soie pourrait être convoité. Nous dégustons des huitres et grenouilles mais ignorons l’entomophagie. Laissons le de côté provisoirement pour remplacer notre bifteck. Par contre, le ver à soie peut constituer un substitut de luxe dans l’alimentation animale.

Sarcastiques, Olivier de Serres et Henri IV nous observerons  réinventer les plantations de mûriers.

 

Ph. Benoist

 Info : on peut acheter des plants de mûrier (clone kokuso 21) chez Henri Brion 86 La Bohle  68650 Lapoutroie    http://www.ver-a-soie.com/

Les commentaires sont fermés.